De nouveaux gestes-barrières (parodie)

Françaises, Français,

Vous l’avez constaté comme nous avec inquiétude, les effectifs ne cessent de croître dans nos établissements scolaires, notamment au secondaire, au point que les élèves se massent en nombre dans des classes rarement prévues pour accueillir, ensemble et avec efficacité, bien plus d’une trentaine d’adolescents. Force est d’admettre que nous avons atteint un point de vulnérabilité exceptionnel, et que la pression exercée du fait de ces flux croissants sur nos personnels d’éducation ne diminue pas, raison pour laquelle il nous faut à présent prendre des mesures strictes afin d’éviter que, dans les circonstances où nous nous trouvons, nos collèges et lycées, déjà engorgés en partie, soient débordés, et que nos agents, comme cela s’est vu par ailleurs, soient contraints de choisir parmi leurs usagers ceux qui, relativement sains, peuvent encore être sauvés, au détriment de ceux qui, arrivés en un état de grande détresse, sont estimés condamnés, faute de soin disponible pour soutenir et relever leur mal.

C’est pourquoi, le gouvernement vous invite, dans un mouvement de solidarité nationale avec les personnels d’éducation et afin de diminuer le nombre d’admissions dans nos collèges et lycées, à respecter scrupuleusement les gestes-barrières suivants :

Une mesure de confinement sera appliquée afin de limiter les risques de contamination au SAVOIR-21. Nous demandons, durant cette période, de ne pas sortir de chez soi, et incitons particulièrement les jeunes à regarder la télévision, notamment les séries populaires ainsi que les matchs sportifs et les journaux télévisés des grands médias. D’autres activités, comme les jeux vidéo et plus généralement l’usage des écrans, constitueront – des études l’ont déjà prouvé – un moyen de lutte précieux contre cette pandémie : de nombreux partenaires – TF1, BFMTV, Netflix, Universal Music, Gaumont, France Inter, Gallimard et, d’une façon générale, tous les distributeurs accessibles grâce au Chèque Culture – sont déjà prêts à proposer tous les contenus de nature à ralentir la propagation du SAVOIR-21. Nous réclamons aussi vos efforts, à vous parents, pour que vos enfants dorment peu et ne se servent pas de livres (à l’exception éventuelle des mangas et bandes dessinées) ; à ce sujet, nous vous incitons, parce que vous constituez bien souvent pour eux un exemple, à ne pas vous coucher de bonne heure et à ne pas lire, surtout à ne vous inquiéter de rien relevant de la vérité et de la connaissance, à ne vous contenter que des cinq ouvrages par an issus des maisons d’édition les plus insipides autrement appelés GaFlam, en somme à ne surtout rien changer à vos habitudes de façon que, jusqu’à nouvel ordre, la pression diminue dans nos établissements d’éducation, ce à quoi, depuis des décennies, nous mettons tout en œuvre et sommes pleinement engagés pour aider professeures et professeurs dans l’exercice sacré de leurs belles et honorables missions. 

Également, tant que durera l’épidémie, nous sommes dans l’obligation d’imposer, dans tous les lieux publics encore autorisés, l’usage des écouteurs et des portables. Nos policiers seront vigilants à l’exécution de cet impératif nécessaire ; il n’y aura donc – je vous préviens en toute transparence – ni exception ni tolérance : les écouteurs devront être correctement portés avec une musique audible de l’extérieur, et les portables devront être manifestement consultés, de façon à ne pas pouvoir mettre en défaut les forces de l’ordre qui veilleront avec fermeté au respect rigoureux des gestes-barrières.

Votre coopération est essentielle dans l’œuvre commune : il en va de la réussite de tous, et c’est un principe de solidarité fondamental, constitutif même de notre République, de ne pas contribuer, par des relâchements et des rétivités diverses, à entraver l’action collective. Nous savons nos personnels d’éducation totalement impliqués dans leur tâche, et nous savons aussi que les temps sont pour eux difficiles et que nous leur exigeons un travail inédit : nous leur renouvelons donc notre confiance et nos encouragements. Mais comment sortiront-ils de tant d’efforts douloureux si nous les obligeons, par nos erreurs, par nos désobéissances et par nos irresponsabilités individuelles, à prendre en charge toujours plus d’élèves dans un climat de plus en plus néfaste et pénible ? Il importe que le nombre d’admissions, notamment dans les services de Seconde, diminue significativement, de manière à permettre progressivement un retour à la normale : il faut bien songer qu’à partir de maintenant, tout élève supplémentaire en Seconde doit être le fruit d’une absolue nécessité et non pas le résultat d’une prise de risques inconsidérée. Alors seulement il sera possible de mettre graduellement un terme aux mesures d’urgence et de voir renaître les beaux jours, loin du SAVOIR-21 qui ne sera plus alors et, je l’espère, pour longtemps, qu’un mauvais souvenir.

Mes chers compatriotes, je sais pouvoir compter sur votre soutien dans ce grand défi qui s’annonce, et je vous réitère mes vœux d’amitié qui, accompagnés des dédommagements dont bientôt vous parleront nos ministres, vous aideront sans nul doute à endormir vos soupçons dans l’obéissance nécessaire à non seulement appliquer, mais à faire appliquer les nouvelles règles que nous sommes tristement réduits de vous imposer aujourd’hui.

Courage, mes chers compatriotes ! Bientôt nous viendrons résolument à bout de ce virus qui, déjà, a affecté un nombre trop important de nos concitoyens.

Françaises, Françaises, vive l’Europe, vive la France et vive la République !