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Henry War
7 mars 2022

Affirmer quelque chose

Quand j’affirme, autrui suppose toujours en se fondant sur son propre processus mental que je me vante : celui qui indique une certitude paraît exagérer son importance. C’est que ceux qui me jugent, ayant eux-mêmes coutume d’émettre quantité d’affirmations qu’ils ignorent, ne savent pas que je ne m’exprime que sur peu de sujets, uniquement de ce que je sais, et que c’est ordinairement que j’admets ne pas savoir quelque chose. Voici un grand inconvénient pour une société que de présumer que l’exposition du savoir est une feinte ou une enflure qu’il faudrait supplanter par l’exercice d’une humilité systématique : là, ceux qui ne savent rien sont négligés, et l’on méprise ceux qui savent pour l’orgueil qu’ils signalent en se déclarant ; on écoute ainsi les deux à égalité ; c’est un opportunisme pour ceux qui aspirent à ne considérer que celui qu’ils élisent d’emblée, notamment parce qu’il est de leur avis. En tous cas, on n’admet plus que celui qui écrit un texte manifestement minutieux de 2000 ou 3000 mots, suivant une progression logique et en un certain style, n’a pas seulement aventuré quelque impression par défoulement ou par esprit partisan. Après une réflexion élaborée, on trouve encore une majorité de lecteurs qui vous rétorquent, en improvisant, que vous n’avez pas réfléchi, que vous ne pratiquez pas le doute, que vous manquez de modestie parce que vous paraissez établir ce qui est encore pour eux en question : ils ne cherchent nullement à atteindre des vérités mais à se prouver qu’ils ne sont pas moins avancés que vous, quoique plus discrets c’est-à-dire meilleurs. Partout où vous les dépassez par l’esprit, c’est que votre moralité vaut moins que la leur. En tous domaines, il faudrait arborer les insignes de l’incertitude même après étude, ne rien oser affirmer, ni que la terre est ronde, ni aucune évidence de cet ordre, jusqu’à naturellement aboutir au point où il faudra que vous rapportiez des données et des inférences, moment où vous serez inévitablement relégué parmi les fiers-à-bras et les immodestes. On ne voit plus chez un lecteur de réflexion qui se construise de façon dialectique avec l’auteur, où, comprenant que l’auteur est de bonne foi et sait ce qu’il avance pour y avoir bien réfléchi, il se place dans la position humble où il est faute d’avoir formulé sa pensée avec autant de soin, et voudrait seulement vérifier à mesure la validité des assertions successives de l’écrivain pour arriver à une relative confiance : méthode qui place d’emblée le lecteur dans l’appréhension de recevoir un apport. Mais non ! plus de nos jours où celui qui rédige un livre ou un article, à ce qu’on semble croire, est votre camarade et ne mérite particulièrement rien pour son travail : si l’auteur proclame ce qui n’est pas déjà en vous, il a tort, assurément, c’est un fat et un paltoquet. C’est à croire qu’on a tant pris l’habitude de lire des écrits qui ne valent que des billets d’humeur que chacun se sent capable d’en écrire, de vous rétorquer au débotté que vous dites n’importe quoi sans argument, et que, d’ailleurs, il est clair que vous ne pouvez être sage et avoir raison, attendu que vous être trop sûr de vous !

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