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Henry War
17 décembre 2018

Dédicaces

picture Alors, j’ai vendu.

Oh, pas grand-chose encore : depuis le 29 novembre (soit deux semaines au moment où j’écris), dix-neuf âmes généreuses, le plus souvent émanées de la poitrine de collègues, ont consenti à acheter mes Anomalies : je soupçonne bien que ces ventes furent les plus faciles, et aussi qu’il y a, dans les premiers jours succédant à une impression, le plus grand nombre d’acquéreurs, mais ce petit succès initial est cause au moins que je n’aurais pas perdu beaucoup d’argent quand bien même les ventes devraient s’arrêter là.

Vous êtes bien aimables, au passage, vous tous, d’avoir eu l’intelligence – chanceuse ou non, qui sait ? – de me lire !

Le blog, pour l’instant, ne vend guère : deux achats. Mais mes articles sont lus, et c’est toujours une jolie vitrine. Et puis, cela renseigne, je suppose : le scandale dévoilé de l’édition française (et peut-être internationale) finira tôt ou tard par faire réagir ; il le faut si l’on espère encore à l’émergence d’une véritable culture orgueilleuse et nationale.

Evidemment, on n’a pas cessé de me demander des dédicaces… ce qui ne m’aurait sans doute nullement posé de problème si j’en avais déjà réclamé et obtenu moi-même ! Mais voilà, j’ignore décidément tout de mes contemporains, de leurs manières et coutumes ; c’est pourtant, je sais bien, une tradition ancienne, mais je suis dans la méconnaissance totale de la façon dont les auteurs procèdent d’habitude.

On m’a demandé deux fois de joindre, à mon message… un dessin : un amateur de bande-dessinée notamment m’en a réclamé un – c’est logiquement un usage dans ce milieu, à ce que j’ai vérifié –, mais aussi quelqu’un d’autre m’en a commandé un, de sorte que j’en suis venu à m’interroger si c’est une sorte de rituel y compris chez les écrivains.

Cela, bien entendu, ne m’aurait posé absolument aucun problème, et j’aurais répondu bien volontiers à de telles demandes… si j’avais su dessiner.

Je crois – mais cette croyance, je dois bien le reconnaître, n’est pas fondée sur grand-chose – qu’une dédicace trouve sa place en première page du livre plutôt sous la forme d’un petit texte écrit. Le nom de la personne doit y figurer, ainsi qu’un message aimable et personnel.

Je ne sais pas, tant que nous y sommes, ce que je serais en mesure de dédicacer à des inconnus. D’ordinaire, les auteurs gribouillent, après s’être enquis du prénom de la personne, un : « À Françoise, avec toutes mes amitiés. Bonne lecture », mais je me sais incapable de mentir même par intérêt ou de réaliser des paroles creuses même à l’écrit, et il me faudra trouver quelque chose d’autre si Françoise est un laideron abominable et bien incapable de m’inspirer la moindre gentillesse – je n’ai rien prévu en ce cas, et je tremble de me trouver tôt ou tard dans cette situation. Par ailleurs, une telle adresse me semble ne rien valoir : les écrivains célèbres en produisent ainsi cent par jour, et j’ignore tout à fait comment un lecteur peut s’en trouver flatté, si ce n’est pour cette trace qui ne veut rien dire et pour la valeur de rareté ajoutée peut-être à l’objet, car enfin, c’est tout à fait la même chose que pour n’importe quel quidam ! Je songe à présent qu’il y a sûrement un avantage à ce que je ne devienne jamais renommé, et c’est de m’épargner cette difficulté et cet embarras d’avoir à rédiger des dédicaces si piètres en série : mon intégrité peut-être n’y résisterait pas ; je me sentirais par trop négligent et contraint à des incommodités compromettantes ; je finirais probablement complaisant et niais.

Les auteurs, comme j’ai dit, gribouillent un peu, apparemment : ils grattent rapidement les linéaments d’une dédicace de travers et d’une écriture effilée, signée avec force fioritures au stylo feutre noir. On doit appeler ça : le style. Il paraît que c’est beau ; ça fait son effet en tous cas.

Moi, j’ai l’écriture banale et malaisée d’un gaucher contrarié. Et il faudrait peut-être que je songe à m’acheter un feutre, mais j’ai bien trop peur, aussi, de transpercer le papier !

Par ailleurs, je ne vois toujours pas en quoi ce graphisme « enlevé » peut pallier un message nul. Je suspecte cette manière de faire accroire à la facilité de l’écriture : écrire vite, même des platitudes, serait une preuve de génie inspiré. Mais on sait, moi, comme je suis lent et méticuleux : à quoi bon feindre encore, après ce blog ?

Pour l’instant, j’ai brouillonné la plupart de mes dédicaces avant leur recopie : je n’aurais pas toujours ce temps-là sans doute, mais tant que je l’ai, pourquoi ne pas m’en servir ? Mes brouillons alors furent souvent pleins de ratures, et je ne me suis jamais repenti d’avoir produit un essai – à l’occasion, mon brouillon comportait même… une faute d’orthographe.

Je suis maniaque. Comme pour écrire sur la première page du livre il faut tirer beaucoup la couverture au risque d’abîmer le collage, je préfère appliquer une règle à l’endroit du pli, et n’ouvrir raisonnablement la page qu’après m’être assuré que ça n’entamera pas la colle et que le livre ne « cassera » pas. Ça fait toujours alors un tout petit craquement inévitable qui blesse mes oreilles et mon hypersensibilité.

J’écris au stylo bille, pour l’instant – c’est moins net mais moins gras, ça n’a presque aucun risque de transpercer la feuille ; une première dédicace en bleu, comparé au noir, m’a fait adopter le noir, plus élégant (le récipiendaire du bleu en est bon pour un exemplaire à jamais unique ; sa consolation, si c’est un peu moins beau : la première dédicace de M. War !) – j’avais cru que le bleu rendrait une plus grande impression d’original, attendu qu’aujourd’hui on photocopie facilement n’importe quoi en noir et blanc.

Hors de question que j’écrive directement contre le livre, ça laisserait une empreinte de plume sur les pages suivantes, et je n’aimerais pas ça, non, pas ça du tout : j’applique donc un petit paquet de feuilles pliées derrière la page dédicacée pour empêcher cette trace de relief.

J’écris droit, le plus possible – c’est facile pour moi, j’ai l’habitude de rédiger sur du papier blanc et d’éviter les décalages : pas de ligne donc qui « dégueule ». Le contraire a de la personnalité sans doute ; moi, je ne puis m’empêcher de trouver ça malpropre. J’écris sans doute trop soigneusement, de mon écriture appliquée d’enfant – on voit, je suppose, que ça m’a pris du temps, que je n’ai pas usé de facilité – en calculant bien la taille des marges.

C’est que j’ai écrit toutes mes dédicaces en vers libres, sauf celle à V*** en alexandrins, et une en prose pour une jeune fille. Je ne sais pas pourquoi. J’aime mieux. C’est plus composé, je trouve : les vers font d’agréables unités de sens. Je ne sais si je poursuivrai toujours ainsi, mais je tiens à ce que même mes dédicaces ne me laissent aucun regret. Elles font, pour moi, tout autant partie de mon œuvre/

Puis vient la signature : j’ai longuement hésité s’il fallait que j’écrive mon vrai nom ou mon pseudonyme, et j’ai jugé après tout qu’il était plus cohérent d’indiquer en exergue l’identité qui figure sur la couverture, même à ceux qui me connaissent personnellement (à la maison, par commodité, je ne me fais plus appeler que « Henry » ; mes filles s’y sont habituées à coup de matraque, et il ne leur viendrait plus à l’idée, je pense, de parler de moi à leurs copines de maternelle sans précéder mon haut nom du « Sir » légitime de majesté que j’exige). Or, n’ayant pas de gribouillage approprié pour signature – quel artifice ce serait ! –, j’ai songé que c’était ce nom d’emprunt qui devait figurer en toutes lettres, sans excès de fioritures. J’écris donc « Henry War » avec assez de minutie, et je souligne un peu drôlement.

À la fin, je relis une ou deux fois l’ensemble, et comme mes jambages « manquent » par endroits – c’est une manie chez moi : mes « béquilles » se détachent parfois au sein même des mots et cela rend la lecture moins fluide, je trouve –, j’arrange cela subtilement, de façon qu’on n’ait pas l’impression de retouches ou de ratures : mes mots retrouvent un peu de leur unité, mes lettres sont mieux reliées comme des bras d’enfants. Ajouter à cela la boucle trop négligée de mes « r », et quelques points sur mes « i » que j’ai tracés la première fois n’importe où…

Et voilà. C’est cela, pour moi une dédicace : n’hésitez pas, vous, si je me trompe, à me communiquer comme il faut faire : si je m’y prends mal, j’en serais tout à fait édifié ! Mais aussi, je me connais : ça ne signifierait absolument pas que je changerais ma façon : je suis si désespérément têtu quand je me crois certain de mon bon droit, et je demeure si peu sujet aux influences !

J’ai pourtant reçu bien des sourires en échange de ces messages – mais je n’ignore pas que les sourires sont ce qu’on échange le plus volontiers : on ne m’aurait pas boudé si tôt mes attentions sincères, en particulier figurant sur un livre payé un certain prix.

C’est peut-être un appel à témoignages, qui sait ? que ceux qui furent embarrassés par ma dédicace lèvent la main et se fassent connaître ! Je verrai ensuite ce que je peux faire, je rembourserai s’il le faut ou bien je referai la dédicace, non sans toutes les insultes explicites et rageuses auxquelles je me croirai alors légitimement permis !

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Commentaires
H
Reçu. Ah ! si je savais dessiner...
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V
Je t’ai envoyé par mail une photo d’une dédicace que j’ai beaucoup appréciée.
Répondre
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