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Henry War
28 novembre 2018

Gagner des concours d'écriture !

Tant déçu des éditeurs, écœuré par tant de négligence et de mépris, on peut comprendre pourquoi je me rabattis sur des concours d’amateurs – concours de nouvelles notamment – dans le désir d’entretenir ma plume et dans l’espoir de recevoir enfin quelque reconnaissance pour des œuvres plus courtes dont j’étais aussi bien capable.

Qui sait ? On lit ici et là que ces criteriums sont parfois des tremplins pour l’édition – mais j’avoue que cette projection, que ce fantasme, que ces allégations du moins, viennent toujours d’individus qui n’ont pas été édités. Pourtant, après tout, cette hypothèse semble logique : un auteur remarqué par exemple dans la presse a sans doute davantage de chances « d’attirer l’attention », y compris l’attention de commerciaux comme il faut bien qu’un éditeur soit.

Je n’ai participé qu’à des concours gratuits, pour les raisons qu’on sait ; je ne puis donc parler des compétitions payantes : trop d’argent dépensé déjà ; et puis, on ignore toujours a priori l’honnêteté des organisateurs, surtout quand on ne s’y est jamais essayé – il peut y avoir, comme partout, des escrocs trop heureux de profiter de la crédulité et de l’orgueil des aspirants écrivains pour leur soutirer quelque chose contre rien. Il serait si facile, si on y réfléchit, de prétendre avoir tout lu et d’affirmer ensuite avoir remis un prix à un nom fictif, voire à un ami : la plupart des concours, que je sache, ne se font pas sous contrôle d’huissier ! Or, si des professionnels peuvent être déjà systématiquement si décevants, qu’on songe à la méfiance que doit logiquement inspirer une moindre organisation d’amateurs !

Et donc, pas question pour moi de payer un sou.

On trouve des listes assez exhaustives de concours de nouvelles sur Internet – inutile que j’en énumère ici les sites, ils sont faciles à trouver (allez, je vous offre ce tuyau increvable : taper « concours de nouvelles » sur n’importe quel moteur de recherche. Ne me remerciez pas !). On y retrouve classés méthodiquement : les coûts d’inscription quand il y en a, les dates de clôture, l’accessibilité (certains concours sont réservés aux étudiants de telle université, aux habitants de telle région, etc.), la longueur exigée, le mode d’envoi (papier ou numérique) et surtout les genres et thèmes de ces épreuves. C’est toujours un défi assez réjouissant que de se mettre au travail sur un sujet d’emblée totalement farfelu ou sur une matière très éloignée de vos habitudes : on réexpérimente chaque fois le travail de maturation d’une idée qui n’a rien à voir avec la sacro-sainte inspiration mystique ; il s’agit de remettre en cause ses préférences et son style, et l’on élabore maints canevas d’intrigues dont il faut prévoir la résolution jusqu’au bout, dont, notamment, la chute, étape obligatoire et importante de toute nouvelle à mon avis digne de ce nom.

C’est difficile, assez douloureux, mais intellectuellement fécond. Comme j’ai dit, il me faut alors en moyenne au moins deux heures de réflexion avant de me lancer concrètement et d'écrire le premier mot du récit. Et certes, si j’admets que je n’ai pas produit que de grands textes à ces occasions, je crois pouvoir dire qu’aucun d’entre eux ne fut raté ; je veux exprimer par là qu’au contraire de certains romans dont j’ai parlé, je n’aurais nulle honte à les produire, comme je l’ai déjà fait par ailleurs.

J’ai ainsi participé à une douzaine de concours sur une période de trois mois – grosse intensité de rédaction liée toujours à mon goût intarissable pour les défis et pour le rythme « professionnel » dans l’écriture. J’ai privilégié les concours où je n’avais rien à envoyer par papier, pour éviter encore des frais : marre d’enrichir la Poste qui ne cesse d’augmenter (savez-vous ? l’État envisage encore une taxe supplémentaire l’année prochaine sur le prix des colis, une de plus !). À l’époque, j’étais moi-même organisateur et jury d’un concours, celui du… Cercle des Lettrés ! Ce nom très légèrement grandiloquent (bon ! admettons « tout à fait » grandiloquent) masque mal la modestie de l’épreuve : au collège où je travaille, tous les élèves volontaires étaient invités chaque mois à produire un texte sur un sujet précis affiché dans la cour. À la fin du mois, un jury composé pour moitié d’autres élèves et de professeurs devait évaluer chaque texte sur 10 suivant un certain barème, de sorte que les auteurs des trois textes ayant obtenu la meilleure moyenne bénéficiaient d’un livre de poche gratuit de leur choix et de quelques autres menus avantages.

Autant dire que certains élèves particulièrement travailleurs et talentueux se sont fait de jolies collections de livres sur les crédits « projet » de l’établissement !

Evidemment, un tel concours, si circonscrit soit-il, incitait tout de même à un règlement strict : il n’était pas question par exemple que les membres du jury eussent accès à l’identité des écrivains. Cette précaution était élémentaire pour éviter toute espèce d’influence : il fallait donc qu’une personne extérieure reçût les textes et se chargeât de les rendre anonymes et de les référencer. C’était, parmi d’autres, un point essentiel pour veiller autant que possible à l’impartialité de la notation et, par conséquent, du palmarès final.

Les concours de nouvelles ne prétendent généralement pas autre chose : on vous demande quelquefois d’indiquer un mot de passe par lequel votre récit sera désigné, on vous prie de ne point faire figurer vos noms et coordonnées sur le fichier de votre texte, tout cela est très bien et fleure bon la neutralité et le soin.

Oui mais – et cela n’a jamais manqué de me surprendre depuis le début –, on vous oblige toujours à indiquer votre adresse. On doit supposer que cette précision servira pour le cas où l’on vous enverrait une récompense, cependant on peut légitimement s’interroger s’il est vraiment nécessaire de la réclamer si tôt. Mais…

…c’est une chose étonnante car il apparaît qu’à une exception près je n’ai jamais rien reçu par courrier : toujours une réponse par mail.

…c’est une chose étonnante car il apparaît que sur une douzaine de concours, je n’ai même reçu de réponse par mail que dans trois-quarts des cas : dans un quart, on ne vous indique rien ; vous avez beau avoir communiqué toutes vos coordonnées numériques, on ne vous prévient pas que les résultats sont tombés, c’est tout à fait à vous de trouver les supports où il faut chercher les lauréats, c’est quelquefois un site officiel, d’autres fois vous devez fouiller dans les archives des journaux locaux, une fois même je n’ai jamais pu savoir si un jury avait vraiment délibéré et rendu son verdict.

…c’est une chose étonnante car il apparaît que dans les trois-quarts des cas on ne vous renseigne pas sur le classement de votre texte, ni sur d’éventuelles appréciations du jury, ni sur quoi que ce soit vous permettant d’estimer la qualité même relative (je veux dire relative aux textes concurrents) de votre production. L’amateurisme, semble-t-il, n’y fait rien, ne crée pas d’entregent, n’incite pas les gens à des égards humains : la lettre-type, numérique ou non, paraît un usage obligé dans notre société.

…c’est une chose pas du tout étonnante car il apparaît que dans l’immense majorité des cas vérifiables, les lauréats habitent précisément le lieu où le concours est organisé !

Sur ma douzaine, un seul avait lieu dans l’Orne (Bloody Fleury-sur-Orne). Or, j’habite l’Orne. Donc, c’est le seul concours que j’ai remporté (seconde place).

Coïncidence, peut-être ?

Une anecdote éloquente : du temps où j’y participai, le concours Plume des Monts d’Or, qui se tient aux environs de Lyon, crut bon d’indiquer à ses participants peu après la date de clôture de ses inscriptions que son édition avait été un succès puisque le jury avait reçu plus de cent textes répartis, je crois, dans plus de quarante départements. Or, sur les six prix décernés par catégorie d’âge, dont celui du texte étranger (et il est question de remettre un stylo de luxe Montblanc), quatre furent remis à des auteurs habitant à moins de trente kilomètres de Lyon – ce que le jury ne cacha point en communiquant en toute insouciance la commune des lauréats. Plus encore, le président de l’association, M. Caillat, pour son prix étranger, félicita une libanaise, mais non sans rappeler, comme un clin d’œil, qu’il y avait peu encore elle avait habité… près de Lyon !

Scandale, en l’occurrence non pour moi – j’avais, on le sait à présent, bien l’habitude de constater les déportements de mes contemporains – mais pour plusieurs de mes élèves à qui j’avais proposé la participation au concours : ils furent supplantés par deux frères d’une commune proches de Lyon – famille d’artistes, on suppose !

On peut excuser, en la matière, une certaine dose d’amateurisme : un tel jury, bien souvent, est constitué de fans de Marc Levy ou de Guillaume Musso, par conséquent il n’est pas fort question de les obliger à distinguer la qualité de la facilité. Pour tous ces prix, si on lit les textes des lauréats qui sont généralement publiés, on constate que l’ordre d’arrivée n’est pas du tout celui qu’il faut – et l’on n’a encore accès qu’au trois textes primés ! N’empêche, cette relativité s’explique : une médiathèque, une mairie, une association d’ingénieurs, que sais-je encore ? vous propose un concours d’écriture, il ne faut pas espérer que leurs avis seront fort motivés, notamment par des considérations artistiques pointues : un peu de racole suffit, c’est logique en somme. Ainsi, un conseil : si vous désirez augmenter vos chances de succès dans le peu de ces concours où le texte vaut davantage que l’origine de son auteur, ajoutez-y l’ingrédient de la morale populaire, quelque chose de bienséant et de poisseux où l’amitié, la vieillesse, un migrant ou une femme bafouée tient un rôle positif de façon à combattre un malheur ou un vice qui fait l’unanimité – et même, à ce prix-là, vous ne serez pas contraint de respecter la forme d’une nouvelle et d’y produire par exemple une chute : tout le monde se figurera que votre « bonté » en tiendra lieu. Les moqueries que susciteront en moi vos mièvreries plates se changeront en larmes émues et admiratives chez des âmes fragiles et pâles sans fermeté ni caractère ni détermination propres.

Regardez-y bien, les gagnants de ces concours ont le plus souvent su jouer de ces cordes énormes et sensibles : parce qu’un jury se sent quelque responsabilité éthique à valoriser une morale, fût-ce la plus bête du monde – mais le Goncourt même y fait-il exception avec tout son lot de lauréats pleurnichards, avec conflits, famine, immigration, fracture sociale… ? –, et puisque personne n’a véritablement réfléchi au sens même de la morale, un récit pour dénoncer la guerre ou pour critiquer le viol vous élèvera bien au-delà du raisonnable ; et l’on vous découvrira tout soudain un talent qu’on ne vous avait jamais reconnu ailleurs pour la seule et sidérante raison que vous êtes devenu du même avis que tout le monde !

N’importe, comme j’ai dit : des amateurs… mais déclarés ! Il n’y a donc pas lieu de se plaindre de ce qu’on savait dès l’origine !

Mais pour l’opacité et la triche, ça non ! ça, ce n’est pas juste ! Quand vous avez passé dix ou douze heures à bucher sur un texte comme s’il s’agissait d’un examen crucial, il vous importe tout particulièrement que votre place ne vous soit pas volée par quelqu’un de pistonné ou qui habite à proximité d'un certain lieu !

Je suis bien convaincu qu’on ne me croit pas encore, que l’on suppose mes dires le fruit d’une frustration ou d’une volonté de « buzz » – est-il vraiment possible qu’il y ait ici-bas tant de pourriture, et pour quelle raison ? Il me semble pourtant que j’ai assez fait jusqu’à présent en matière de véracité documentée pour ne pas continuer à alimenter de pareils scepticismes, mais il est vrai que je dis des choses si neuves qu’on ne les pense pas seulement vraisemblables. Or, comme je crois avoir mieux réussi à convaincre jusqu’à présent sur le sujet des éditeurs, j’userai avec vous de la même méthode employée alors, à savoir : vous figurer à la place d’un organisateur de  concours d'écriture.

Qui êtes-vous donc, d’abord ? Une association pour l’essentiel, voire une autorité locale. Vos fonds proviennent en grande majorité de dotations publiques, souvent départementales ou municipales ; en général, une mairie ou un Conseil est associé à l’organisation de votre concours et un de ses représentants figure parmi le jury.

Et c’est le moins que vous puissiez faire : cinq cents euros ou trois mille pour doter vos lauréats d’une récompense attrayante – bons d’achat, lots divers, cash ou publication – vaut sans doute rien qu’une petite place parmi un jury amateur !

Bien.

Et puis vous songez…

Vous êtes une association locale après tout, je veux dire que vous réunissez vos membres en un lieu réel et non sur Internet – il n’existe pas, à ma connaissance, beaucoup de concours de ce type délocalisés. Voilà que vous vous interrogez à présent – au débotté, juste comme ça, mais c’est inévitable – sur les personnes que vous souhaiteriez recevoir vos prix.

L’argent de ce prix est local, c’est un fait. Il ne se peut à la fin que le maire qui vous finance ne juge quelque peu inutile et lassant de payer à longueur de temps pour un auteur qui vient de l’autre bout de la France – vous le comprenez et, sans qu’il ait besoin de vous menacer, vous vous dites à la fin que ces arguments s’entendent. Ne serait-ce que cela : pourquoi ne pas donner une bonne image de votre région ou de votre ville en sanctionnant positivement pour son travail l’un de ses habitants ?

Entre deux textes de valeur égale, vous savez donc déjà quelle information vous sera déterminante – et pourquoi pas ?

Eh oui, sauf que, les textes détestables mis à part – et il doit y en avoir un assez grand nombre –, la différence de qualité entre deux bons récits n’est guère facile à percevoir (ça paraît tout à fait subjectif, non ? C’est toujours en tous cas ce qu’on me répond, à moi, quand je prétends le contraire) : lisez donc mes critiques littéraires pour voir tout ce qu’il y faut de raisonnements et d’expertise ! Or, il ne s’agit point là d’experts, mais bien d’amateurs…

Alors, comment faire ? Une autre question fatalement vous traversera l’esprit : c’est que vous avez organisé, dans telle salle des fêtes de votre commune, une petite cérémonie de remise des récompenses ; or, il faut convenir que sans les lauréats cette fête sera quelque peu gâchée, quand bien même il faudrait converser avec un téléphone branché sur haut-parleur. Votre lauréate corse, par exemple, ne se déplacera sans doute pas pour cinquante euros si votre jury est picard (moi-même, pour trente euros de bons d’achat je ne me suis pas rendu à Fleury-sur-Orne) – c’est ennuyeux. Que dire ? Il faudrait interdire l’accès au concours à l’essentiel de la France éloignée, mais c’est un peu contraire à vos principes, et puis on ne sait jamais, si votre Corse par miracle avait de la famille dans la région…

N’empêche, si vous sélectionnez trois lauréats dont pas un seul ne peut venir, c’est embarrassant…

Astuce : demander par avance à tous les concurrents si, tel jour à telle heure, la salle des fêtes de *** aura l’honneur de les recevoir – réclamez une réponse ; outre que ça arrangera vos préparatifs, vous saurez toujours si, parmi eux, se trouveront vos lauréats.

Presque tous les organisateurs des concours auxquels j’ai participé me l’ont demandé…

Oui mais voilà : quel lauréat accepterait de se déplacer loin de chez lui pour ne faire qu’assister au couronnement d’un autre ? Car il est clair qu’à ce stade vous ne pouvez pas encore communiquer la liste des gagnants, même aux seuls gagnants : c’est que, si vous le faites, outre les risques de fuite qui découragerait les perdants de venir, vos gagnants eux-mêmes pourraient encore ne pas pouvoir venir, et, les trois peut-être absents, vous n’auriez toujours personne pour animer votre cérémonie.

Compliqué.

Donc, mieux vaut ne pas prendre de risques : la majorité des textes primés seront des auteurs locaux : l’adresse devient un facteur non plus déterminant, mais éliminatoire de votre concours ! Eh quoi ! vous n’y pouvez rien ! C’est bien, tout de même, de satisfaire quelqu’un dont vous pourrez serrer la main ! Après tout, ce sera la preuve qu’on réussit aussi par chez vous – ce qui, si vous êtes picard, au lieu des préjugés ordinaires,… !

Et voilà pourquoi vous perdriez votre temps à participer à des concours de nouvelles loin de chez vous.

 

Post-Scriptum ouvert, aux organisateurs du concours BloodyFleury : Madame Savary, c’est avec beaucoup de gratitude que je continue de vous remercier de m’avoir élu deuxième à l’un de vos précédents concours de nouvelles – gratitude d’autant étonnée que le texte que je vous avais fait parvenir ne respectait ni la limite de longueur exigée dans votre règlement ni le genre imposé, ce que je vous avais précisé au moment de ma participation (je vous avais alors exprimé par avance ma compréhension s’il fallait que je fusse disqualifié). Je vous renouvelle aussi mes excuses de n’avoir pas été présent lors de votre cérémonie de récompense, ainsi que mes remerciements pour le bon d’achat de trente euros que vous m’avez envoyé, valable dans plusieurs librairies de la ville de Caen. À ce sujet, je dois vous avouer que j’ai donné ce bon à l’un de mes collègues qui passait alors sur Caen où je ne vais jamais – preuve que je ne me déplace guère et que votre organisation n'était pas du tout en cause. or, voilà : j’ai découvert que j'ai bien fait de ne pas m’y rendre, attendu que ce bon a été refusé à son possesseur comme n’étant valable que la durée de votre salon de cette année où j’ai été distingué. C'est pourquoi je m’interroge un peu s’il était encore bien nécessaire, à cette condition, de me l’envoyer par la Poste dix jours après. Bien à vous.

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Commentaires
C
Incroyable qu'il n'y ait pas plus de Corses qui participent à tous ces concours, bien entendu ! :D<br /> <br /> (le "Cercle des Lettrés", mazette ! Mais je trouve l'initiative très intéressante pour les élèves, c'est certain...)
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H
Quoi d'incroyable ?
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V
Incroyable !
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