15 novembre 2019
Une seule vie
Mais d’où tient-on cette idée bizarre, saugrenue, insensée, qu’il y aurait pour chacun plusieurs vies simultanément, et que chacune d’elles devrait être nettement distinguée et séparée des autres ? Vie professionnelle et vie privée, surtout : quoi de plus absurde ? Sait-on une personne au monde qui, retournant à son foyer, cesse, en un éclair ou même à l’issue de quelque transition, tout contact par la pensée avec son travail ? Est-ce seulement souhaitable, une telle discontinuité mentale, une si violente... [Lire la suite]
12 novembre 2019
L'affaire Julie Graziani - ou une victime comme tout le monde
Rarement notre société se sera révélée aussi monstrueusement pauvre d’esprit et si peu capable de raison dépassionnée que dans les commentaires adressés à cette Julie Graziani qui osa s’indigner qu’une mère divorcée et au SMIC se plaigne au Président de la République de sa condition difficile et précaire. Il est pourtant vrai qu’il y a quinze ou vingt ans encore, on se serait étonné qu’une personne sur le chemin d’une telle autorité puisse avoir l’impudeur de lui faire part d’un problème si personnel comme s’il était du devoir du... [Lire la suite]
06 novembre 2019
"Je t'aime" est un acte d'adhésion à l'humanité
Nul n’a l’avantage d’user de son propre langage. Les mots que nous mettons en œuvre appartiennent tous à un code que nous empruntons à divers groupes sociaux, selon notre imprégnation culturelle et les cercles auxquels nous aspirons à appartenir. C’est à peine si nous sélectionnons nos mots en vérité, ils ne nous sont que des outils pour dire efficacement l’ordinaire et le connu ; nous prenons en général les premiers qui viennent à notre répertoire mental, sans y réfléchir davantage. Mais comme nous avons aussi conscience que ces... [Lire la suite]
01 novembre 2019
Supérieur et intelligible
Innover ou transmettre ? la question du langage se pose.
Pour prévenir une objection que l’esprit moderne de conciliation pourrait vouloir encore faire (notre société n’objecte plus que par « fédération de valeurs » : on ne contrarie un auteur ou n’importe quel penseur qu’au nom du collectif, et c’est à peine si, en objectant ainsi, il est besoin pour celui qui objecte de réfléchir) : les deux ne sont guère compatibles dès lors que l’innovation prend pour objet le langage lui-même, comme c’est le cas pour toute... [Lire la suite]
29 octobre 2019
La méchanceté des modernes
Pas sûr que notre société si policée, si soucieuse en apparence de bonnes manières et de conventions, si hautement attentive surtout à lutter contre toutes les formes de douleur et de guerre, soit en vérité bien meilleure qu’autrefois et que toute autre, et comporte des individus beaucoup moins enclins, au fond, à la méchanceté. Cette méchanceté pourtant ne doit pas du tout s’entendre comme un désir délibéré de nuire : il faudrait pour cela le recours d’une sorte d’« éthique du mal » que nos contemporains sont... [Lire la suite]
19 octobre 2019
Consommateurs d'idées
Je crois que notre société républicaine est arrivée à un point inédit où il lui est impossible de traiter efficacement le moindre problème autrement que de façon impersonnelle, faute de connaître les gens qui sont supposés considérer ces problèmes avec engagement et méthode.
Je découvre cela notamment chaque fois que j’ai des « conversations » sur Facebook – et vraiment, à présent j’y répugne. J’y vais pour chercher des individus, et j’y discute sans idées préconçues, l’esprit attentif et curieux, uniquement quand un... [Lire la suite]
18 octobre 2019
Négatif-idéaliste
Je n’aurai peut-être pas de nouveau l’occasion de l’écrire, ni, du reste, le désir de le faire (cette précision m’étant assez superflue), alors soyez attentifs, je vous prie. Voilà : je regrette toujours, à mes écrits, de donner l’impression d’être quelqu’un de négatif. Je réprouve autant le pessimisme que l’optimisme, qui sont deux déformations également coupables de la vérité, deux écarts systématiques et en cela plus ou moins volontaires à la réalité.
Je m’en voudrais de déroger à mes meilleurs principes ; je ne... [Lire la suite]
16 octobre 2019
Cachez ce voile que je ne saurais voir (fait-on dire à nos enfants scolarisés)
Il est singulier comme on considère les croyances dans notre pays. On y admet par exemple toute liberté de culte, mais on oblige les enfants à ne pas manifester leur religion là où le temps de leur vie est le plus long, je veux dire à l’école. J’ai peine à comprendre comment les familles croyantes ne s’en scandalisent pas, elles qui mesurent plus que tout autre la nécessité d’imprégner l’esprit puéril de mysticisme pour que, dans ce terreau aveuglant, la ferveur puisse croître et devenir solide. La chose, de surcroît, tolère des... [Lire la suite]
15 octobre 2019
Je ne comprends rien à la guerre
Je ne comprends rien à la guerre, je l’avoue. Je dois être un homme trop concret. Mon tempérament sans rancune ne m’y aide pas, pas davantage que mon souci constant de tout faire par moi-même ou que ma propension à la philosophie qui me rappelle toujours au dérisoire de la vie à laquelle j’attache, pour ainsi dire, si peu « d’insistance ».
L’idée du crime ne m’est pourtant pas étrangère, ça non : je veux bien tuer celui qui me gêne, qui outrepasse contre moi ce que j’estime mes droits élémentaires – vie, bonheur,... [Lire la suite]
12 octobre 2019
Le pilote sans corps
J’ignore si le souhait d’un poème débarrassé de tout stéréotype peut s’accomplir : c’est qu’il faut à tout esprit des référents et sa « syntaxe » afférente – le langage même est un code qui influe sur la pensée, méthode et direction ; mais je ne crois pas qu’en-dehors de cette espèce de tentative d’en sortir on puisse encore cultiver de la poésie autrement que comme une sorte de vestige canonique, avec ses figures imposées et ses manières de thèmes et de style comme on en lit tant aujourd’hui, si médiocre et si... [Lire la suite]