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Henry War
7 juillet 2021

La représentation d'un vaccin

Les peuples d’Europe, excessivement profanes en matière de médecine au point qu’elle leur est devenue depuis longtemps une sorte de religion, avec ses prêtres prophétiques et bizarres, tantôt propitiatoires et tantôt de mauvais augure, se font une conception si singulière de ce qu’est un vaccin qu’ils en sont à admettre volontiers que celui qu’on leur prescrit contre le Covid n’a pas exactement pour objectif de les immuniser. C’est pourquoi ils acceptent qu’on restreigne leurs libertés en sachant qu’après vaccination ils pourraient encore attraper la maladie et transmettre la contagion. Mais pourquoi se sont-ils vaccinés alors, puisque c’est sans surprise qu’ils découvrent qu’une part des nouveaux contaminés étaient vaccinés ? Ils estiment avoir fait leur dû en suivant des recommandations qu’ils sont incapables de comprendre. On leur dit que le vaccin, s’il n’empêche pas de contracter la maladie, en atténue les symptômes, de sorte qu’on le leur vend à peu près comme des vitamines : à ce titre, on eût mieux fait de les inciter à maigrir, étant certain que le surpoids est la comorbidité associée aux facteurs d’aggravation les plus systématiques et les plus lourds, mais il faut remarquer que l’aiguille réclame moins à la volonté individuelle et offre autant au sentiment de responsabilité que la diète, alors on s’y livre avec un enthousiasme qu’on altère en sacrifice pour se donner une illusion d’héroïsme. En vérité, ni les Français ni probablement les autres peuples ne se sont fait vacciner dans le but d’être inaccessibles au Covid, ou bien ils se trouveraient aujourd’hui singulièrement contredits et ne le supporteraient pas, mais ils se sont débarrassés à peu de frais d’une irritation persistance, d’une tension intérieure, d’un cas de conscience : vaccinés, ils ont résolu le problème, ils n’ont plus à réfléchir à ce qu’ils doivent faire ou penser, ils sont soulagés d’un dilemme, c’est fait et ils ne peuvent revenir en arrière, il est devenu inutile de ressasser, c’est en eux et il faut bien à la fin que leur réflexion soit en accord avec leur organisme ; même ils ne redoutent plus dès lors d’être assez prosélytes. On leur représente, pour justifier leur « acte de civisme », que c’est contre « une forme » de coronavirus que le vaccin immunise et pas celle qui se répand en majorité : ce n’est pas de chance, voilà tout ! mais en attendant, on n’arrive pas trop à mesurer l’efficacité de ce vaccin, parce qu’on trouve que les vaccinés tombent seulement moins malades que les autres. N’importe, ils demeurent confiants et insistent pour que la vaccination qui n’avait de valeur comme initiative personnelle que parce qu’elle n’était pas obligatoire soit imposée à tous, médecins et infirmiers en particulier qui, s’ils sont parfois réfractaires, devraient compter parmi les premiers à motiver leurs refus sur des soupçons d’une nature scientifique appartenant justement à leur domaine de compétence : c’est que le Français estime que les médecins sont compétents quand ils prescrivent le vaccin, mais pas quand ils y résistent, bien qu’il ne se reconnaît lui-même aucune compétence en médecine. Après le nombre de cas de Covid qui ont infecté le pays, on commence à comprendre que les infectés furent si nombreux que la contagion s’est atténuée d’elle-même faute d’organismes à atteindre, mais on s’inquiète d’un variant que le vaccin en théorie était censé restreindre, contre lequel il ne défend pas : il y aura toujours des mutants. Le contemporain ne se sent pas trahi pour autant : il a en lui un vaccin qui n’immunise pas, qui est plutôt… comment dire… une sorte de défense, voilà, qui « atténue » – autant imaginer des vaccinés du DTP dire : « J’ai quand même attrapé la poliomyélite, mais ça va, parce que c’était une petite poliomyélite. » Un tel vaccin lui permet surtout d’assurer sa sérénité parce qu’il a « fait ce qu’il devait faire » c’est-à-dire qu’il s’est débarrassé d’une controverse… c’est un vaccin qui ne vaccine pas tout à fait, un vaccin dont les vaccinés réclament vivement de ne pas pouvoir être mis en contact avec des gens qui ne sont pas vaccinés, comme si leur vaccin ne voulait rien dire… C’est un produit qui, bien qu’il soit initialement chargé de les prémunir contre la maladie, leur offre par-dessus tout l’occasion de commander que, puisqu’ils ont agi pour être en sécurité et qu’ils sentent qu’ainsi manifestement ça ne marche pas, leur sécurité doit s’étendre à ce que personne ne soit malade, eux-mêmes ne se croyant aucune garantie au moyen du vaccin. C’est tout à fait absurde quand on sait ce qu’est un vaccin, c’est irrationnel : vous avez là des gens qui vous disent : « Je ne veux plus être atteint par une maladie contre laquelle je suis immunisé, par conséquent il faut que mon entourage ne soit plus malade. — Eh bien ! à quoi vous sert-il d’être immunisé ? » Les gens n’y ont pas réfléchi, ils n’y ont pas réfléchi non plus, ils ignorent toute logique médicale, ils ne conçoivent la société qu’en matière de morale homogène et binaire ; c’est : « Il y a un bien ou un mal, et on ne peut permettre la pratique de l’un et de l’autre. » Alors, on commence à ostraciser les non-vaccinés, qui ont pourtant le droit de s’opposer à un vaccin facultatif, en les représentant comme des déments qu’il faut isoler, comme des fous furieux, comme des infectés d’office – oui mais puisque leur société les admet libres de refuser la vaccination, c’est plutôt cette société avec ses législateurs qu’en toute logique les contradicteurs devraient attaquer, car ils ne font qu’appliquer le droit qu’on leur permet ! de quoi leur en veut-on, au juste ? Et voilà qu’on leur dit : « Si vous ne vous faites pas vacciner quand ce n’est pas obligatoire, nous veillerons à ce que ça devienne obligatoire et vous vous ferez vacciner » : la belle vertu qu’être libre d’une si généreuse façon ! Mais il faut que la société tout entière empêche que le virus ne se propage, et c’est ce qu’on nomme : « solidarité » : consentir à se vacciner pour empêcher que les vaccinés tombent malade – mais à quoi sert-il qu’ils soient vaccinés si l’on redoute toujours à ce point qu’ils attrapent le virus ? C’est un mystère de la logique contemporaine : dès qu’on creuse un peu, on tombe sur cette aporie que la vaccination ne protège pas tant d’un virus contagieux que de la poursuite irrationnelle de ceux qui savent au fond d’eux-mêmes qu’ils ne seront protégés que – par la disparition de la maladie !

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