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Henry War
16 juillet 2022

Interdire pour éviter le danger

Le prétexte du risque ou du danger suffit à présent à interdire à peu près n’importe quoi avec le consentement des peuples parce que ceux-ci n’ont plus l’esprit de discernement pour examiner légalité et légitimité avec un peu de distance et de philosophie. Nul ne s’offusque plus que des « craintes » d’incendie conduisent à la prohibition de la balade en période sèche : c’était pourtant un droit fondamental de se déplacer en tout lieu public de son pays. Semblablement, comme on a trouvé que des sentiers de calanques étaient piétinés par beaucoup de promeneurs, on doit aujourd’hui y réserver sa présence à telle heure sur le site de l’office de tourisme, ou l’on n’y sera pas admis, un barrage de police en gardera l’entrée. On interdit aussi de se réunir pour célébrer un match de football quand il fait canicule : le préfet ordonne ses décrets et l’on prendra des arrêts contre vous si vous récalcitrez et prenez une bière en terrasse avec des amis. On enferma pareillement des retraités dans des mouroirs, et l’on prétendit que c’était justement pour qu’ils ne mourussent point, sans tenir compte que leur vie tenait principalement au fil de leurs libertés de rencontrer leurs proches. Bientôt, on vous fera accepter de renoncer à la plage au prétexte que des gens y abandonnent leurs mégots de cigarette : par degrés, vous finirez par y consentir, vous n’aurez plus le choix après avoir accepté tant d’interdits abusifs et ridicules.

Ce n’est pas parce que des gens se comportent mal quelque part qu’il faut empêcher tout le monde d’y accéder : on ferait mieux de verbaliser ceux qui commettent des déprédations si on les trouve, tout en laissant les autres citoyens profiter de leur pays pour y respirer à l’aise et y sentir leur devoir d’en conserver la beauté. Si l’on estime que le nombre des vivants est trop important pour autoriser leurs déplacements libres, alors c’est le nombre des vivants qu’il faut franchement accuser et juguler, pas la liberté de marcher ou de s’allonger par terre. Je tiens qu’il vaut mieux être mort ou n’être pas né que vivre enfermé continuellement au prétexte que sans cette contrainte il vous faudrait rejoindre une foule et que toute foule est mauvaise et dégrade. C’est même l’obéissance à un décret prohibant de vous mouiller dans de l’eau salée ou d’obtenir quelque ombrage de branches qui devrait être un délit, un délit moral. Ceux qui n’ont pas les moyens d’acquérir un jardin devraient conserver le droit de bénéficier de la nature commune et d’y vaguer à leur gré. C’est un droit fondamental qui, même sous couvert de protection, ne se transige point : on peut modifier l’usage qu’on fait de la nature si nécessaire, mais on ne saurait en condamner l’accès sans attenter à la nature humaine. C’est l’interdiction de certains espaces qui tue l’homme. Une générosité solidaire, qu’on me dénie souvent parce que je ne m’y livre qu’au sens le plus essentiel et authentique, m’enjoint à préférer la préservation de l’homme à celle de l’environnement ou même à la sécurité et à la santé – mais je suis si intempestif ! Qu’un gendarme m’ordonne de déguerpir d’un paysage public, de mon pays en somme, au prétexte que quelque autorité légale juge automatiquement que je suis une nuisance – car la Constitution admet que c’est à ce seul titre qu’on peut défendre –, c’est de quoi m’inciter à fermer les poings et commencer la guerre. Je consens à être arrêté si j’allume un feu de forêt, mais je résiste à ce qu’on me considère au même titre que le pyromane parce que je marche dans la forêt publique qui m’appartient comme aux autres… et j’ajoute que je refuse d’en partir même « pour mon bien » si cette forêt est déjà en feu.

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