Première campagne de recrutement

Comme il n’y aura jamais de meilleur recrutement pour former un régiment cohésif et puissant que d’éprouver dès au préalable la capacité des soldats qui y postulent, je propose un concours, où je serai juge de la faculté, littéraire et intellectuelle, des candidats. Sous la forme d’un texte, bien sûr. Prose ou vers, n’importe ; genre indifférent, fiction ou non. Style exact, ton audacieux, sans délire, compréhensible, une empreinte, une marque, une couleur. De la hauteur, de la vivacité, ou toute autre truculence : un texte qu’on distingue, un texte qui se targue d’être tel, un texte qui n’est pas un hasard. À quelque degré, un fond véritable et sûr. De l’inédit, du supérieur, de la vertu, qu’avec confiance je me charge de reconnaître.

Un thème : « Pour améliorer l’homme contemporain. »

Une récompense principale : Devenir Féal, un combattant de la compagnie des vrais artistes – il y eut « Les Soirées de Médan » aussi, et plusieurs autres regroupements de valeur. Nous serons un courant intempestif, parce que d’une qualité indéniable. La littérature a tardé. Ce fut une longue pause. Il est temps que cet arrêt finisse.

Il y aurait aussi, secondairement, de la publicité sur mon blog, ainsi qu’une publication si les textes sont en nombre. Un ouvrage collectif. Pas de diffuseur, et pas d’éditeur : chacun vendra, déposera s’il veut en librairie ou ailleurs, comme je lui expliquerai ; son succès profitera à tous. La quantité de nos talents unis peut faire quelque chose comme un début de célébrité. Promesse d’un livre et de n’y rien perdre, c’est déjà ça. Promesse d’un livre avec des égaux à l’intérieur, avec des élus, des virtuoses, de l’émulation. Promesse d’une fierté à figurer dedans, sans disparité, sans passe-droit – je ne connais personne, je n’ai presque aucun ami. Quant à l’argent, je n’en sais rien, rien du tout. Un vrai droit d’auteur, en tous cas, bien supérieur à celui des GaFlam, pour compenser le petit tirage. Un droit qui ne soit pas le contraire d’un droit ; un droit qui ne soit pas une escroquerie ; un droit qui ne soit pas un abus institué. Je pense pouvoir arranger cela.

Un délai ? Je l’ignore : comment le saurais-je ? comment saurais-je s’il existe encore de telles compétences, et, si c’est le cas, combien de temps il faut pour les motiver et réunir ? Une chose, cependant, mérite considération : il ne faut point, à une force vraiment active, à une puissance réellement efficace, à une intelligence véritablement vive et aux aguets, des éternités de délibérations pour rendre le témoignage d’un coup littéraire : l’esprit fourmille toujours ou bien il est toujours pesant, et je ne crois plus depuis longtemps à ces bêtises d’inspirations et d’enchantements magiques. Or, nous aurons à terme besoin de vivacité pour frapper aux bons endroits : une armée lente, qu’on convoque mal, qui balance et renâcle à venir, triomphe peu et s’excuse sans cesse. Savoir travailler, c’est réaliser un rendement : voilà qui différence le mou dilettante de l’artiste résolu. Je veux, moi, des plumes agiles ou acérées, pas de la ouate de cellulose. Si vous ne pouvez produire relativement vite un texte sur commande – et j’entends que deux mois ne soient pas mal –, continuez à dormir dans l’édredon confortable en attendant quelque rêve providentiel.

Et puis, songer : les premiers seront les fondateurs. Si les Féaux réussissent, ceux-là auront ce mérite essentiel qui ne revient pas toujours aux continuateurs.

Une adresse : henrywar@orange.fr