A quoi l'on voit qu'une campagne présidentielle a commencé
Dans un pays où la majorité des électeurs sont des vieillards longtemps privilégiés, des Boomers qui furent déjà du temps de leur activité d’une mentalité d’irresponsables, d’insouci et de confort, le signe par lequel on constate le début d’une campagne présidentielle c’est que les candidats ne font soudain plus que complaire à des êtres craintifs et tremblotants. Un être viril et brave et en bonne santé ne redoute pas le danger, il accepte le péril et, à la moindre contrariété, oppose son corps à l’offense qu’on lui fait, en sorte qu’il se moque des arguments d’incivilité, d’insécurité et de séparatisme : tout ceci n’a rien d’une priorité pour lui, et il sent que ce propos d’emblée l’exclut de son propre État. Mais le Boomer, lui, qui se sent si faible et apeuré, continue d’espérer la prolongation de sa pitoyable et veule existence sous la protection d’un gouvernement qui le prendra entièrement en charge, et il se satisfait des annonces qu’on fait symboliquement contre ses potentiels agresseurs : il lui faut un monde qui soit absolument bénin, où la vie se prolonge en la béatitude qu’il a toujours connue du temps de sa pleine aisance économique, et dont l’idéal passe par la conservation d’un état antérieur que transporte en eux la nostalgie des Trente Glorieuses. Alors, presque tout dans les propos de campagne politique devient bête et rétrograde, dérisoire et passéiste, faisant appel à des réflexes d’irresponsabilité, d’insouci et de confort. Comme il faut des scrutins, on va les chercher où ils se trouvent en grand nombre, et – cela marche. C’est au point qu’on peut se demander s’il vaudrait mieux, pour la grandeur d’un pays, s’efforcer de corriger en vain la bêtise de nos aînés, ou tout bonnement leur interdire de voter.