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Henry War
21 novembre 2020

Analogie intempestive pour un procès typiquement contemporain

Une femme est sexuellement indisposée ; c’est médicalement prouvé, il paraît que cela arrive. Son époux, d’une certaine autorité et qui s’impatiente, réclame un enfant : il ose, dans ce dessein, lui reprocher durement ses manquements, l’humilie dans ses colères, lui représente qu’elle « n’est pas une femme ». Un jour qu’il exige un rapport sexuel auquel elle ne consent pas et que peut-être elle ne peut même pas lui fournir, qu’il s’emporte encore contre elle, elle le tue.

Le procès est jugé en assises : j’imagine que le rôle de la défense sera de prouver comme l’emprise et l’aliénation ont rendu, d’une certaine façon, l’accusée excusable de ses violences ; j’imagine que le père du mari ne viendra pas publiquement interroger sa belle-fille en réclamant une raison valable à ce meurtre, un mobile réel, ce qui constituerait pour toute l’audience une démonstration d’insensibilité choquante touchant au sujet poignant de l’intimité d’une femme ; j’imagine que les dissimulations de la femme, après son crime, ne lui seraient point imputées comme une façon de « personnalité caméléon », de dualité d’une rare hypocrisie, d’une forme de sociopathie, parce qu’on doit pouvoir admettre raisonnablement que même une femme qui tue son mari dans un mouvement de douleur et dans une exacerbation de honte peut fort bien, après coup, regretter son geste irréparable et éprouver longuement la souffrance de ce trépas – cela se nomme le regret, quand on a fait une chose qu’on voudrait corriger, et nos actes les plus terribles occasionnent même parfois des effusions assez semblables au chagrin.

Mais M. Daval, dans une société de la prétention de l’égalité des genres, n’est, pour son malheur, pas une femme.

Il n’y a pas beaucoup lieu de douter de sa version : il a tué, il le reconnaît, il ne se cherche pas d’excuse, il a déjà représenté exactement comment il s’y est pris, ce qui paraît correspondre aux constatations des légistes. On lui demande seulement quelle était la nature de ses relations avec son épouse, il l’explique et c’est tout – des psychologues, qui sont, paraît-il, gens sérieux et d’une grande expertise, le confirment, et il y a plusieurs témoignages de ces difficultés. Il ne se défausse pas, ne prétend pas se soustraire à la prison. Mais après des heures, des jours entiers, d’un portrait qu’on lui fait à charge pour le présenter comme une femmelette, une fiote, avec des problèmes de zizi ; après ce temps considérable où sa belle-mère, qui est une femme d’autorité assez pareille à sa fille défunte, le questionne serré comme un policier pour lui faire admettre, allons, que ces ennuis érectiles, que ces rabrouements subis, que ces insultes à sa virilité, vraiment, ça ne vaut pas un mobile valable, et qu’il ferait mieux, par exemple, d’avouer tout uniment qu’il l’a tuée dans le seul projet de pouvoir jouir dans sa culotte post-mortem ; après cette inlassable durée où, je crois, même son avocat, Me Schwerdorffer, ne fait à peu près rien pour atténuer le calvaire de son client, et plaider, comme il devrait en juste professionnel, toutes les atténuations qui a priori sautent aux yeux (il ne fait que montrer sa désolation ainsi que nier les accusations les plus étonnantes et invraisemblables, notamment qu’il est peu plausible que M. Daval se soit masturbé d’une main tout en brûlant le corps de son épouse de l’autre ; c’est sans doute que, lâchement, il ne veut pas que son nom soit associé à la défense d’un « féminicide », mot infamant à la mode), alors M. Daval s’évanouit, ce qui lui vaut environ d’être traité une nouvelle fois de petite tapette sanguinaire et irresponsable.

Oh ! j’ai déjà exprimé comme toutes les simagrées théâtrales autour des circonstances d’un meurtre sont inutiles, comme ni la manière d’un crime volontaire ni sa préméditation ne devrait influer sur la condamnation qui ne mérite qu’à être déterminée le plus objectivement possible comme la compensation d’un préjudice et d’une perte ; un juré au sens rassis, en cela, devrait se moquer des représentations de mal et ne s’interroger que sur la réalisation ou non du crime par l’accusé, puis y appliquer le forfait prévu par la loi, et point autre chose. Mais enfin, puisqu’en notre triste monde superficiel il y faut l’affèterie d’une cour, avec des estrades, des costumes et des spectateurs comme au divertissement, il me semble qu’on pourrait au moins d’une part jouer le jeu de la défense avec plus d’art et de conviction, d’autre part celui de la société incohérente avec moins de complaisance, et enfin tâcher de vérifier un peu, pour voir, si M. Daval, que beaucoup reconnaissent une petite fille, un être falot et inconsistant, une faible mentalité, ne méritait pas un moment qu’on inversât les genres et qu’on fît valoir comme il serait jugé s’il était une femme, et par exemple une femme sous l’emprise d’un homme insistant et peut-être humiliant, sexuellement compris. Je ne dis pas qu’il est innocent, je ne dis pas qu’il ne doit pas être condamné (je suppose bien le contraire), je dis qu’il mérite la justice d’une défense évidente, notamment pour l’édification de notre société si bêtement contradictoire. Je veux dire, en somme, que dans une société qui se targue de réclamer l’égalité des sexes, on va bientôt le condamner comme un homme.

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Commentaires
A
Mon vieux, fi, donc, de la justice au fils de l'orifice et son lisse kiki, pas un calice mais si ne s'use les rapine et délices d'un chenu gland, mâle clitoris, que tout cela finisse en requiem pour acompte.
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