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Henry War
19 mai 2020

Deux nouvelles publications : "La Délivrance de Malpenser" et "Du Feu aux poudres"

Je me rappelle, après que les éditeurs non seulement n’ont pas accepté mon ambitieux Norsmith sur lequel j’avais fondé maintes espérances et trois années de travail, mais ne l’ont tout simplement pas lu, avoir éprouvé une véritable déception, et même, je dois dire, une sorte d’amertume estomaquée, de dégoût incrédule, de profond désabus, qui devait marquer le début d’une conscience éclairée sur les causes de déchéance de notre littérature contemporaine et sur le monde tel qu’il est devenu c’est-à-dire empli d’incompétence nuisible et éhontée, d’amateurs paresseux aux incorrigibles routines, de gens impropres à intégrer des données nouvelles ni le motif initial d’une éventuelle vocation. Ce constat m’apparut durement au grand déshonneur de l’humanité dans une révélation aussi terrible que froide, sans même de rancune ce qui est bien pire, mettant à mal d’un seul coup tous mes bénéfices-du-doute et m’obligeant à me pencher enfin sur la réalité objective plutôt que sur des représentations flatteuses de mon environnement et de ces potentialités jamais advenues.

Et je crois qu’en peu de temps alors j’intuitionnai tout, tout ce que par la suite je devrais expliciter dans mes articles de façon à approfondir cet éclair subliminal, en une compréhension iconoclaste de toute foi et relativiste de toute valeur et qui s’avérerait de plus en plus pertinente sur la teneur effective de la turpitude humaine et sur la disparition de l’individu au sein d’une société pseudo-morale reposant sur le credo unique de la négligente tolérance.

La Délivrance de Malpenser me vint alors dans une frénésie et presque dans une fièvre d’écriture, sans planification ni souci de composition, avec le désir d’abréger toute obligeance littéraire tous et les effets subtils compte tenu de l’inutilité de tels efforts, en trois jours. J’y concrétisai la théorie selon laquelle, dans un siècle comme le nôtre, il est impossible à un homme de bonne volonté et de noble instruction de parvenir par son seul mérite à quelque chose et de faire valoir sa grandeur : il rencontre de toutes parts des obstacles rédhibitoires, des bornes intellectuelles, des traditions annihilantes, des pensées sans principe ni idéal, des désillusions comme entraves, de sorte qu’il lui en résulte une foncière incompréhension et un vertigineux renfort de solitude, et que son ostracisme est de nature à le faire douter s’il est d’une semblable nature à ceux qu’effaré il découvre soudain tout autour de lui. Et, pour ce sujet, la forme du conte satirique, sans force apprêts ni artifices de transition ni questionnements psychologiques, me parut opportune, pour ce peu que j’avais anticipé : ce fut dans un mouvement destructeur que je laissai échapper mes forces comprimées et longtemps frustrées de candeurs personnelles et d’imbécillités extérieures, dans un récit qui alla « seul son chemin », pour ainsi dire, vers son dénouement à la fois logique et fortuit.

En somme, j’expérimentai l’écriture inappliquée d’un auteur contemporain, dégagé de toute élaboration et de toute ambition, un peu à l’automatique, en effusion d’idées spontanées et explosives.

Il en résulta ce récit.

Je le crus longtemps une anecdote, et si je n’en suis pas fier, c’est non parce qu’il est mauvais mais parce qu’il ne m’a pas demandé de mal, en quoi il est probablement plus adapté au lecteur d’aujourd’hui que tout ce que j’ai écrit. On y devine l’empressement et la rage, du moins un cruel mécontentement.

Je le remisai, défoulé, soulagé de cet éreintement suffisant, les nerfs calmés. Puis à une occasion je le ressortis, le fis lire : on m’en dit du bien, on le trouva un bon « moyen d’accès » à tout ce que j’avais fait de reste. Je le publiai au format numérique ; on m’en fit l’éloge. Je le publie donc aujourd’hui en papier, pour ceux qui veulent, avec la couverture de Nicolas Poussin où Diogène jette son écuelle pour boire dans la rivière directement avec ses mains, se défaisant de son dernier artificiel, au même titre que Théodore de Malpenser réussit à se défaire comme moi de toute illusion.

 

 ***

 

Du Feu aux poudres est en somme tout l’opposé : c’est une œuvre orgueilleuse et austère que j’ai relue en entier ou par fragments plus de cent fois, où la moindre virgule est pesée, où la plus petite persistante faute me serait intolérable, essai magistral et sublime s’il en est, impressionnant et gravitationnel, pour lequel je ne me sens nulle raison d’afficher la moindre modestie. C’est un travail que j’ose prétendre parfait en son genre.

Un narrateur impavide s’exprime sur le gouffre de notre époque, irréfutable, inexorable, d’un réalisme aussi effroyable que saisissant, et qui ose le pari téméraire de montrer ce qu’est devenu le lecteur, vil, inconsistant, diverti, sans volonté ni puissance… oui, mais à dessein supérieur de l’élever. Il y a bien de la générosité dans cette peinture qui remet à sa juste place : quand l’insulte est si vraie, il ne faut point y voir une intention de blesser. C’est là l’ouvrage de développement personnel par excellence, loin de toutes les affabilités à la mode faites pour confirmer et pour réconforter, d’une forme qui n’existe plus, et qui prétend définir sans flatterie la direction d’une plus haute dignité pour chacun. Après cela, le lecteur comprend pourquoi il n’est pas un individu, et il prend alors de deux partis l’un des suivants : ou bien il jette le livre avec rancœur et oubli, dégoûté de tant de fatuité et d’intransigeance, parce qu’il se reconnaît si communément médiocre que le dit le prophète du livre sinon parce qu’il suppose ce guide un blasphémateur et un pessimiste ; ou bien il accède à la compréhension de ce qu’il n’est pas encore, et il aspire à une toute autre conduite et à mériter notamment le nom supérieur d’homme en forgeant sa propre geste extraordinaire, son épopée, sa voie propre et digne.

Une chose est sûre, jamais un livre ne se sera adressé au lecteur avec autant de franchise et si peu de louanges ; ce n’est pas un livre qui se vend, et certainement pas un livre que souvent on achètera. C’est pourtant une révolution pour celui qui sait lire c’est-à-dire qui a l’usage de s’impliquer dans sa lecture, mais ce ne sera qu’une outrance pour son antipode qui ne veut des pages que pour quêter du divertissement et qui ne tolère pas qu’un auteur vienne se mêler de son existence. La plupart des gens en réalité n’aiment pas qu’on leur parle, ils se sentent forcés de répondre, eux qui pensaient que la lecture était un acte solitaire et inconséquent dont ils n’auraient de compte à rendre à personne. Ce livre-ci exige d’eux – une réponse… et l’absence même de réponse retombe alors sur eux comme un mépris qu’ils se rendent – à eux-mêmes.

William Turner, une fois de plus, m’a fourni la couverture de ce livre : c’est son fameux Incendie du Parlement où tout vole en tisons ardents parmi une foule qui fuit. Il y a un pont, sur ce tableau célèbre, quand j’y pense : puisse le lecteur voir aussi celui qu’il y a dans le livre !

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Commentaires
V
Tu publies en même temps presque deux opposés. Le facile et le rude. Le conte accessible et l’essai majeur de grande envergure. <br /> <br /> Et on pourrait presque graduer son plaisir, en<br /> <br /> Précisant que l’un est le premier à lire, l’autre le dernier.<br /> <br /> Lecteur, commence par Malpenser. Et enchaine avec les nouvelles. Lis les Norsmith seulement après, et termine par le feu aux poudres. <br /> <br /> C’est dans cette ordre logique que l´on doit te lire. Plus tard, si des discussions viennent, elles auront leur place après le feu aux poudres.
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