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Henry War
27 février 2022

Ces reporters égaillés

J’ai peur d’exagérer, et je suppose qu’on me contredira si j’ai tort, mais est-ce que tous ces reporters que les grandes chaînes nous présentaient à la terrasse de leur immeuble à Kiev, pérorant en temps de paix sur une situation qui ne requérait nullement leur présence sur place, et tenant un micro pour ne rien dire d’utile devant un panorama qui ne présentait que l’avantage de faire « couleur locale », se sont à présent bravement rendus au front et professionnellement illustrés pour nous offrir des images d’engagements armés, éloquentes et de premier ordre ? Ce que j’en ai vu pour l’essentiel, ce sont des journalistes apeurés qui demandent très prudemment si l’on veut bien leur donner le droit officiel d’avancer, auxquels on répond qu’il ne vaut mieux pas mais qu’on peut quand même si l’on y tient, qui consentent alors de fort bon gré au sacrifice d’un prix Pulitzer, et qui, à la fin, ne présentent par exemple que la vidéo, tournée à la frontière polonaise où personne ne se bat, de migrants qui n’ont évidemment rien d’inattendu à raconter et dont le témoignage doit être tourné en manière tragique pour y donner quelque substance. Je suis assez étonné, et certes vaguement consterné même si je ne souhaite le péril de personne, de constater qu’à l’époque de protection unanime de la Presse et de conventions internationales pour garantir tant que possible la sécurité des reporters, on soit réduit à récupérer des portables indigènes pour constituer un vague dossier d’images à diffuser au journal télévisé des médias les plus riches, au point qu’en un conflit pour le moment relativement bénin (je veux dire : bénin « pour une guerre moderne », c’est à ce titre qu’on doit me passer l’expression), on s’aperçoit que nos reporters n’ont pas la moindre communauté d’ambition et de déontologie avec un Robert Capa. C’était bien la peine d’avoir déplacé tant d’envoyés spécieux dans le pays même où la guerre a éclaté : on dirait bien qu’ils en sont tous sortis à l’heure où l’on a vraiment besoin de renseignements, ou on les voit interviewer des habitants qui, comme eux, se terrent dans des sous-sols en attendant qu’il n’y ait plus rien à risquer et à voir. Toutes ces personnes appointées pour avoir longtemps répété devant une caméra ce qu’un présentateur général avait déclaré deux minutes avant eux ne méritent peut-être pas leur carte de presse qui, souvent, ne leur sert qu’à accéder gratuitement à des meetings politiques et à avoir l’honneur de poser une question fort complaisante et inutile au président gourmé ou à tels ministres intègres.

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