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Henry War
6 août 2022

Un livre est si vite lu !

J’avais oublié comme c’est court, un livre ! À force d’écrire et de ne plus me consacrer à la lecture que par brièvetés très denses, par quarts d’heure seulement d’attention intensive, je ne me souvenais plus que 300 pages se terminent en une seule journée, que c’est sans grande difficulté qu’on parcourt son roman quotidien. C’est ce qui m’a fait m’interroger sur la longueur d’ArkOne, après l’avoir fini : est-ce assez ? à quoi cela équivaut-il en termes de patience dans la mentalité d’un lecteur actuel ? J’ai tellement l’impression, à cause de ma façon spécifique de lire (fragmentée, quelques dizaines de minutes par jour), qu’il faut des semaines pour achever un ouvrage – tandis que j’en lis une trentaine par an, et de bien plus difficile que les cinq facilités auxquelles le Français est habitué – que je perds mes repères à la normalité, que je ne sais plus comment les gens lisent ni même ce que c’est qu’un roman en termes de longueur, y compris un de ces romans que je lis par séquences si courtes et que je segmente en unités analysées – et toute œuvre à mon jugement se dilue, s’étale, se défigure peut-être, se relativise… après tout, qu’est-ce qu’un roman ? Je finis par me sentir le besoin d’un témoin plus neutre. Et il a fallu, comme chaque année, l’occasion de vacances hors de chez moi, sans ordinateur, avec rien qu’un carnet à composer de la poésie, pour que je m’aperçoive, passé cinq jours, que les cinq volumes que j’avais choisis et emportés ne suffiraient pas à occuper ma première semaine de villégiature, sans compter la seconde semaine qu’il restait ! Or, pas de bons livres sur place, que des maisons-de-la-presse et des supermarchés de tourisme du vide littéraire : je me suis donc imposé d’écrire davantage de sonnets, voilà. N’empêche, ce m’est vertigineux, à bien réfléchir : dire qu’ArkOne élaboré en peut-être cinq mois peut s’achever en cinq heures ! Et ma vie ainsi exposée, traduite dans mes écrits en termes méticuleux et appesantis, pourrait certainement s’achever en dix jours, et moins peut-être si le lecteur est encore négligent ! C’est le fameux temps de l’écriture, distendu à force de travail, inlassablement allongé après tant de besogne, qui est un épuisement pour un résultat si bref, concis, lapidaire, qui paraît un naturel tant retouché, retravaillé, ciselé, pour donner justement l’illusion de cette fluidité !... On ne croirait pas, à simplement admirer la pierre taillée dans la vitrine du bijoutier, qu’il a fallu l’extraire des entrailles de la terre, après avoir martelé dangereusement le roc pendant des éternités… Ah ! ce que c’est qu’écrire, parmi un siècle qui ignore que la littérature n’est pas un divertissement, qui juge si mal des différences entre des œuvres, et qui suppose, peut-être, que mes textes sont de la même eau que ceux de Mme N. qui se vante de rédiger un roman par an qui vaut à peine une mauvaise nouvelle selon mes forces !… Et moi qui m’acharne au sein de ce monde, de cette indifférence, de cette stupide relativité, sans espoir de reconnaissance, mu par la nécessité, par le devoir intérieur, d’atteindre à mon excellence propre, avec si peu d’artistes pour considérer mon travail ! Quel cruel écart que cette inadéquation et que cette indistinction, par manque général d’expertise ! On voit toute une société ainsi qui célèbre des joueurs et qui méprise même sans le vouloir des travailleurs acharnés…

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