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Henry War
17 novembre 2020

Apanage de la paranoïa

Pourquoi prétend-on se scandaliser à présent de la paranoïa et du complotisme qui sont bien, de tous les mensonges, les plus grossiers et les plus faciles à démentir ? Vraiment, il ne suffit que de prouver l’illogique bizarrerie de telle assertion ou l’absence de fondement de telle autre, et le tour est joué, la tromperie tombe d’elle-même, la contradiction rationnelle ne tarde pas à neutraliser la tentative d’abus ainsi que les suivantes, pour autant qu’une fausseté révélée jette d’emblée un soupçon légitime sur toutes affirmations futures du même locuteur.

Pourquoi ? Mais parce que le contemporain sait qu’il ne vérifiera rien des informations qu’on lui soumet, exercice trop long auquel il ne veut pas se livrer, quand bien même il y serait intellectuellement disposé. Il se moque de la vérité, n’a pas ce rapport au langage – tout ce qu’il dit d’ordinaire est inexact et confus –, il ne s’y intéresse pas autant qu’à la saveur d’un crédible émoustillant, d’une excitante vraisemblance, et il tient surtout à se divertir, veut de l’émoi, de l’excès, du scandale, même s’il y devine le faux, pour autant qu’il soit attirant et plausible rien qu’en partie.

Mais alors, qu’est-ce donc qui le contrarie, lui qu’on voit continuellement s’insurger de tous ces faux, si c’est de bon gré qu’il accepte d’être trompé ? C’est que ce n’est pas pour lui qu’il vitupère, c’est pour les autres, car lui « sait » ce qu’il faut savoir, mais mécontent que son contemporain en qui il a logiquement peu confiance parce qu’il lui ressemble ne croie pas comme lui, il se vexe qu’un propos, qu’un contenu, qu’un mythe différent du sien puisse exister et semer de tels désaccords entre lui et un peu de monde, et alors seulement il réclame que tout ce qui se lit, que tout ce qui s’entend, soit préalablement trié pour établir sur les hommes une bienheureuse concorde qui, évidemment, soit surtout favorable à ses « convictions ». En réalité, le contemporain, que son semblable présume « influençable » (il a tort : le contemporain n’est ni influençable ni influencé, il ne s’intéresse qu’à ce dont il est déjà, probablement, persuadé ; il ne demande en somme qu’à être confirmé de ses préjugés, et on ne le convainc jamais de rien qui lui soit vraiment nouveau ou étranger, il a seulement l’air perpétuellement édifié de ce qu’il savait déjà), s’aperçoit qu’il n’a pas les moyens dialectiques et logiques de lever des conflits, il se sent démuni face à deux informations contradictoires, et, ainsi que chez certains adolescents, la peine qu’il pressent à expliquer quelque chose le dégoûte aussitôt de toute intention de s’y essayer.

En somme, si le contemporain se révolte contre ce qu’il appelle par simplification « le complotisme », c’est parce qu’il devine d’une part qu’il ne dispose d’aucun moyen mental de s’y opposer, d’autre part que son contemporain sera insensible aux représentations éloquentes pour l’en détourner, et enfin que le complotisme est une nuisance aux douces sérénité et légèreté d’unanimité où un compatriote aujourd’hui voudrait toujours trouver son voisin, de sorte qu’il préfère lui imposer par la loi de ne pas dire ou lire certaines choses, plutôt que d’entreprendre l’effort de le convaincre de réfléchir, ce qui constitue bien alors un double et réciproque travail – mieux vaut y renoncer, car c’est plus aisément, apparemment, qu’on crée ici des censures et des législations.

 

P.-S. : Il y a un an environ, j’ai regardé un documentaire qui prétendait démontrer l’existence des sirènes : on y trouvait des sortes de preuves, des façons d’arguments troublants, y compris des vidéos, et j’admets que c’était fort bien fait et, d’une certaine manière, fascinant, autant dire : convaincant… assez en tous cas pour que je présumasse qu’un autre que moi y trouverait quantité d’attrait, c’est-à-dire – force vérité.

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Commentaires
H
Nous vous inquiétez pas : comme je suis là pour vous surveiller étroitement, rien de mal ne peut vous arriver, ni à "nous".
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A
Nous sommes des chimères d'IA. Rien ne démontre que des corps entretiennent nos propos. "Ils" veulent tous me faire croire que je suis paranoïaque, mais presque. Les collusions politiques ne sont pas des complots, pratiquement des circulations sans rien à voir. Ribbentrop aurait pu laisser son nom pour un cocktail végétalien.
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