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Henry War
12 décembre 2021

En fausse captive

Elle aimait, à de ces intervalles d’indécence que la nature lui dictait, en des soulèvements spontanés de chaleurs qui sourdaient de ses entrailles ou de son sang et dont, avec délice, elle accompagnait l’esprit fondamental de bonne perversité, au terme de certaines tensions internes dont elle n’avait pas le choix de se régulièrement défouler, s’allonger déshabillée sur le lit sans tout à fait le prévoir, exposer nue ses fesses offertes, sentir la fragilité impudique de la fleur et du galbe de son cul provocant – elle pensait son cul alors, il n’y avait rien de respectable ou de tendre dans son désir ou dans son corps, elle n’était qu’ardeur sans tabou, essentielle et primale, à étancher par un mâle méprisant et dur –, et l’attente en cette position, cependant que sa peau vibrait de la fraîcheur de la chambre, la cuisse un peu relevée sur le tissu, un peu seulement et même imperceptiblement tandis que la sensation pourtant inclinait à une béance avide, à une représentation de contorsion de son être invaginé et fiévreux, la faisait intérieurement trembler de jouissance, une jouissance d’expectative, une jouissance de femelle suppliant en tension pour la possession et la maîtrise d’elle. C’était irrésistible ce fantasme, les rebonds sans cesse d’un homme enfoui que la chair de son cul rebattu amortirait et rejetterait par saccades, l’innocence de son cul asservi à la fonction d’un coussin utile à fixer la profondeur et la butée, le pur objet de ce cul dédaigneusement regardé par un œil fauve de rut, obsédé d’elle, dont elle conserverait la conscience comme un trophée, comme un appât et comme une négligence de prostituée. La parure de ce cul relégué à un usage cru, de ce cul relevé avec une espèce de résignation obstinée pour l’infra, de ce cul extériorisé pour façonnage et branlerie, et intériorisé comme la pièce de féminité, constituait alors, avec le plaisir brutalement physique d’une invasion et d’un choc – les hommes ignorent l’effet traumatique envoûtant mais réel, proprement pathologique, d’une pénétration, cette façon de plaie percée d’où naissent parfois la pâleur et le vertige, cette sorte d’accouchement à l’envers, la sexualité des femmes est toujours partiellement une manière de viol –, la ligne sous-jacente, continue et inavouée de sa pensée, pensée d’elle-même en tant que femelle, l’idée d’un équilibre presque gravitationnel appliqué sur la forme et la masse de son cul, d’une attention diffuse et prégnante portant à cet endroit précis de son anatomie, à l’exact milieu de son corps entre ses reins et au bas de son dos, symbole d’une métaphysique excitante à la fois intellectuelle et pragmatique, entre la déviance morale fétichiste et la triviale nécessité de sa cambrure pour se maintenir et ne pas basculer, qui trouve sa définition pleine et entière dans le mot : sensualité.

Quelquefois, elle concentrait ses forces mentales dans ce centre de gravité – la rondeur insolente de son cul arboré –, et par variations volontaires et vicieuses qui l’éloignaient de son envie pour mieux y revenir, elle tâchait d’en modifier sensiblement la perception, revêtait des bas qui décalaient le regard vers ses cuisses, ajoutait des talons hauts qui incitait à se détourner vers ses pieds, inventait une coiffure voyante dont la tentation de saisie rabattrait sur sa tête la pulsion acharnée du mâle fou, et ces diversions, d’une délicatesse contradictoire en ce que leur finesse habillée était un moyen délibéré d’attiser la fougue et les assauts, constituaient un jeu accessoire dans la somme des baises où elle se plaisait alternative et diversement salope, ces essais ajoutaient à son sentiment d’être imaginative et libérée, oui mais elle n’était jamais aussi satisfaite qu’en offrant son cul sans apprêt, cul de total naturel, ce qu’elle aimait faire en posant ses mains à demi fermées au creux de ses lombaires, immobilisant ses épaules tendues en arrière et en une position dont la soumission était presque aussi jouissive que l’inconfort, impression de devoir, obstination à garder la pose, discipline d’être figée comme une pute docile, fantasme de n’avoir rien à dire, d’être contrainte de se taire, de vulgairement s’appliquer à tenir la position et à fermer sa gueule, de faciliter le viol pour qu’il soit fluide et passe sans blessure, et toujours la radiante sensation de son cul maltraité la gonflait d’aise et dilatait d’extase, une conjonction de toutes les puissances contenues dans la sexualité même, l’écrasement et la compression de ce cul qui dépassait et saillait par nature et par goût, le brusque et régulier battement de ce cul heurté par un ventre d’homme et dont le bruit lui faisait une affolante humiliation, jusqu’à la cuisante douceur, quand il attrapait une cheville avec fermeté ou saisissait carrément ses épaules pour rabattre son corps vers lui, de se figurer qu’il s’agissait encore d’un hommage indirect à son cul vers lequel le replacement des forces viriles convergeait et retournait encore, l’énergie de son cul si étroitement confondu avec son con où il s’acharnait et pinait. Elle percevait dans ses durs efforts, dans son souffle rauque et la sueur de ses muscles, un entêtement à honorer son cul, cul qui était aussi le contraire d’une chair victime, cul qui devenait dominateur, cul d’une consentance supérieure, cul suavement moqueur, pourvoyeur de plaisir et dont elle multipliait par d’infimes suggestions l’appel aux poursuites renouvelées, modifiées et alternées, cul bourré lourdement et cependant presque indifférent aux maltraitances, comme le cul de qui, feignant ne pas se soucier d’un agresseur, pousse la manifestation du souverain mépris jusqu’à réclamer de sentir au moins un peu quelque chose, creusant ses reins pour voir, lasse et ambitionnant un vainqueur, à la fois ennuyée et curieuse, de candeur diabolique et d’impérieuse nonchalance.

Toutes les civilisations jamais ne pourraient dissoudre chez elle, par exemple jusqu’à la honte, l’immense et essentielle volupté de tendre son cul et de recevoir, psychologiquement et physiquement, le bonheur indicible d’une abondance, d’une insistance et d’un acharnement, pareille à la machine muette et accapareuse qui, à condition qu’elle pût penser, serait flattée de son occupation par l’homme, triturée et manipulée, objet d’attentions longues qui lui confèrent, au moins le temps d’un véritable culte, une importance d’idole au sein de l’univers morne et impassible de cette époque vaine. Là, elle suscitait un élan, elle, son corps et son cul utilisés et évidemment capables de fasciner un bon quart d’heure, c’était une désespérance de moins de parvenir au résultat d’être vraiment dans ce rapport, à la certitude de compter, à la prescience, même temporaire, de constituer toute la détermination d’un autre être, un mâle, cette puissance, car il demeure en maintes femmes l’atavisme foncier et rassurant selon lequel l’homme est, par désintérêt de toute subtilité et détachement grandiose, par sa confiance et son orgueil rudes qui constituent ses apanages quoi que la femme puisse prétendre, celui qui distribue le mérite et la récompense avec le plus de gratifiant réconfort. Sans rien chercher à savoir, elle s’apercevait de ça, de ce sentiment en elle d’une prévalence masculine quand, le temps d’un éclat fugitif et vite oublié, au terme de la lutte accablante et exaltante, au plus intense des spasmes d’orgasme et d’usure, elle sentait, dans les profondeurs de son sexe, le jaillissement du sperme lâché en bouillonnement féroce, jaillissement qu’elle se découvrait alors espérer depuis des minutes en un paroxysme universel : l’espace d’un instant, avant le retour aux dédains ordinaires d’après-sexe, elle se trouvait comblée, fière, fière exactement de la symbiose du don d’elle-même et de ce don de lui, comme un parfait échange, comme un miracle de réciprocité, comme la réalité d’une communion et peut-être la seule possible, la seule vraie, enfin, ici-bas. C’était, projeté en elle, le témoignage que pour un homme elle avait compté, et par conséquent que sa vie signifiait quelque chose, qu’elle n’était pas absurde et abandonnée au monde insignifiant où elle se sentait si provisoire et vulnérable parce qu’elle n’était, elle, qu’une femme. Mais ça, bien sûr, jamais elle ne s’en serait souvenu assez longtemps pour en penser ensuite rien qu’un reliquat dans la société d’extériorité et de principes superficiels où elle existait. Là, la franchise de l’instinct s’effaçait, sauf heureusement dans les parenthèses d’ardeurs, dernière liberté de l’être dont on se saisissait sans permission. Le plus de subversion auquel elle pouvait atteindre consciemment, la frontière de l’inavoué à laquelle subliminalement elle était à l’extrême rigueur accessible, se rencontrait, quand elle offrait son cul, avec ou sans les yeux bandés, dans la palpitation presque insensible de son anus, avant ou pendant la friction de son sexe fourré et défoncé, cependant que plus ou moins souterrainement elle en appréhendait autant qu’elle en désirait la profanation, et c’est justement parce que cette pensée, pourtant attirante et dangereuse, n’osait lui imposer la négociation et la délibération véridique de l’acte, qu’elle eût plutôt voulu que l’expérience lui fût imposée dans le feu, sans recours au consentement et aux considérations, sans le biais appauvri d’une discussion à froid, sans qu’en-dehors de l’animalité immédiate on fût seulement obligé d’en parler. Mais cette allusion foudroyante dont l’idée la traversait rageusement dans des essoufflements de démesure disparaissait bientôt avec la satisfaction du sexe et le sain retour à la normalité du sentimental, cette normalité qui tout abîme dans l’imitation, dans la décente conformité, dans la pusillanime médiocrité ainsi que dans la morale grégaire où s’est peu à peu perdue la plus blanche des lumières foncières de l’humanité.

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