Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Henry War
5 février 2022

Comme on nous parle

J’aimerais donner à sentir un peu, avec un recul salutaire, la sorte de communication dont le gouvernement et la majorité des médias se servent aujourd’hui, de façon à vous aider à comprendre le genre de conception de rapport que cela implique entre les « informateurs » et leur destinataire. C’est une manie installée et à laquelle on ne fait même plus attention, un tic insensiblement changé en habitude, d’user du langage de la manière la plus puérile possible, comme si l’on avait affaire à des sots : toujours, le locuteur s’abaisse à une infantilisation qui, vue avec recul, est une offense et une humiliation pour celui qui se sent adressé. Si l’on prend ne serait-ce que deux minutes de distance pour écouter n’importe quelle parole prononcée au public et se mettre à la place de celui qui l’énonce, on s’aperçoit du mépris simplificateur, du procédé systématique d’imbécillisation, de l’outrage et du scandale où ces propos admettent d’emblée le peuple et le citoyen dans les plus extrêmes grossièreté et puérilité. On ne l’élève jamais, on l’assigne à une place de gobeur sous influence, et on l’accoutume à survoler maints commentaires sans jamais demander d’approfondissement, au point que tout ce qu’on nomme information est une caricature et une propagande. Je demande par exemple si la menace russe qu’on nous apprend à réprouver en Ukraine a déjà rencontré une explication plus subtile qu’une primitive extension de territoire, et si, quand l’Ukraine elle-même évoque les « rebelles » dans les zones frontalières concernées, le téléspectateur européen s’interroge moindrement sur cette appellation par laquelle on devrait supposer que des Ukrainiens (et combien ?) sont entrés en dissidence (et pourquoi ?) jusqu’à établir des points de contrôle que l’armée n’ose pas traverser. Le pire se situe dans chaque allégation de M. Véran dont la pédagogie se destine ostensiblement au niveau de collégiens attardés : on nous délivre même un schéma pour qu’on voie, au lieu d’entendre, à l’aide de dessins de seringues et de têtes à toto mécontentes et malades, comment apprécier la nouvelle ordonnance du pass vaccinal, selon qu’on a été injecté ou infecté – au même titre M. Castex ne cessait-il pas de dire ce qu’il fallait faire des « papys et des mamies ». Les exemples sont innombrables et ne font que confirmer un fait : on est si persuadé que vous êtes débile qu’on ne fait aucun effort pour vous dissimuler qu’on le sait.

Le citoyen, pour ces gens-là, n’est qu’un crétin à convertir : on ne s’aperçoit même plus qu’on lui parle avec une si nette condescendance ; on imagine maints bureaux où l’on a charge de préparer des bulletins avec cette pensée bien ancrée et jamais questionnée que l’audience est constituée d’imbéciles à qui il ne servirait à rien d’être un peu profond. C’est terrible, vraiment terrible, qu’arrivé à un tel point d’usage, ces gens ne s’aperçoivent plus de leur propre mépris : ce leur est devenu normal de parler à des foules avec ce ton d’enseignant d’école maternelle – oui, mais je crois que le Français ne se rend plus du tout compte du peu d’intelligence qu’on lui suppose. Il faudrait méthodiquement que je commentasse en direct n’importe quelle page de son journal télévisé, de façon qu’il pût pleinement comprendre, comme je l’entends moi-même chaque fois que j’y assiste, le sous-entendu navrant que contient cette parcelle qu’on lui jette comme une pitié vulgaire et partiale. On verrait combien ces micro-trottoirs sont intolérables et abaissants, combien tous les comptes rendus de procès sont parcellaires et orientés, combien on masque mal les informations retenues dans des lapsus qu’on prononce, combien le niveau de langage s’est dégradé jusqu’aux proverbe et familier à dessein de vous correspondre, combien le média suppose que vous ne percevrez pas l’insulte dans l’immense réduction qu’il fait de vos facultés mentales. Mais il n’a pas tort tout à fait, et pourquoi ? Parce que l’injure reste insensible à la plupart, et qu’après cet article on prétendra encore que j’exagère rien que pour continuer à consommer en son confort un peu de cette lénifiante et infamante nourriture de troupeau.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
Publicité
Derniers commentaires
Publicité