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Henry War
15 janvier 2023

Ni mémoire ni leçon du Covid

On a tort, on est aveuglé, passionné, partial et bête, on se défoule seulement et l’on n’est pas réaliste, quand on suppose et prétend que les malversations et mensonges relatifs au Covid seront révélés, dénoncés, et donneront lieu à de scandaleux procès dont les coupables devront pâtir bientôt : on a alors bien plus envie que cela se produise qu’on ne saurait raisonnablement se convaincre que cela arrivera. On se console d’une imagination qu’on présente actuelle, ce qui libère du sentiment de devoir agir concrètement pour corriger la société et faire justice soi-même, car on reçoit la vision du fait virtuel qui se déroule en esprit, et l’on est déjà un peu soulagé de vivre ce fantasme. Pas davantage sur n’importe quel sujet d’après 1960 le « recul de l’histoire » n’a permis de revenir sur des événements d’ampleur, d’en démonter les processus d’autoritarisme vicieux, et d’en traduire les coupables en justice, particulièrement des coupables occidentaux : notre lâcheté à punir a ainsi rendu possible la reproductibilité des phénomènes, et, certes, ils se perpétuent régulièrement. Le siècle et les mœurs sont à ce que Mme Merkel, en pleine guerre en Ukraine, puisse déclarer, sans apparemment craindre d’être poursuivie, que les accords de Kiev n’étaient qu’une promesse vide pour gagner du temps à réarmer le pays contre la Russie, et l’on ignore encore si un homme a bien marché sur la lune, qui a abattu l’avion du président rwandais avant le génocide, et quel est l’implication de la CIA dans l’assassinat de Martin Luther King ou de John Fitzgerald Kennedy. On ne saura pas davantage – je l’annonce sans mal, sans prophétie conjecturée et vous épargnant le suspense des événements, parce que c’est évident – qui a torpillé le gazoduc Nord Stream 2, attentat qui constitue pourtant un casus belli et même, en d’autres temps, un véritable motif de guerre mondiale : ceux qui l’ont détruit l’ont fait avec une audace et une insouciance telles que leur mode opératoire suffit à démontrer qu’ils savent qu’ils ne seront pas poursuivis – d’ailleurs, l’affaire, qui n’a pas quatre mois, est déjà oubliée comme beaucoup d’autres, et les recherches sont terminées avant même d’avoir été vraiment entreprises.

Deux raisons suffisent à expliquer ce peu de hâte et de volonté à instruire le procès des grands préjudices de l’histoire. La première, c’est qu’il faut, pour réaliser de telles instructions, des professionnels, journalistes et procureurs, d’une insistance et d’une objectivité supérieures ; or, les nôtres ne sont plus ni en état intellectuel d’œuvrer avec acuité, ni en état d’indépendance pour livrer ces travaux. On le voit déjà, les « réinformateurs » du Covid, ceux qui compilent les données issues d’études scientifiques internationales et d’indiscrétions des gouvernements, sont des individus sans mandat, et leurs déclarations sont aussitôt facilement ignorées ou considérées comme partiales, de sorte qu’aucun scandale ne peut en advenir. Même, comme je l’ai expliqué par ailleurs, tout le monde se fiche de la vérité, chacun ayant trop d’intérêt à considérer la sienne comme juste et irrévocable, parce qu’un démenti officiel impliquerait une culpabilité morale et personnelle obligeant à trop de changements inconfortables auxquels on répugne.

L’autre raison de ne rien espérer en la matière, c’est que perpétuellement d’autres sujets « urgents » servent à clamer que l’impérieux et le vif doivent temporairement effacer le moment des conflits et des accusations, remettant sine die le jugement des hommes – c’est le mythe fort opportun (pour les politiciens, car ils sont nombreux à se sentir impliqués) de « l’union sacré » qui sert à annuler la pensée d’une rancune. Ces inquiétudes immédiates remplaceront sans cesse les préoccupations tournées vers le passé des causes, en sorte qu’on promouvra toujours l’idée qu’il faut résoudre un problème au lieu d’identifier ses responsables, au prétexte qu’on n’a pas le temps, au cœur de la crise, d’alimenter la vengeance et la justice. D’ailleurs, le temps qu’on monte ces procès difficultueux – difficultueux car les accusés argueront toujours de leur droit et de leur bonne foi, n’étant alors au pouvoir nullement tenu de faire le bien ou de dire la vérité (notre Constitution n’y oblige point) –, les responsables sont devenus vieux, les gens ont un peu pitié d’eux, le principal de la douleur des victimes est passé, la société comprend mal le besoin de monter ces procès coûteux, et l’on ne voit plus bien le rapport entre ce vieillard pitoyable et le diable qu’on prétend qu’il fut et qui entraîna tant de monde dans le préjudice et les doléances. C’est pourquoi on a renoncé aussitôt à incriminer les personnes fautives du manque de masques au début de la pandémie, ni celles, pourtant aisées à identifier, qui ont publiquement déclaré qu’ils étaient inutiles, et l’on voit déjà comme les accusations liées au Covid passent à présent après le problème de la pénurie d’énergie, pénurie qui trouvera son remède en un temps où l’on devrait s’interroger sur ses causes mais où d’autres crises, réelles ou factices, phagocyteront l’opportunité de dévoiler les corruptions européennes qui ont permis à la France de souscrire à la libéralisation si évidemment préjudiciable d’un marché de l’électricité que jusqu’alors elle maîtrisait très bien.

Et ainsi de suite. Il n’y aura pas de procès, ni de révélation, ni de mise en accusation, ni de « commission-vérité », rien d’exceptionnel pour infléchir une direction des comportements et nul exemple susceptible d’entraîner une répercussion sur les hommes. Rien de tel n’arrivera à court ou moyen terme, relatif au Covid ou à un autre événement particulier, qui s’attacherait à dénoncer des dévoiements, à montrer leur origine et à juger des coupables, aussi bien du côté de l’État que des citoyens, pour en empêcher le retour : ce qui n’a pas eu lieu après l’Occupation concernant tant de délations patentes et vérifiables contre des Juifs n’a aucune raison d’exister dans des circonstances plus compliquées et dont les culpabilités sont plus difficiles à prouver. On n’infléchira point les mœurs par la crainte édifiante de la responsabilité individuelle, on ne rappellera pas le citoyen au moyen de condamnations mémorables à son devoir, on ne l’instruira pas de ses prérogatives nécessaires comme individu ni ne le corrigera de sa tendance veule aux facilités ignobles ; d’ailleurs, il y a déjà trop d’affaires à déférer, on ne saurait par où commencer pour vider la somme faramineuse de litiges qui mériteraient d’être dénoncés, sans compter que nos administrations s’opposent à ces instructions. Le mieux qu’on peut logiquement espérer est que dans cent ou deux cents ans, un peuple plus sage considérera les fraudes impunies de notre époque comme appartenant à un ensemble d’irresponsabilité généralisée : on les inclura sans beaucoup les distinguer en un système d’absurdités propre à un certain régime, caractéristiques d’un âge relativement primitif des sociétés du confort et du divertissement, âge étendu sur une longue période d’une façon si turpide que c’en sera devenu une honte et un avertissement pour une humanité plus éclairée. Mais je puis affirmer sans risque que le Contemporain ne verra pas cette ère : ce n’est pas désespoir de ma part, c’est seulement que, dans notre siècle où plus que jamais le citoyen, incompétent et sans volonté, n’a nul intérêt particulier pour la vérité, il n’y a aucune raison de trouver vraisemblables de telles poursuites et de pareilles investigations.

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