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Henry War
7 octobre 2019

Sains principes de loi

Le bien le plus précieux de l’homme est le bonheur, non la vie. Une vie de malheur est une agonie funeste et c’est en cela une possession qui vaut autant qu’une séance de torture, longue ou courte (et il vaut sans doute mieux alors qu’elle soit courte). Toute organisation politique, toute fédération de citoyens, doit donc logiquement se donner pour but premier non la préservation et l’allongement de la vie, mais les conditions d’une vie heureuse, même brève.

Une vie constamment menacée n’est pas heureuse, certes ; pour autant, nulle vie n’est exempte de menaces même constantes. L’apprentissage du sage est de considérer la relative fragilité de la vie, et de se représenter qu’elle s’achève tôt ou tard par la mort, lente ou brutale, qui peut survenir à peu près n’importe quand, par hasard ou par intention. La crainte de cette mort ne vaut pas d’attenter moindrement à la qualité de la vie : il ne s’agira donc pas, pour une assemblée de citoyens conscients et avisés, d’effacer à tout prix de la pensée commune l’image même de la mort.

Ce principe est nécessaire pour ne point admettre qu’on doive sacrifier une portion de notre bonheur à la poursuite de l’existence. Aucune loi ne peut avoir notre consentement pour restreindre un bonheur au profit d’un avantage de sécurité ou de santé. « Il importe peu que je meure, pense le citoyen sage, mais je veux qu’avant cela je puisse rendre mon maximum d’engouement, d’enthousiasme et de joie dans la vie. »

La source la plus élevée de bonheur est évidemment l’expression la plus grande de la volonté individuelle ; cela, autrement dit, s’appelle : « liberté ». Tout ce qui limite la liberté, absolument tout, abîme notre bonheur. Une loi, en tant qu’elle impose une contrainte à nos désirs et à nos plaisirs, y compris en tant qu’elle interdit le crime, fabrique inévitablement de la frustration et du malheur. Le meilleur gouvernement est donc celui qui promulgue le moins de lois et se cantonne à celles strictement nécessaires.

Pour être exact, je veux dire que les lois d’une nation devraient garder fermement comme point de mire le maintien du bonheur de ses citoyens. Elles peuvent logiquement empêcher que des malheurs se produisent, mais le législateur doit constamment avoir à l’esprit que son action risque d’attenter aux libertés individuelles – qu’elles vont leur attenter – et il n’usera de son pouvoir qu’à regret et avec précautions : le bon législateur serait ainsi celui qui, conscient de sa nuisance, ne recourt à ses prérogatives que dans le cas où il y est absolument forcé.

Il faut, d’autre part, que le citoyen soit rappelé perpétuellement à la sagesse de n’aller pas se créer des malheurs artificiels. Il faut qu’il conserve à l’esprit le danger intrinsèque de ses motifs de plainte qui mettent en branle la justice et le législateur. S’il conçoit toujours que le bonheur est une chose simple qui se peut facilement gagner par l’expression de ses libertés, il ne se servira pas d’imaginations ou de névroses pour asseoir des poursuites qui formeront des jurisprudences pour imposer toujours davantage de contraintes et augmenter l’inconfort et le malheur des gens. Par ailleurs, et c’est un fait logique, les gens sont davantage disposés aux nuisances lorsqu’ils s’en estiment atteints, par conséquent plus ils se trouvent menacés par des lois, plus ils en invoquent pour se défendre.

Chez nous, l’immense majorité des lois, qui ne se fondent pas du tout sur cette idée de parcimonie, n’ont qu’un rapport extrêmement lâche avec la notion de bonheur – c’est à peine si elles tâchent à prévenir un malheur, au quatrième ou cinquième degré seulement, pour ainsi dire. On n’a pas pris la mesure de la délicate responsabilité que c’est de légiférer. On envisage des dangers fort relatifs, rarement avérés, de vagues risques sans grandes conséquences, et on en fait des sujets de vigilante prévention. On blesse l’Actuel libre au prétexte du Potentiel nuisible ; j’entends par là qu’on crée des contraintes fort tangibles pour nous prémunir de malheurs qui ne nous seraient sans doute jamais arrivés. Le principe est pourtant facile à entendre, et n’importe quelle situation s’y prête : le bonheur qu’on croit perdre à telle action qui n’est pas encore contrainte par une loi vaut-il le malheur d’une loi supplémentaire ? Autrement dit : souffrira-t-on davantage de la loi ou de l’absence de loi ? Dilemme qui, sans réponse nette, devrait même entraîner sans hésitation le refus de légiférer.

J’hésite ici à exposer les cas concrets qui serviraient d’exemple à l’examen de ce sain principe : c’est que je crois bien – je suis même sûr – que de pareils exemples ne serviraient qu’à conforter chacun dans sa propre opinion de ce que sont des lois nécessaires ou nuisibles. C’est qu’on ne peut pas ou ne veut pas entendre combien haut il faut placer la liberté dans l’échelle des bonheurs, étant nous-mêmes devenus si contraints qu’on se figure comme par vengeance qu’il faudrait que tout autre fût réduit ainsi que nous ou même davantage à la prison normale. Mais partout où le dilemme se pose, je veux vérifier en tout premier lieu si le malheur que l’on prétend empêcher ne se situe pas surtout en imagination ou dans quelque extrapolation abstraite de celui qui se prétend alors victime réelle ou potentielle.

Du reste, ce principe fondamental implique, je crois, d’être accompagné d’autres principes subsidiaires qui aideront à éclaircir les litiges pouvant survenir dans l’appréciation du maintien de la liberté ou de la nécessité du « malheur » consécutif à l’acte de légiférer :

1° Le droit au bonheur que nous accordons à chacun au fondement de tout système de représentation induit que jamais la société ne tâchera de sauver un individu contre sa volonté. Quand le désir de mourir, ou même lorsque la négligence qu’on fait de sa propre vie surpasse le bonheur d’exister ou par exemple celui d’être en bonne santé, nulle autorité ne doit pouvoir s’arroger contre le citoyen le droit de décider ce qui lui apportera un plus grand bonheur. C’est que l’appréciation du bonheur ne doit jamais manquer d’être individuelle et personnelle, faute de quoi chacun, pour le bonheur d’autrui, tâchera de régenter à son avantage ou selon sa seule conception l’accès au bonheur de tous ou d’une multitude.

Ne pas estimer qu’il existe un malheur ou un préjudice de malheur pour la société en général, qui n’est qu’une entité abstraite, au mieux qu’une somme d’individus aux intérêts souvent contradictoires. Tout gouvernement dépense pour le bonheur de ses citoyens, c’est son rôle essentiel et unique, sa fonction initiale et constitutive, sans quoi aucun gouvernement ne mérite d’être formé. C’est pourquoi nul instrument collectif, nulle administration d’aucune sorte, ne doit compter les moyens du bonheur qu’elle instaure pour en tirer des prétextes de rancune contre ceux de ses citoyens qui, par leurs imprudences ou leurs apparentes déraisons, « coûtent » à la nation et l’obligent à rétablir le bonheur qu’ils ont perdu par leur faute directe ou indirecte. Un gouvernement fait son devoir, exprime sa raison d’être ni plus ni moins, lorsqu’il fabrique ou restitue un bonheur, et reprocher à un individu ou à un groupe que cette fabrique ou que cette restitution soit une charge pour tous, c’est nier la fonction primordiale d’un gouvernement et sa cause pure et simple.

3° Logiquement, au sens le plus net et « intransitif » où il faut entendre le bonheur selon moi, ce n’est pas l’anticipation du malheur qui doit être premièrement le souci d’un gouvernement, mais bien la réduction du malheur effectif et réel. Une grande précaution doit toujours s’appliquer à la prévention d’un malheur lorsqu’il est raisonnablement établi que celui-ci peut tout aussi bien ne jamais advenir : la pratique d’une philosophie élémentaire et saine devrait permettre aux individus de comprendre que l’imagination ou même la vue d’un objet de malheur ne signifie pas qu’on doive en tirer un malheur ou un sentiment de malheur pour soi-même ; en somme, il ne faut jamais empêcher une action dont l’effet de malheur n’est pas nécessaire ou obligatoire.

4° Aucun système légal en général, je crois, ne peut conduire au bonheur des citoyens si la pensée qui y préside n’est pas à considérer les individus des personnes libres et avisées, philosophes et responsables, et nullement des êtres faibles et sous influences, plus ou moins victimes perpétuellement quel que soit leur âge, et qui n’auraient pas les capacités mentales de distinguer ce qui est de nature à leur apporter bonheur ou malheur. Ce n’est jamais ni l’intention d’un malheur qu’il faut sanctionner ou prévenir par des moyens légaux, ni l’impression souvent infondée que quelqu’un devrait, aujourd’hui ou plus tard, tirer malheur d’un phénomène, mais bien le fait du malheur, qui résulte d’un préjudice toujours en quelque façon mesurable et objectif. Le bonheur ne doit pas consister seulement en un sentiment, ou bien n’importe quelle paranoïa tirerait de son délire d’insécurité des motifs de plainte. Il y a nombre d’impressions de malheur qui ne sont pas fondées, et la plupart peut-être sont telles. Une peur seule, même vivement ressentie, ne suffit pas à justifier un malheur effectif, ce en quoi il ne faut jamais cesser d’apprendre aux gens à se débarrasser de leurs fantômes de malheur. Il y a bien des souffrances illégitimes et qui sont en même temps éprouvées, d’autres qu’on suppose chez autrui et qui ne s’y réalisent jamais, d’autres encore qu’on croit pouvoir établir sur l’innocence ou la bêtise des gens qu’on voudrait protéger en dépit d’eux-mêmes. Mais il faut abandonner cette croyance que le bonheur ou le malheur n’est qu’un état d’esprit et que, dès lors, il incombe à chacun, y compris pour toutes sortes de recours, de faire valoir l’importunité subjective qu’on tire de telle ou telle action privée. Ce fondement est trop mouvant, insuffisamment ferme, et conduit tôt ou tard à admettre quantité de distinctions et d’échelons de gênes tatillonnes et vétilleuses. Ce n’est là pas du tout le cadre qu’il faut pour tendre à élever des citoyens, je veux dire que cela les incite à faire de tout un motif de plainte, au propre comme au figuré.

5° Le plus difficile peut-être, mais aussi le plus utile pour ne pas faillir à réaliser une cohérence et une justice dans l’appréciation de l’action d’un gouvernement, est encore de ne jamais lier bonheur et morale. Le bonheur tire sa force d’une sensation de liberté et de puissance, et liberté comme puissance sont mesurables à l’aune de ce qu’il est effectivement permis de faire légalement ; mais la morale ne doit son avantage que du sentiment agréable que peut procurer l’obéissance à des conventions, et la quantité de soumissions qu’elle impose est plutôt une entrave à la liberté et donc au bonheur sans mélange. Tout individu peut certes rencontrer du plaisir même à des contraintes, et même à toutes sortes de désagréments dont il se voit triompher mieux que d’autres, mais c’est en quelque sorte une déviation sociale ou mentale quand une pression déraisonnable devient un sujet de satisfaction – c’est du moins un sentiment qui, s’il n’est pas rare, demeure si particulier et subjectif qu’il importe de ne pas vouloir l’appliquer à des multitudes. Cet article suppose une grande ouverture d’esprit et une tolérance sans borne non seulement pour s’imaginer d’autres sources de bonheur que celles que nous vivons habituellement, mais surtout pour ne pas condamner et poursuivre les modes de pensée et de vie de ceux qui, sans autre « nuisance » que l’étrangeté qu’ils suscitent, ont adopté une philosophie écartée ou désentravée des repères moraux ordinaires.

6° Un dernier principe consistera à ne point prétendre au bonheur du genre humain dans sa totalité, un gouvernement ne consistant qu’en l’émanation d’un seul peuple formant une communauté de citoyens et à usage interne. Dans ce type d’entreprise où il s’agit de veiller au bonheur de chacun, il me semble qu’on pèche tout autant par excès d’ambition que par défaut d’ouverture d’esprit : une seule nation ne peut réaliser chez elle et par ses seuls moyens le bonheur du monde entier, et, certainement, il lui en coûterait trop si elle essayait d’étendre ce but au-delà de ses limites et plus que ses ressources intérieures ne lui permettent. Cette mise en garde rejoint la précédente en ce qu’une certaine morale tend toujours à supplanter la mesure d’une capacité effective, et, par voie de conséquence, à décourager de culpabilité et d’impuissance le système général qu’on aspire à instituer. Elle implique une restriction assumée de l’action d’un gouvernement, par laquelle se distingue, en contraste, son efficacité réelle à satisfaire les buts qu’elle s’est fixés : je veux dire par là qu’il faut, pour mesurer selon ces termes l’action d’une politique, qu’ailleurs des gens souffrent davantage et que ce gouvernement-ci n’en soit pas concerné ni trop affligé, du moins tant qu’un bonheur suffisant n’est pas réalisé au sein de ses propres frontières.

J’ignore au juste si l’application de ces critères cumulés permettraient de résoudre tous les litiges où l’on s’interroge s’il faut légiférer, c’est-à-dire produire une nouvelle contrainte et restreindre encore les libertés et le bonheur individuel, ou s’il faut au contraire s’en abstenir, mais je gage que, sous la forme de conditions, ils constituent un ensemble de paramètres qui, déjà, invitent à réfléchir sur le bien-fondé et la nécessité de projets de lois visant toutes, d’une façon ou d’une autre, à interdire ou à réguler. Et l’examen attentif de ces critères, pour autant qu’on les juge et confirme légitimes, incitera à réformer la plupart des lois parmi la multitude exponentielle qu’on a jugé et qu’on juge encore bon d’établir, et l’on trouverait, par exemple, que nombre d’entre elles considèrent a priori moins les citoyens comme des individus que comme des êtres irresponsables et faibles, ou qu’elles veulent à tout prix prévenir un mal qui peut fort bien ne pas se produire, ou qu’elles tâchent à porter leur attention sur des malheurs imaginaires, ou qu’elles portent sur des questions morales qui sont fort relatives parmi les hommes, ou qu’elles s’efforcent vainement d’établir un bonheur au-delà de ses frontières et de sa compétence… Je crois bien qu’au terme d’un pareil examen, on finirait par démontrer que la majorité des interdictions portant sur : la possession d’armes, la consommation de drogue, l’expression d’opinions, le mauvais exemple en maintes choses, les excès de vitesse, l’exercice d’activités de toutes sortes sans permis etc… finiraient par tomber une à une sous la froide raison de notre jugement dépassionné, et qu’on conviendrait en règle générale qu’hormis certains points touchant les maux prévisibles et sûrs susceptibles d’atteindre le consommateur, le commerce entre autres choses ne devrait point constituer un sujet de législation.

Cet article est cependant plutôt un essai pour indiquer une direction et donner à penser en-dehors des préjugés qu’un véritable guide exhaustif et méthodique, et je crois que, déjà, il y a pour chacun du vertige à s’essayer à pareille entreprise de réévaluation quand l’influence, pour ne pas dire l’imprégnation, de notre système légal sur nos esprits est déjà si forte. D’ailleurs, tous ces critères subsidiaires que j’ai établis et qui peuvent sembler compliquer la réflexion du citoyen me semblent, à moi, parfaitement superflus, dans la mesure où, dénué largement des encombrements ordinaires, je les admets comme des évidences et pas du tout comme des sophistications ou des exceptions. Dans l’ensemble, il s’agira surtout d’entendre ici combien notre société manque de confiance en une philosophie saine et se sent en devoir, pour pallier ce défaut de réflexion solide, d’établir une réglementation infinitésimale sur la moindre chose de façon à servir de repère systématique. Cette minutie bureaucratique, à ce que je crois, est contraire à l’intérêt particulier et génère aussi collectivement le sentiment que ni nos législateurs ni nos juges n’ont la hauteur et la sagesse qu’il faut pour prendre des décisions personnelles et avisées. On maille ainsi inextricablement le quotidien d’une multitude de lois qu’on suppose servir au bien de tous, et l’on oublie du même coup que le bien du citoyen se situe premièrement dans son bonheur, qui est la raison d’être d’un gouvernement, et que ce bonheur s’atténue à mesure que les lois se multiplient et que les libertés s’étiolent, en quoi consiste le principe même d’une loi, de n’importe quelle loi.

L’obsédante question pour moi demeure toujours la suivante : à partir de quel niveau d’importunité et de restriction un gouvernement, ayant abîmé le bonheur de chacun et dans la mesure où chaque citoyen, initialement, n’a décidé de fonder un gouvernement que pour la préservation de son bonheur, doit-il être contesté ? Et son corollaire, non moins fascinant pour moi : un citoyen peut-il, après avoir établi nettement la défaillance de son gouvernement à assurer son bonheur, décider individuellement de se séparer et d’ignorer l’État ?

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Commentaires
H
On aurait tort de fait, mais une société qui ne respecte pas ses administrés par principe est entachée dès l'abord, et toutes ses décisions sont viciées suivant cette vision que le sociétaire est d'emblée insuffisant.<br /> <br /> <br /> <br /> Vrai pour la morale : c'est ce que je critique. Ne fonder, donc, des lois que suivant le préjudice réel.<br /> <br /> <br /> <br /> Le citoyen n'y a jamais réfléchi au juste, sinon il verrait bien qu'il n'est nulle part en sécurité absolue et qu'il faudrait toujours pourvoir à sa sauvegarde par des extensions infinies de la loi.
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V
Tout paraît juste sur le principe, et pourtant je n’ai jamais lu quelque chose ressemblant à cela, nulle part ailleurs. <br /> <br /> Bémol, léger, cependant : <br /> <br /> Aurait-on tort de ne pas considérer les individus comme « des personnes libres et avisées, philosophes et responsables?. Et nullement des êtres faibles et sous influence », etc etc... <br /> <br /> <br /> <br /> Quant au 5/ :<br /> <br /> La morale est sans doute à la base de nombre de lois: protéger la vie qui est sacrée, ne pas se droguer parce que « c’est mal », ne pas aimer les armes parce qu’on doit « aimer son prochain ». C’est caricatural ce que je dis, mais, au fond, les lois qui contraignent sont plus ou moins issues de la morale. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour ta question finale: <br /> <br /> Le citoyen imagine sans doute son bonheur comme la préservation de sa sécurité avant tout, et de celle de son bien et de sa famille. En cela, il me semble qu’il est satisfait plus ou moins, et ne songe pas à se séparer de l’Etat. Interroge les gens autour de toi. Le citoyen lambda se satisfait de cette protection de l’Etat. Il est un gamin qui a besoin de limites. Pour se rassurer.
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