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Henry War
26 avril 2021

Pour que le Covid rejoigne le réchauffement climatique

Il ne faut pas compter que le Covid apparaisse vite au contemporain, qui est si incapable de recul et de raison – c’est vainement que son insanité lutte en faveur de mesures sanitaires –, ce que cette maladie est en fait de fantasme et d’exagération : nul ne se rendra compte de sa vacuité (je parle du Covid) avant le temps où chacun pourra aisément oublier son rôle servile ou retirer sa responsabilité de cette sinistre affaire (ils diront, comme les collaborationnistes d’un ancien temps, qu’ils sont bien contents que cette période soit finie, et ils représenteront et finiront par se persuader eux-mêmes qu’ils ont alors beaucoup souffert). Il ne faut pas compter non plus que ce sera la passion de la liberté, ce souffle des opprimés, qui soulèvera les peuples contre les restrictions liées au Covid : c’est que cette passion-là est déjà un peu éventée, si on me permet l’expression, qu’elle paraît emphatique chaque fois qu’on l’entend ou qu’on la lit, qu’elle comporte les relents d’histoire et d’excès rétrogrades qui, même arborés en drapeaux et avec héroïsme, justement tout comme les drapeaux et le nationalisme dégoûtent les âmes qui se préfèrent « jeunes » et iconoclastes, et aussi qu’elle ne suscite plus guère de cette exaltation cardiaque de la nouveauté et du mystère à ressorts multiples qui a permis au Covid de s’installer assez durablement parmi nous, depuis plus d’un an. Sur quoi faut-il donc « compter » pour que le Covid, qui ne consiste essentiellement qu’en une préoccupation exacerbée voire qu’en une diversion politique (car enfin, il faut finalement le reconnaître que la « virulence du Covid » est un odieux prétexte pour s’empêcher de trouver des responsabilités à l’impréparation essentielle de notre système hospitalier), cesse ? Eh bien ! si j’y regarde bien, il me semble que l’inquiétude du Covid déjà commence à retomber, bien que ce soit encore assez peu sensible : or, ce n’est évidemment en raison ni d’un déclin de sa dangerosité ni d’une aspiration des populations à recouvrer leur liberté (ça viendrait bien tard ! je veux dire qu’on s’habitue plutôt à la captivité et que c’est toujours dans les premiers moments, logiquement, qu’on se révolte contre un régime de contraintes), mais c’est seulement que cette passion-là du péril, le Covid, entretenue aussi longtemps que possible, s’émousse tout naturellement, parce qu’on ne peut perpétuellement la maintenir à un haut degré de tension intérieure, comme tout ce qui s’éprouve y compris avec violence et dont la répétition à la fin provoque l’ennui. À quelque terme, il deviendra presque aussi ennuyeux d’exprimer son angoisse du Covid que sa crainte du réchauffement climatique qui avait déjà remplacé, si l’on se souvient bien, la pitié de la faim en Afrique et d’autres sujets de cet ordre après l’indignation de la guerre en Tchétchénie et je ne sais plus quel scandale de génocide (j’ironise atrocement, mais cela correspond tout justement à la mentalité des peuples du confort au moins depuis les Trente Glorieuses) ; cette crainte ne suscitera plus de valorisation personnelle, le dédain croissant de vos auditeurs devant ce trouble galvaudé vous retiendra d’en bavarder comme aujourd’hui, vous redouterez de passer pour ringard, hésiterez à transmettre votre peur et par conséquent votre peur décroîtra, il faudra autre chose pour vous réinvestir dans la vie, pour vous réengager dans l’existence, par l’émoi. Qu’on voie comme le risque du variant indien ne prend plus aussi bien que naguère parmi nos peuples : c’est que, des variants (qu’on appelait « mutants » au début, mais l’expression a été modifiée quand on s’est rendu compte que son usage oral était malhabile et replongeait dans l’ampoule et la stupidité des scénarii d’un dessin-animé ou d’un mauvais film des années 80) on en a déjà connu, et ce rebondissement trop réitéré et comme essoufflé, éculé, même effectif, même réel, ne marche plus guère – le Covid n’est actif et réel à l’intérieur de nous que lorsqu’il renouvelle, par l’émotion seule, le sentiment de sa réalité. Qu’on voie aussi comme la parole toujours alarmiste des spécialistes nous émeut de moins en moins, parce qu’à la fin, pour rafraîchir notre peur, il faudrait qu’ils exagèrent davantage, et ce deviendrait vraiment par trop manifeste et outré, on jugerait leurs prestations bizarres et théâtrales, pas crédibles, vraies peut-être mais invraisemblables – et nous n’avons pas besoin de vrai pour la peur mais seulement de vraisemblable. Une caractéristique de la passion dont a besoin le contemporain pour se sentir de la pression sanguine, c’est qu’elle doit être régulièrement renouvelée au moyen de ce qui s’apparente à des événements neufs, tout comme dans un film grand public l’intrigue doit être sans cesse relancée de coups de théâtre et de séquences inattendues et impressionnantes, et non seulement telles, mais aptes à suspendre le spectateur dans la créance que le héros pourrait ne pas s’en sortir (c’est bien entendu « en pensée » seulement, tout à fait comme dans la réalité, car on sait que le protagoniste du film ne mourra pas au même titre qu’on ne doute pas que l’humanité sortira sans grand dommage d’un virus qui tue moins de 0,1% de la population), ces irruptions de nouveaux enjeux entretiennent l’attention et servent à capter et à raviver l’émotion, elles gardent en éveil dans la pulsation vive et dans l’imagination de conséquences alternatives, tandis que la seule répétition d’une péripétie toujours identique ne suffit pas à se sentir durablement transporté : or, quelles péripéties crédibles pourrait-on encore fabriquer sur le Covid (personnellement, j’imagine bien quelques variations de craintes existantes, mais je ne vois rien d’assez nouveau là-dessus pour remotiver et remobiliser efficacement la peur ; je suis pourtant bon scénariste). C’est exactement la raison pourquoi Covidistes et Anticovidistes sont toujours si empressés à chercher des indices inédits de nature à confirmer et à réinstruire leurs peurs, à les « regonfler de sang neuf », parce que toute peur à la propriété de s’atténuer avec le temps si on ne la renouvelle pas d’un ingrédient nouveau, ce devient alors une peur banale, une peur lassante, une peur sans supplément d’effets, comme la peur précisément du réchauffement climatique qui se ternit et se dessèche. On a beau entretenir les ressorts d’une même peur avec d’autres images et d’autres faits, ça ne change pas néanmoins la peur elle-même, c’est une peur dont on s’habitue, dont on se mithridatise, dont on « s’acclimate », tant que cette peur ne fait plus l’effet spontané d’une peur qui impressionne, c’est une peur qui devient trop intellectualisée, une peur routinière, une peur qui ne gonfle plus le cœur, une peur qui trouve des parades réfléchies, des organisations de partisans, des slogans préécrits, c’est une peur sans innovation ; au surplus, il est vrai, c’est une peur qui n’est plus de mode et qu’il devient un peu ridicule socialement de communiquer voire d’entretenir pour son amour-propre : c’est une peur dorénavant qui fait qu’on se sent vieux et dépassé, hors de la communauté des peureux d’avant-garde ; c’est donc une peur qu’il faut instamment remplacer.

J’ignore combien de temps au juste il faut pour qu’une peur soit largement usagée au sein d’une population, pour qu’une population soit blasée d’une peur (cela doit dépendre de son âge, entre autres choses, des préoccupations propres à cet âge) ; j’imagine qu’on peut rehausser une peur astucieusement pendant des mois, en s’y prenant bien, à bonne sélection d’intervalles et en transmettant toutes sortes de représentations inattendues, pour autant que la raison, même à force d’abus, continue de s’y laisser prendre ; oui, mais compte tenu de ce que je sais du peu de patience et de résistance du contemporain, du peu d’agrément qu’il éprouve à se considérer conservateur et inchangé, de l’envie qu’il ressent à se croire original, de son appétence pour les variétés superficielles de l’émoi, je ne puis présumer qu’une peur, si exacerbée soit-elle, puisse rester intacte et identique pendant plus de quelques années, je dirais même pendant beaucoup plus qu’un ou deux ans : il faut alors altérer la nature-même  de cette peur, ou bien elle s’atténue graduellement et devient autre chose qu’une peur véritable, elle perd de cette illusion de bon et vif aloi qui caractérise précisément les peurs qu’aujourd’hui l’on recherche. Le Covid en cela est donc bien un phénomène de mode, comme le fut pareillement le trou de la couche d’ozone : on ignore si celui-ci s’est par quelque miracle résorbé ou rebouché, et on ignorera de la même manière ce qu’est devenu le Covid quand on n’y pensera plus ; l’existence des deux sera éteinte par le fait même de n’y plus penser c’est-à-dire de ne plus avoir envie ou besoin d’y penser, par le fait d’y avoir substitué une autre pensée plus nécessaire pour se sentir vivant, et c’est ce qui prouve que l’un comme l’autre sont avant tout représentations et non réalités, des phénomènes au sens husserlien de « manifestations dans la conscience » et non des phénomènes selon Kant comme « ce qui apparaît dans l’espace et le temps comme objets d’expérimentations » : en tant qu’objet, le Covid n’est à peu près rien, c’est-à-dire, pour braver ceux qui m’incitent toujours à m’expliciter et à commettre un « faux pas », à peu près rien de plus qu’une sale grippe. Et s’il faut prédire un délai et risquer ainsi ma parole et mon expertise (ou passer pour un Irréfutable, autrement dit, quoi qu’il arrive, encore pour quelque sibyllin Nostradamus), je prétendrai qu’il ne se peut qu’une continuation de nouveautés romanesques (je me crois, en plus de psychologue avisé, assez bon écrivain pour le savoir) puisse faire perdurer la préoccupation du Covid bien après l’hiver prochain où, comme chaque année depuis des décennies, un regain de tension dans nos hôpitaux procèdera encore de maladies saisonnières propres à faire accroire que le Covid est responsable d’encore quelques décès massifs et scandaleux qui soutiendront un ultime émoi. Mais je crois qu’au-delà, tous les ressorts scénaristiques paraîtront grossiers comme dans les séries américaines que le public finit par désavouer, et qu’on se détournera de cette fabrication, peut-être au profit d’une peur présentant des aspects de plus grandes spontanéité et nouveauté (Peur des dettes abyssales et des effondrements systémiques ? Peur de plus que la santé et par exemple de la santé psychique ?) La curiosité de cela, si mes assertions sont justes, c’est que, lorsque les gens seront lassés du Covid, ils le seront également de parler et d’entendre parler de maladies et de morts, ils voudront un changement d’idée et se préoccuper d’autre chose, mais de socialement transmissible encore, quelque chose qu’ils pourront partager sans risque sur un fond de valeurs unanimes ; ils n’auront plus tant d’égard pour des faiblesses de santé physique, ce sera devenu pour eux une cause obsolète, temporairement du moins, qui ne les impliquera plus qu’en mots et en image ; or, ce sera, je m’en aperçois en l’écrivant, juste au moment de l’élection présidentielle en France, en quoi l’on peut présumer, selon la logique qui m’emporte, que non seulement le candidat élu sera celui qui saura opportunément parler d’enthousiasme et de vitalité, mais aussi que M. Macron vit dès à présent sur scène politique ses derniers moments de triomphale panique.

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Commentaires
C
J'apprécie énormément votre analyse de la situation, monsieur.<br /> <br /> Bravo, c'est lumineux.<br /> <br /> •.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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