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Henry War
7 mars 2023

Journal intime, Jean de Tinan, ou Maladie du journal intime

Journal intime, Tinan

On ne devrait jamais écrire de journal intime : ce n’est pas salubre, c’est peu hygiénique, une sanie irrépressible – ce qu’en médecine on nomme : épanchement –, une infection qui altère faute de ponction vers l’extérieur, une manie qui sent le renfermé, comme dormir longtemps dans une pièce étroite et mal aérée.

Je parle aussi d’expérience.

Particulièrement quand on est jeune et qu’on s’en sert pour s’introspecter, comme il n’y a guère à remarquer en soi, comme on se quête de la matière à espérance plutôt qu’on est sûr d’en rencontrer, comme on se disserte en péroraisons creuses et surfaites, on s’invente alors des particularités, des accès, des atteintes, des souffrances qu’on s’exacerbe : le journal est bientôt la légitimation de son propre néant par excès de bavardage reconstituant ; et l’on se matérialise sans avoir rien fait qu’écrire sur ce qu’on est sans démonstration. Il faut se méfier de l’écriture qui prend l’habitude pour fondement et qui s’efforce de discerner quelque « chose à dire », des révélations à produire, des astuces à se controuver, des couleurs à se flatter. Si l’on ne dispose pas d’une activité objective en-dehors du journal, d’un rapport concret au réel, l’écriture devient fascination et extrapolation emplies de symboles puérils et hasardés qui dispersent l’être et lui diffèrent la pleine réalité du monde. L’auteur d’un journal considère en général son œuvre une porte d’entrée dans la vie, un prisme de compréhension, un outil pour la déchiffrer, cependant qu’elle n’est, faute d’un naturalisme très méthodique qu’on peut difficilement posséder à vingt ans, qu’un miroir d’intentions, qui, infidèle au réel et ne ressemblant qu’à soi, modifie la qualité de l’objet sous la volonté du sujet qui se dissimule cette déformation et prétend à la description pure.

Tenir un journal quand on est jeune, c’est se publier à soi ses « mystères » qu’on élabore profonds, c’est forcément en fabriquer pour se découvrir de la complexité et souvent du martyr, c’est s’exposer, s’exhiber, s’expliquer, se devenir à soi-même un être public : l’orgueil ne serait pas dommageable en cette confection s’il n’y fallait adjoindre beaucoup de vanité aveuglante. Faire de soi le sujet d’un livre, quand on n’est rien, qu’on n’a rien vécu ou peu s’en faut, c’est se relater la visite du facteur comme une conséquence capitale, c’est dresser le portrait de la voisine comme un charme envoûtant et poétique, c’est rendre compte d’une conversation banale sur des livres comme une conférence éclairée de prophètes : que va-t-on tâcher de débrouiller ces broutilles ? Symbolisme et psychanalyse sont logiquement les fétiches du diariste, car il ne s’agit point, en pareilles « sciences », de démêler les énigmes tangibles du monde, mais d’en constituer de nouvelles absurdes, très inextricables si possible, pour se persuader de détenir les fonds de certaines perceptions supérieures. Comme l’écrivait Freud : « Il a fait tomber ce vase : quelle raison cachée avait-il de faire tomber ce vase ? » Ces alambications flatteuses sont par nature une puérilité, ou plutôt une adolescence : « Je n’ai rien à dire, n’étant rien : il fallait bien que je fabriquasse un sujet compliqué à partir de rien. » !

Et puis, à ces épanchements, à cette logorrhée, à ces suppurations, on déverse tôt ce qui eût mérité une maturation, une cogitation, une sublimation ; on se galvaude, on se gâche ; ainsi perd-on en soi ce qu’il y a de plus individuel à soi-même, à sa distance, à son intégrité, à savoir : le sens du secret qui est condition de la profondeur. Pour être un puits, il faut se connaître sans se croire le devoir de tout confesser : un puits, c’est le contraire d’une tour, ça ne s’invagine pas ; et confesser sans cesse, c’est faire de la parole l’objet de l’être, c’est la prostitution de soi-même à sa propre indulgence, c’est devenir entièrement le Ragot. On n’est pas obligé pour la moindre chose de se rendre aussitôt un bilan, de s’exhausser en synthèses, d’improviser de la philosophie ou de l’émoi comme si tout en valait la peine : se retenir d’écrire, c’est se réserver à l’important, c’est savoir trier le ridicule en soi et se défendre d’y succomber, c’est acquérir ou conserver le sens des proportions. Je veux dire qu’à force d’écrire par coutume sur ce qu’on vit et dont on témoigne, comme il faut en penser quelque chose et que la nature de tout ce qu’on relate soit propre à y apposer de la pensée, on devient uniquement sa confession, la réalité même en ressort travestie, et l’on ne se sait plus rien en-dehors de ce qu’on confesse de façon aussi systématiquement lisible, et l’on est incapable de devenir en-dehors des formulations textuelles. Or, je trouve une grandeur véridique à se dire que, le plus souvent, on n’a fait que traverser une réalité anodine : c’est simplement plus juste ainsi, on a rarement compté. On n’est à peu près personne au monde : à quoi bon affecter que le monde vous a remarqué ? Semblablement, le monde réel est en majorité terne et insipide : faut-il prétendre ignorer cette vérité pour feindre que le petit chien de la concierge a vraiment un aboiement unique ? Même, l’usage insistant, névrotique, du journal est bientôt tel que, si l’on n’a pas maniaquement recopié la moindre de ses pensées et la plus dérisoire de ses impressions, on a l’impression de ne pas penser ; on ne peut plus penser qu’en écrit et à telle heure du soir, c’est pourquoi leurs auteurs, sans nécessité relatent tous les souvenirs du jour – c’est à peine s’ils sélectionnent, comme si, dans leur effroi permanent de ne pas compter, en taisant l’inutile ils craignaient eux-mêmes à travers la mémoire de disparaître. Cette compulsion, qui est le symptôme psychopathologique de Proust (dont j’ai parlé en une longue critique de Du côté de chez Swann), tient de la phobie de l’extinction de soi : il faut que sa simplicité honnête soit adultérée en complexité factice, que tout l’extérieur prenne des airs inconnus et pénétrants, et qu’on s’efforce à des traductions ésotériques pour se donner une expertise d’alchimiste. Alors, comme on aspire quand même à confirmer par autrui l’image qu’on se fabrique – il est vrai qu’en son enflure décelée on a des retours de peur de son propre néant – le diariste est souvent tenté de donner à lire son journal : c’est qu’en son très peu immodeste il n’a même décidément rien à garder – à défaut, il envoie beaucoup de lettres et entretient maintes correspondances. Il n’écrit pourtant pas pour autrui : il s’écoute.

Mais c’est un vice, une dérive mentale, une psychopathologie, qu’on ne s’ignore guère quand on se livre à de telles sentimentalités : on finit par se répugner un peu, ces grattements de croûte ont quelque chose de malsain, on assimile forcément cette écriture assez automatique à de l’effusion ignoble, on ne peut s’empêcher tôt ou tard de constater, tant nos interprétations subtiles sont déçues – parce qu’un diariste souvent forme des hypothèses qui sont contrariées et constituent la preuve qu’il ne sait pas de quoi il parle, qu’il est incompétent en science de la réalité, mais il est vrai qu’il s’oublie aussi souvent ses prédictions inadvenues ou qu’il s’en fait des prétextes de poésie –, que toute cette sensiblerie égoïste et pesante est d’une presque stérile circularité comme la plainte, alors on se sent le besoin de la partager pour, encore, ne pas se croire annihilé dans l’artifice… que c’est presque toujours. Le souhait même de se raconter, la volonté de se trouver quelque chose à dire, est un agrippement désespéré aux murailles du sens et des réalités, une imploration d’exister qui souvent est à l’origine, dans ces journaux, de toutes les éplorations où l’auteur sait ou devine qu’il se monte et simule une essence, que son effort n’est que justification et mascarade dont il se laisse mal tromper et dont, pour se persuader, il voudrait un peu duper les autres – la nécessité et le goût du journal signalent une faiblesse et un ridicule qu’on ne peut entièrement s’ignorer. On se dégoûte de n’avoir pas mieux à faire, on ratiocine et ressasse, puis on y retourne par désœuvrement et par angoisse de risquer de n’être personne faute de commentaires – parce qu’un commentaire, cela ressemble à une opinion et à l’exercice d’un individu. C’est se cacher que la plupart des mots sont vides et ne procèdent de personne, justement : le bruit n’a pas nécessité de cause, particulièrement le bruit-de-fondLe journal est un acouphène.

Alors, on déforme par degrés la réalité du monde humain, parce qu’il n’existe guère de gens qui agissent avec tous ces motifs alambiqués qu’on leur attribue, et parce qu’on aimerait vraiment qu’ils aient envers nous les intentions timides et dissimulées qu’on leur suppose. Le journal intime est incursion dans le domaine de l’absurde, de l’arbitraire, de l’extrapolation et de la rêvasserie : fantasme et délire. On se complaît à substituer au monde-tel-qu’il-est les significations spagyriques de modalités qui le font tel-qu’il-n’est-pas, qui « l’idéalisent », mais sans les acceptions magnifiantes du terme, juste avec envie et névrose. C’est infécond et c’est inapplicable, mais ça rassure : d’ailleurs, ne se sent-on pas composer ? c’est donc quelque chose comme de l’art ! Presque tout ce qu’on croit attaché à la réalité selon ce registre est une erreur, et je prétends que c’est une erreur soupçonnée et qu’on se cache, de sorte que le journal, à force, donne l’habitude des mystifications : le diariste confirmé est presque obligatoirement hypocrite et menteur – sans parler des susceptibilités et du lunatisme particulièrement utiles à cristalliser des « événements ». Le « pacte autobiographique » est presque un contresens pour un journal : tout y est inventé, c’est-à-dire amplifié de telle sorte que la réalité en sort défigurée, au point qu’un homme qui aurait partagé une journée avec un diariste nierait avoir dit et fait ce que celui-ci a écrit ; et le biographe s’étonne souvent, après son enquête, qu’hormis les données les plus factuelles du journal, la plupart des interprétations de l’auteur se révèlent fausses, et que les intentions et sentiments que celui-ci impute aux personnes qu’il y mentionne, et même parfois les faits rapportés, y furent largement travestis pour ne pas dire tout à fait méconnaissables. Si je ne craignais le paradoxe « plaisant », je dirais qu’en grande part le journal est un roman insu, parce que l’auteur n’a pas conscience en écrivant qu’il est en train d’affabuler tant il « brode ». On croit toujours trop qu’il y a là du vrai, et que le témoignage sert bien à établir le fait, on est innocemment dupé, on ne devrait au juste, en bon philologue de vérité, que s’interroger sur la manière dont le prisme de la subjectivité rend compte du réel, le confirmant ou le modelant : examiner et évaluer les variations de cette adhésion ou de cette altération, et juger l’auteur selon son honnêteté et sa clairvoyance. À quoi bon s’attendrir pour qui, s’émouvant du monde, l’invente à dessein de s’imputer des joies et des peines, et pour s’attribuer des vertus ? Exiger de tout homme qu’on écoute que sa parole ne constitue pas encore un faux-témoignage.

Et même, à force d’être écrite et esthétisée, l’émotion devient factice, et le diariste n’est plus que pose ou que poésie, il s’écoute, se chante, s’élégise ; il se berce d’illusions savamment entretenues, se lamente, s’admire le cœur, se respecte en langueurs artificielles, écoute tous ses moindres soupirs, les prolonge, transfigure ses plus basses et organiques sensations ; il se forme cette complaisance des passions qu’il maniérise et qui finit par atteindre son intégrité, il a pris l’habitude, à vingt heures et quart, d’aller se coucher sur un divan pour se raconter à lui-même ses petits bonheurs et malheurs héroïques, et il devient ce patient-là, du quotidien, dépendant et veule. Il ne se reconnaît bientôt plus s’il est vigoureux et ferme, sa maladie l’a trop innervé, elle s’est installée, et l’on ne peut plus déloger de lui cet autre qui ne se débarrasse pas de sa tendance stylée à se prendre pour contemplation exclusive, à se pâmer, à se tirer de soi du « contenu », la plus petite teneur, jusqu’à en annuler ce trésor fier et mâle : l’Inavoué d’un homme. Cette littérarité imprègne tout l’être bientôt, et bientôt l’être entier n’est plus que ce cahier de formules bien mises, il ne se reconnaît que quand il littérarise sa vie, il n’échappe plus aux conformations de ce style introspectif et auto-justificateur. On se fige : écrire sur soi, c’est se paralyser entre les pages. D’ailleurs, on n’oserait pas changer tout à coup, c’est de moins en moins aisé, on se serait décrit pour rien, on tient à une cohérence ferme, il faudrait se renierPlus on écrit sur soi, plus on s’engage à demeurer, pareil à ceux qui mentent une fois et qui, face aux démentis, ne se trouvent pas d’autre choix que de s’obstiner, et qui finissent par se persuader de leurs propres mensonges et s’enferrent dans l’imaginaire de leurs déclarations antérieures. Pour être « net » et « propre », et pour préserver au moins en soi l’immaculé de la véracité, il faudrait surtout ne pas avoir tenu longtemps un journal. C’est parce qu’au fond, on écrit toujours un journal pour soi en pensant au lecteur ; ainsi, aspire-t-on, en exagérant la vraisemblance qu’on a plutôt bâtie que ressentie, à rester personnage uni. Un journal n’a rien d’intime pour ce qui est de l’image : on ne veut surtout pas « perdre la face », la susceptibilité y joue même davantage que pour tout autre genre parce que c’est son œuvre et c’est soi qu’on juge. Qu’on se juge : on est intransigeant en amour-propre, parce qu’on tient tout particulièrement à ne pas se désaimer ; il faut donc que le journal soit en quelque façon supérieur, puisque ce journal, c’est soi.

Et voici pourquoi pour évoluer, du moins pour évoluer plus vite, il faut toujours brûler les journaux et les photographies qu’on veut garder où s’attachent nos mémoires et nos usages passés. On ne faut, on ne manque toujours qu’en ce qu’on tient à conserver : car alors on ne s’observe déjà plus tel qu’on est, on se recroqueville, on régresse, comme aux nuits de misère passées en position fœtale à se morfondre et à pleurnicher. Regarder devant et avancer, c’est certes tenir compte du passé, mais la mémoire y suffit sans qu’il soit nécessaire, au contraire, d’observer continuellement ce qu’on quitte : on craint trop, autrement, à force de se retourner, de ne pas se retrouver. Tout véritable explorateur de vie est quelqu’un qui ne redoute point de se perdre, de perdre de vue ce qu’il était : il a même la haute intention de s’égarer pour découvrir un autre en lui, celui par qui, pour paraphraser Nietzsche, il peut mieux devenir ce qu’il est.

Le journal est un égarement, une errance, un vestige de soi où l’on traîne en son absence de méthode et de direction : jamais si peu d’investigation franche que dans un journal. On ne « sait pas », à perpétuité – j’avais justement intitulé mon journal : « Je ne sais pas » – et l’on confesse sans cesse à soi cette indécision qui en deviendrait un signe de conformité avec soi-même : on se surprend un jour à savoir une chose, et l’on s’en défie parce qu’alors on suppose qu’on « n’était pas soi-même » – le journal perpétue l’inconstance et le relativisme. Il faut être vague et incertain : comme c’est ce soi qu’on a identifié et emprisonné dans ses cahiers, ne pas en sortir ! Le journal, c’est notamment la peur du risque, parce qu’il y faut minutieusement se répéter ses motifs avant toute action réelle ; souvent, il est alors tard, trop tard, le temps d’agir est passé – n’importe : ce sera l’occasion d’un morceau de regret élégamment littéraire. Ersatz d’existence, sa procuration : le journal. On y rencontre en somme tous les signes de la mauvaise santé morale : course aux symboles, jugements faux et illusions, incontinences et confidences, égocentrisme excessif, ferveur larmoyante à la condamnation ou au pardon, quête des autres et des confirmations, jamais rien d’assuré ou de définitif, procrastination et altérabilité, en tout la pathologie du déréglément chrétien. Notamment, la tendance irrépressible à s’exposer son mal, à se redécoudre les sutures, à se triturer ses chairs solitaires en culpabilité inépuisable. Il faut regretter solitaire et faire des projets d’autres vies, ou c’est ne pas se sentir d’existence : vivre dans un monde irréel de promesses et de signes – c’est presque nécessairement qu’un diariste est chrétien. Jeune, c’est quelqu’un d’à la fois extrêmement quérulent et componctueux. Et l’on ne corrige pas un diariste : il n’existe pas de confesseur pour lire les journaux intimes – sa foi fanatique n’est dévouée à aucun prêtre et n’écoute que l’humeur de son style.

À cause de tout cela, celui qui écrit régulièrement dans un journal et qui, pour partie, vit à dessein ou dans la perspective de s’y consigner, s’enferme dans de la fiction : aveuglements invétérés, malentendus exagérés d’intensité irrationnelle, drames intérieurs et disproportionnés, réconciliations et apaisements univoques, hypersensibilité entretenue, résolutions braves (dont suicide), solennelles et pas tenues, retours d’affects, le tout en un univers de références typique et traditionnel – c’est -à-dire auto-persuasion : il faut alimenter la machine à intrigue, produire des péripéties, multiplier les retournements de situation, construire des révélations neuves ; et pour que cela soit crédible, il faut placer les vérités les plus dures à côté des mensonges les plus nuls, donnant par proximité une force intéressée aux espérances illégitimes et improbables. Il s’agit, en faisant figurer des pertinences et parfois des fulgurances tout près des mirages les plus énormes, de conférer à la fausseté une apparence de conviction où l’auteur peut s’émouvoir de variations et « améliorer » le scénario de son existence – où l’on voit ce qu’il y a de malsain à être écrivain de sa propre vie, je veux dire à ne prétendre qu’interpréter sa propre écriture : la réalité n’a plus le moindre intérêt. On préfère s’interroger et s’expurger ; on surproduit le réel, ce pourrait être sur n’importe quoi, et ce qu’on relate n’est que support et qu’excuse – on en ferait autant d’un film ou d’un jeu vidéo. Le journal se définit ainsi comme unereprésentation, où le « je », infiable, se prend tant pour objet qu’il se trompe et s’illusionne à peu près sur tout, supposant notamment que le « il », c’est-à-dire autrui, se réfère à des processus psychologiques similaires à soi et se fonde sur un mécanisme identique au sien : dans tout journal, le postulat du diariste est environ que le « il » est à l’image du « je ». Le journal, malgré la vanité du sujet – ce soi qui s’écoute si exagérément –, fait considérer autrui comme une complexité pareille à soi : rien n’est plus dans le « ton » du journal que de parler de « semblables » ; or, le premier constat de l’homme supérieur, du moins du véritable individu, c’est que rien n’est plus éloigné de lui que le Contemporain. Voilà une faute d’appréciation fondamentale : estimer par défaut que ce dernier, par exemple, réfléchit vraiment avant d’agir ou de parler. C’est typiquement une erreur de jeunesse ; pour l’être véritablement hautle monde humain, objectivement, n’est pas seulement « en-dessous » : il n’est pas comme soi.

Jean de Tinan le découvrit à ses dépens.

 

***

 

Le journal intime de Tinan, dans l’édition où Jean-Paul Goujon, préfacier et annotateur, est d’une méticulosité exemplaire, tient moins de deux années dans la vie de son auteur, entre janvier 1894 et octobre 1895, c’est-à-dire entre la vingtième et vingt-et-unième année de celui qui mourut peu après, fin 1898, de problèmes cardiaques (le reste de son journal, qu’on croit exister, n’a pas encore été découvert, et c’est fort dommage pour des raisons que j’expliquerai). Il est, durant toute cette période environ, étudiant peu argenté, amoureux transi, doutant de tout, aspirant le plus souvent à la littérature mais aussi y renonçant par intervalles, comme Huguenin plein d’ambition, quand ce travail devient d’une trop grande difficulté – beaucoup de points communs entre les deux, mais c’est peut-être le propre du journal quand il est rédigé par de jeunes adultes se destinant, non sans orgueil mais surtout par grandes résolutions inconstantes, aux gloires et aux pénétrations des Lettres.

Pourvu de toutes les inconséquences d’un diariste sensiblâtre et introspectif symbolisant à outrances, Tinan, forcément amant chevaleresque d’UNE et même de LA – qui a nom Édith – ne peut se retenir de multiplier les fous mirages et les obsessions parodiques, d’exacerber un sérieux romantique qui suscite partout la crainte, d’incarner un rôle tragique dont il n’entrevoit pas l’imposture emphatique qui fait répondre à son entourage aux demandes d’amour : « Non, vous m’effrayez trop » (page 193), et, de façon plus développée et perspicace, aux demandes d’amitié : « Ma loyauté me défend de dire oui, ou non : je ne te connais pas assez, je dirai même que je ne te connais pas du tout. Tu t’es présenté à moi sous des aspects si divers, que je n’ai dans l’esprit aucune idée nette de ce que tu peux être, je ne dirai pas que tu es poseur, car ta pose m’effraie, elle semble tellement te dominer dans tout ce que tu fais, dans tout ce que tu dis. » (page 253) Naturellement, ces rebuffades ne feront qu’asseoir la posture de solitude et d’incompréhension de Tinan, engendreront ses cogitations interminables sur le « malentendu » qu’il a pu provoquer, et même se métamorphoseront vite, en une conscience presque hallucinée et déconnectée de toute considération explicite et extrapolant à la démesure, en « oui » tacites et conditionnels, ce qui devient comique tant ces illusions sont attendues et se constituent en arguments superbement fallacieux qui l’emportent sur la réalité. Car il est évident, sauf pour Tinan, que chacun se méfie de lui pour tout le théâtre de pompe et de paraître qu’il fait de son existence et même de son essence, pour sa faconde tropique et empruntée qui lui ressemble, pour cette inconsistance indésirable où il puisegénéralement ses manières et ses propos. Édith ne lui rend qu’un mélange d’agrément de flirt flatté et de débarras inquiet, qui aurait pu, utilisé dans le sens des légèretés plaisantes, servir sa passion sous réserve qu’il l’eût un peu contenue ; seulement sa « geste » à lui est une fantasmagorie de chevalier incapable de s’apercevoir de son importunité vieux-jeu. Il s’amourache et s’exalte, sans savoir pourquoi, par ambition et pour se disposer à une fonction qui pourrait vanter ce qu’il se sent de dispositions au sacrifice : or, un sacrifice, qu’est-ce que ça vaut quand on n’est rien ? le sacrifice est le premier recours de ceux qui n’ont en eux vraiment rien d’important à sacrifier ; on abandonne aisément ce dont on ne dispose pas. La plupart des femmes le savent : offrir à se sacrifier pour elles est l’indice par lequel elles vérifient que, quoique épris d’elles, l’amant, comme un enfant, ne vaut presque rien.

J’ai connu cela, le ridicule écrasant dont j’étais dupe, inconscient, ces élans d’abnégation et ces tentations de tout perdre, c’est-à-dire mon presque-rien. Je ne relirais pas mon propre journal sans me juger pitoyable comme cela ; c’est pour cela que je l’ai détruit. La manière dont il me figeait et dont j’aurais eu à me mentir pour ne pas me déjuger ni avoir honte de ce que j’étais m’a fait pressentir ce que je risquais à le conserver, comme si autrement il aurait fallu que je garde en moi une part d’un autre moi-même. Il suffit que je me souvienne combien j’étais aussi mignon qu’embarrassant : je n’ai ainsi nullement de prétexte à vouloir encore un peu, en me trouvant forcément quelques qualités au sein de ma pathétique insignifiance, me ressembler.

Tinan ainsi ne cesse d’écrire : « J’aime ! je l’aime ! » ; c’est une litanie inlassable où il s’enferme et se complaît, s’époumone, s’effusionne et se colore l’existence ; on se sent si bon d’aimer ainsi à découvert de soi-même ! Et comme aimer lui fait plaisir ! Comme il aime à se mourir d’aimer ! Il faut nécessairement qu’un tel amour obnubilant soit incapable d’autre chose – serait-ce bien de l’amour, autrement ? –, et Tinan ne fait à peu près rien : quand il travaille ou veut écrire, il est interrompu par l’amour qui le tracasse, quand il se croit assuré d’être aimé, il ne saurait penser qu’à son bonheur d’amour.

Vraiment, je jure que j’ai pour ce brave Jean plus de pitié que de sarcasme, mais que ces envolées d’amour sont impatientantes et mièvres, un accaparement, une glu ! Je ne suis pas, moi, l’amante, je ne suis pas Édith, mais je sens que je préfèrerais carrément, si j’étais elle, un ennemi plutôt qu’un ami comme cela, évaporé toujours d’un ineffable chagrin aux portes de l’extase ! C’est prendre soudain une telle influence sur un tel être : combien ces fardeaux sont formidables et glaçants, quand on se sait jeune et qu’on veut d’abord un peu « en profiter » avec insouciance ! Ne veut-on être amante et rire, avant d’être mère et nourricière !

Enfin : c’est niais ni plus ni moins comme le journal écrit par un romantique entre vingt et vingt-et-un ans.

Et l’on discerne aisément la paralysie dont je parlais, la fixation de soi, le contentement même de son mécontentement : rien ne change, n’évolue, rien ne se décante, la souffrance n’y fait rien, Tinan est bloqué, presque absolument atermoyé, enrayé dans son mode introspectif, dans cette fascination rance et malsaine, et toutes ses hypothèses sur le refus qu’il inspire sont fausses, si fausses ! La vérité c’est qu’il suscite de celle qu’il aime, avec son esprit de serments et d’absoluité, une crainte immense des responsabilités, tandis qu’une plus banale séduction, légère et délicieuse, lui aurait probablement ouvert l’affection badine de bien des femmes, dont Édith. Et même ses victoires, aux heures chanceuses où il réussit, ne l’incitent qu’à publier des représentations terribles où il commande l’engagement de promesses effroyables : bagues de fiançailles, mèche de cheveux, lettres d’ultimatum, réclamations sur des significations qu’il faut expliquer et justifier, tout ceci, encore, inscrit en un rond petit, minuscule, minable de presque aucun acte : ce journal ne relate pas plus de trois événements un peu hardis, car Tinan est d’une circonspection handicapante – quelle torpeur ! C’est aussi, lu au second degré, d’une drôlerie de frustrations orchestrées, amphigouriques, complexées exprès.

Mais progressivement, par sauts infinitésimaux cependant, il comprend, comprend tout, tout ce que j’ai écrit dans ce présent article, combien il fait fausse route, combien il amplifie. Il comprend que tout est de sa faute parce que tout n’est que de sa vision, parce que la réalité n’est qu’une création opportune de son imagination déréglée, parce que rien n’est si véritable à ses yeux que l’espoir qu’il place en les vérités auxquelles il croit, et ces mouvements fugaces de lucidité, souvent extrêmement durs, qualifient justement la naissance d’une identité ébrouée des préjugés du regard fixateur, d’une mentalité et d’un style inédits. C’est surtout en 1895, au terme où cette édition s’arrête, où Tinan s’aperçoit pour de vrai (et enfin non par des repentirs sacrificiels et poseurs, comme jusqu’alors) qu’Édith, qui s’est entre-temps mariée, a plutôt joué avec lui, sans méchanceté, par coquetterie, par féminité de la vie profitable et jouissive, et que les raisons qu’il s’était faites pour expliquer comme elle l’aimait mal n’étaient qu’échafaudages vains et leurrés : elle l’aimait bien, pourquoi aurait-il fallu qu’elle l’aimât de quelque définitive et solennelle manière ? – il était si impatientant de misère enthousiaste… et puis il impliquait quelquefois un peu trop les parents ! C’est aussi simple que cela, mais deux longues années de tergiversations seront nécessaires à aboutir à une conclusion aussi nette ; or, ce sont les visions intercalées dans ses illusions, visions de pleine et éblouissante réalité où sa froideur l’inquiète, d’enseignements extralucides, d’illuminations soudaines objectives et monstrueuses, de prises de consciences ponctuelles en disparité totale avec le bercement tendre des passions courues, qui font l’intérêt supérieur du journal. Dans ses dernières pages, et dans les annexes rapportant des documents ultérieurs de Tinan, on perçoit tout à coup un progrès lumineux en l’acquisition soudaine d’une extraordinaire faculté de détachement lucide qui, après l’oblitération d’amour accaparante et abrutissante, après la déception accablante, après le dégoût des femmes rêvées, relève sa conscience vers une compréhension prometteuse et enfin mature de l’existence.

C’est ainsi d’une certaine manière que, cette fois, j’ai colligé les citations finales de ma critique : en relevant non tout le flot ennuyeux des dilemmes et des mollesses – cette majorité lourde et nulle –, mais en notant peu à peu et dans l’ordre les moments d’éclairs foudroyants au milieu du bain tiédasse et poisseux où son sensibilisme le noie – synthèse stupéfiante de hauteur impitoyablement appliquée à soi-même.

Alors, après la répugnance d’une « tromperie » que Tinan ne peut que s’imputer, il sera tenté, lui comme beaucoup d’autres, tant la femme médiocre, désidéalisée, le déçoit de bassesse et de facilité, par le rêve d’amour proprement pédophile, c’est-à-dire par la relation fraternelle, éthérée, avec une femme asexuée et pure, au corps parfait (c’est un leitmotiv fin-de-siècle) : « Je n’aime plus que les choses qui bercent – les vers aux rythmes changeants, les petites filles aux gestes frêles, les décorations névrosées » (page 264). C’est une clé pour comprendre un peu de cette attirance particulière en idéal : fuir la femme défraîchie d’esprit et de corps, corps qui l’esprit symbolise, et, aux filles accessibles et consommables, préférer la fille. Chez ces auteurs pourtant, et chez tout mâle même romantique sans doute, le désir de la perversité n’est pas loin, et l’on devine déjà comme il serait bon, passé les premiers jours d’amical élixir, que l’enfant se révélât bientôt en propositions surprenantes et… beaucoup moins chastes – femme enfin ! (c’est jusqu’où se prolonge le malentendu.)

En 1895 le prime adolescent, jusqu’alors engoncé de « po-aime » et captif des valeurs établies et de consensus littéraires, s’épanouit enfin en assumant les plaisirs variés dont il boit et analyse goulûment les nectars désinhibés : radieux breuvage à l’origine de Penses-tu réussir ! œuvre si vérace et d’une tonalité si idiosyncratique, qui apparaît, avec ses truculences et ironies, ses audaces et sagesses, comme tout ce qui échappe aux conventions timides d’étudiant écrasé de défenses et de traditions, cette hauteur, cette amoralité qui est une surpénétration du salut, l’au-delà du bien commun et du mal connu, détachement adulte contre le monde essentiellement puéril, et symboliste, et chrétien. On sent poindre l’autonomie et l’individu vantés par Emerson, comme si la pierre dans le rouage s’était évacuée : le grincement est passé, le mécanisme de l’homme peut se déverrouiller et atteindre au déploiement, à la belle libération et aux facultés décomplexées.

Et je crois bien qu’il faut, pour devenir homme, avoir passé une fois par l’humiliation cuisante de ses innocences, s’être broyé la candeur au contact d’une femelle incompréhensible, avoir frotté sa sentimentalité mièvre aux pierres réelles de la désillusion de ce qu’on idolâtrait : sans cette épreuve, on demeure l’écolier inapte à se moquer de ses jouets ingénus, une petitesse, un bienappris, un indigéré de ses livres, et l’on n’a nulle raison de cesser de penser comme les autres : l’art véritable n’appartiendra jamais à ceux qui ont toujours réussi (Victor Hugo fut-il artiste ?). Tout ce qu’on perd, tout ce qui déchire, tout ce qu’on doit soi-même s’arracher d’âme première, c’est ce qui signale et inaugure la possibilité d’évoluer : souffrir pour sortir du livre conformateur et ne pas se perpétuer en Don Quichotte ou en Mme Bovary. En somme, l’acte initiateur de l’artiste, qu’il poursuivra ensuite, c’est, perpétuelle, d’abord et puis toujours (ou bien il cessera d’être pour l’art), la réforme de son préjugé.

 

À suivre : L’année de Jeanne, Ferrand

 

***

 

« Je veux donc, s’il se peut, éviter cette année ces rêveries la plume à la main où j’essayais de mettre un peu de mon cœur sur ces cahiers – il faudrait ne parler d’elle que lorsque je la verrai – quand enfin il y aura quelque chose d’important = éviter l’incontinence de pensées d’amour, cela use inutilement. » 19.01.1894

 

« Et je ne l’aime plus que parce que j’espère – je comprends très bien que sans espoir je n’aimerais plus. […]

Il faudrait cependant en finir, parce que cela m’empêche de travailler – je n’ai pas donné ce dernier mois le tiers du travail qu’il aurait fallu – et cela même n’a pas été sacrifié à un réel développement du moi, puisque pendant ces 2/3 de temps j’ai repensé toujours la même chose.

Oh cela incontestablement manque de variété. » 26.01.94

 

« Je ne suis pas content de moi – ma Culture ne prospère pas – mon Moi s’étiole, et il faudrait lui donner ample et noble pâture d’esprit. Lire Taine, Emerson, Schelling, Kant, tant d’autres que je ne connais pas ou mal –

et ma paresse ne m’en laisse pas le temps – mon Moi s’alanguit dans des sentimentalités stupides, et je le laisse s’abîmer l’estomac avec ces sucreries – ou j’excite avec des paradoxes brutaux – tout cela est mauvais. […]

« Ah comment avez-vous fait.

Je le sais très bien, somme toute – cela est très bien noté – j’ai commencé par avoir pitié de vous – (qui nous guérira de la pitié), puis j’ai voulu vous guérir – puis vous m’avez fichu une déclaration à la tête, et j’ai honteusement pataugé… […]

alors MOI, MOI je ne vaux même pas un regard de cette jeune fille quelconque, MA vie offerte cela n’a pas d’importance – je crois que je souffre dans mon orgueil plus que dans mon cœur (qui peut-être au fond s’en fiche pas mal) – 

mettons si vous voulez que c’est ma fatuité qui est offensée – peu importent les mots. 28.01.94

 

« J’aime en elle quelqu’un que je sais ne pas y être. »

« Très nettement je vois la lutte suivante :

a) un amoureux passionné, sensuel, stupide, pour qui elle seule existe, qui sentimentalise à la Musset, menace de se tuer si elle ne l’aime pas – rêve d’enlèvements dix-huitième et de roucoulades 1830.

b) Moi. Qui a rêvé trouver en elle l’amie, la compagne et l’amante, et qui s’est aperçu qu’il s’était trompé. […]

Ils luttent et le second n’est pas toujours vainqueur, le premier semble anéanti – puis soudain il se relève ---------------- et je souffre – » 30.01.94

 

« Si je rencontrais demain une que je puisse aimer – sans doute E. bien vite serait indifférente absolument, et je m’étonnerais de l’avoir aimée. Je suis l’esclave de mes rêves d’hier ! » 01.03.94

 

« Tout cela ne mène à rien qu’à me donner parfois des scrupules (d’ailleurs stupides) et à gêner l’évolution ample d’autres sentimentalités qui seraient éducatrices. » 09.04.94

 

« Moi aussi – j’ai compris que j’avais avant tout des devoirs envers moi-même. […] J’aime follement, passionnément une qui n’est pas celle qui peut aider à exalter mon moi – et mon égoïsme qui la voudrait, je l’ai sacrifié à mon orgueil, vous ne comprenez pas cela, vous autres, que l’on se refuse un médiocre bonheur parce que l’on vise plus haut. […]

Il y a en moi tant – tant d’amour. J’aime j’aime – mais quel nom prononcer ? » 28.04.94

 

« Ce qui est terrifiant, c’est comme il y a eu peu d’événements (oh les romans !). » 04.05.94

 

« Oh comme de sangloter repose. » 05.05.94

 

« Cet amour que j’ai essayé d’arracher est devenu tellement moi que je mourrais s’il fallait renoncer à tout espoir – » 16.05.94

 

« Lui écrire – je sais bien qu’en réalité ce serait toujours à moi-même que j’écrirais. » 04.07.94

 

« L’amour, c’est plus fort que toi, cela consiste à répéter à son oreiller, qui s’en fiche, son nom, et Je l’aime Je l’aime Je l’aime – on n’attache d’ailleurs à ce mot aucune espèce de sens précis. Cela dure toute la nuit et continue le jour. » 25.07.94

 

« En réalité, ce n’est pas elle que j’aime, c’est l’Image d’elle, celle que j’avais créée, celle que j’aimais – celle-là demeure radieuse, aussi adorable, aussi adorée – elle est seulement devenue irréelle. » 09.08.94

 

« Mais il est bien admis que ma vie qui si récemment encore me semblait être inadmissible sans elle, ne dépend absolument pas de cette réalisation. Maintenant je n’accepterais plus, seulement je demeure lassé, comme alourdi du souvenir de tant de rêves maladifs, et, en y songeant, assez médiocres. Il faut jeter tout ce lest et s’affirmer. […] Je ne regretterais rien si je n’avais pas tant perdu de temps mais j’ai souffert mollement et si la souffrance est bonne ce n’est pas une excuse pour se complaire en une souffrance éternellement identique. […]

Cultive-toi – Orne ton esprit et toi-même – La volupté est bonne et se trouve facilement – Il y a bien des livres que tu n’as pas lus. […] Je vois des livres qui ne sont pas coupés, des traités qu’il faut étudier, des chefs-d’œuvre qu’il faut admirer, des chairs jeunes et fraîches qui réjouiront mes lèvres. » 15.11.94

 

« Et puis il faut prendre l’habitude de penser avec plus de précision. » 21.11.94

 

« (Il me semble que c’est par « habitude » que j’écris et que je conserve – à quoi bon). » 01.12.94

 

« L’Idée s’établit que véritablement ma culture exige pour ces mois d’été un travail précis se traduisant par un résultat. J’ai beaucoup de paresse. » 01.05.95

 

« Qu’on admire nos livres ou non, qu’importe, – il n’y a que nous de compétents, et c’est nous seuls qu’il faut s’efforcer de satisfaire. Les autres sont des traducteurs – dont la traduction dépend bien un peu de nous, – mais tellement d’eux-mêmes et de tant de rapports ! » 19.05.95

 

« Il faut « conquérir par le moyen de la volonté en un travail acharné », l’attestation de sa valeur. » 07.08.95

 

« Que – avant de parler, il faut avoir quelque chose à dire ; avant d’agir, il faut avoir quelque chose à agir. Avant d’aimer, il faut avoir quelque chose à aimer – etc. etc. – C’est pour avoir oublié cela que j’ai souffert. » 19.08.95

 

« J’en suis venu à me dire : Cela serait admirable, cela serait divin, mais à quoi bon y rêver – souffrance et force nerveuse dépensée qui serait mieux employée ailleurs.

Si j’avais été aussi fort du temps d’Édith ! » 16.10.95

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