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Henry War
20 mai 2023

Une cause de la disparité de mes commentaires

On ignore que lorsque je rédige un commentaire sur Facebook, j’émerge souvent à peine d’un texte qui a nécessité de moi un travail éprouvant et qui, au surplus, réclame instamment une reprise. Cette profondeur lourde, grave et solennelle, où je suis encore comme « enterré », explique pourquoi je n’ai pas tant que les autres la mine aérienne d’un homme qui muse : mes réponses conservent la contention disparate d’une activité exténuante où je suis encore englouti, et mon esprit et mon style en sortent très serrés, abstrus certainement à celui qui s’y prête en simple promeneur, et susceptibles de donner à croire à un pédantisme et à un péremptoire. Mais je ne veux pas lutter contre l’éclair qui martèle mon esprit, je le laisse infuser dans mes réponses parce je vaux mieux avec lui : il me transfigure sans une affectation d’inspiration, une tonalité octroyée de prophète, un « romantisme » de facilité. Tandis qu’on croit me cueillir en ordinaire divertissement, je suis conditionné depuis un moment à réfléchir avec pénétration et exactitude, à ne pas laisser échapper une pensée qui ne fût méticuleusement examinée et pesée, et j’ai l’air d’écrire sur le ton des oracles, en un contraste qui fait croire à une sorte de folie ou de démesure.

Je ne me repens pas de ces noblesses, même si je devine à quel ridicule on les associe : il faut comprendre que, quel qu’y soit mon consentement, on interrompt une étude plus intense et absorbante que l’état dans lequel se trouve le badaud. Je délivre mes observations imprégnées de la pesanteur d’une réclusion fastidieuse où je m’efforce à créer, pour moi et pour le monde, de la matière inédite en invagination extrêmement dure et contorsionnée, et c’est pourquoi je donne l’impression d’une espèce d’envoûtement et de densité bizarres parce que je ne suis pas « revenu à moi » au niveau social normal. En cela, qu’on trouve mes articles vraiment sagaces ou doctement superficiels, il suffit de concevoir qu’ils me réclament un mal extraordinaire pour entendre combien mes propos sont ceux d’un homme qui sort d’une souffrance vive et continue et qui ne peut, sans hypocrisie, feindre détente et sympathie : je proviens alors du calvaire, suis tout recouvert encore de la croix, mon esprit ne s’est pas délesté de la responsabilité d’un labeur solitaire immense, et le voilà sur l’agora à devoir répondre à des questions comme l’ermite des montagnes transposé, téléporté d’un coup sur la place du marché. On rit et conspue parfois ma manière, et je n’ai même pas alors le souci des moqueries, le monde m’est encore loin cependant que j’y parle, j’entends à peine les échos d’hommes si légers qui persiflent, je ne communique presque qu’à moi-même en poursuite d’un monologue que j’ai entrepris il y a plusieurs heures ; j’ai conservé ce détachement qu’on assimile aux hallucinés, attentif exclusivement au progrès de la pensée : je ne m’adresse alors qu’à des Réfléchis, qui sont rares, qui font fi de conventions, qui ne s’intéressent pas aux sociabilités, qui, comme moi, mènent sans distraction leur quête de vérité – or, on n’en rencontre guère sur la place du marché, je n’ai pas d’étonnement donc à y être largement calomnié. C’est pourquoi, pour ne pas discuter dans un vide comme l’étranger soliloque en un pays qui ne sait pas sa langue (on y prend alors facilement l’étranger pour un fou), il faut toujours bien soigneusement – choisir à quel marché on désire parler.

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