23 mars 2023
Faire honte à l'auteur
Autant que j’y réfléchisse et presque sans exception, la méthode utilisée par mes détracteurs, aussi bien relativement à des textes scientifiques qu’à des œuvres plus personnelles, a consisté jusqu’à présent, plutôt qu’à raisonner avec ou contre moi sur ce qui pouvait manquer ou être nuancé dans mes propos d’un point de vue rationnel et critique, à essayer de produire en moi le sentiment de la honte : il fallut toujours que je n’eusse pas le droit morald’arguer tel propos, que ce fût mal, qu’il y eût en moi de la... [Lire la suite]
09 mars 2023
Lire trop
Je n’estime pas que celui qui lit vraiment beaucoup – disons plus de quarante livres par an en plus de son métier – soit digne de considération et d’éloge, au contraire : en tout domaine, la boulimie marque une incapacité à élire et une frénésie morbide de consommation ; le goinfre est rarement gourmet. Au-delà de cette quantité environ, la lecture, qui est une activité passive – passive par rapport à l’écriture –, devient monomanie et divertissement ahuri, abrutissement de la vie et oubli du primordial,... [Lire la suite]
05 mars 2023
L'art aux aristocrates
Il tient peut-être spécifiquement au régime de la démocratie de ne pas promouvoir l’art et de valoriser exclusivement la culture. L’art appartient à une élite distinguée ; la culture est la propriété de tous. L’art suppose de reconnaître la supériorité ; la culture se représente un fruit commun sans hiérarchie. L’art, qui réclame un effort particulier et un certain accomplissement personnel, exclut d’emblée les prétentions d’une large portion de peuple à y atteindre, où se situe le domaine de la culture ; d’ailleurs,... [Lire la suite]
26 février 2023
Paralysie de la littérature
Même si l’on considère que les tentatives aussi médiocres et tapageuses que le vers libre, l’écriture automatique ou le Nouveau Roman ont constitué des manifestes littéraires, on doit toujours admettre qu’il fait environ un siècle qu’aucune innovation majeure n’a percé ni même peut-être été proposée dans le domaine des Lettres. La multiplicité effervescente au XIXe siècle des Écoles d’écriture et des poétiques, issus d’une recherche appliquée et d’un travail ardu, n’a abouti en définitive, sous l’effet nivelant de l’édition, qu’à... [Lire la suite]
13 février 2023
Chat GPT, aubaine des éditeurs
Depuis le temps que les éditeurs rêvent de se substituer aux auteurs, à présent qu’ils leur réclament non seulement les genres qu’ils souhaitent mais les éléments d’intrigue qu’ils désirent ainsi que les vocabulaire et niveau de langage afin de plaire à un lectorat extrêmement stylé et fort susceptible en-dehors de ses habitudes, dorénavant que grâce aux lois françaises sur le prix unique du livre ils ne dépendent même plus de pressions des vendeurs tandis que les écrivains demeurent de quelque relative et embarrassante autorité, et... [Lire la suite]
27 janvier 2023
Rapport contemporain à la critique
Le nombre et la variété presque illimités d’œuvres françaises paraissant chaque mois offrent au Contemporain un choix si étendu qu’il paraîtrait difficile s’il n’en était pas satisfait : il a pour ainsi dire tout à disposition, aussi bien sur les thèmes et dans les formes les plus variés, genres, longueurs, opinions, couleurs, au point que ce serait bien étrange et avec mauvaise foi s’il ne finissait pas par trouver ce qui lui convient dans ce panier à peu près infini de publications anciennes et récentes. Il ne lui... [Lire la suite]
16 janvier 2023
Le rôle de la critique sévère
Il faut avoir écrit soi-même pour s’apercevoir qu’on écrit toujours en pensant à la façon dont son texte sera le plus sévèrement critiqué : rédiger un récit, un paragraphe ou une phrase, c’est largement tâcher à prévenir le blâme. Chacun, je pense, a déjà ressenti comme un moindre texte, fût-ce une lettre ou un courriel, nous porte dès la rédaction au jugement du futur lecteur. Or, si un artiste envisage les défauts de son œuvre au moment même où il compose, il le fait toujours en se rapportant à un modèle de... [Lire la suite]
02 janvier 2023
L'immense préjudice du défaut d'éditeur
La révélation suivante m’est venue après avoir considéré la vie de Paul Valéry dont je lis pour la première fois un recueil à l’heure où j’écris :
On sait que cet auteur avait pris l’habitude d’écrire dans un cahier tous les matins, si bien qu’à la fin de sa vie, il en avait rédigé plus de 30 000 pages.
Or, qui peut dire si, au sein de ces cahiers, ne se situent pas des textes de pure révolution intellectuelle, comparables aux théorèmes les plus avancés de physique quantique, qui, dans l’imposante somme de textes,... [Lire la suite]
20 décembre 2022
Importunité de discuter de mes textes
Pourquoi « par principe » aurais-je plaisir à discuter avec mes lecteurs ? La plupart ne savent pas précisément ce dont je traite, à quoi ils n’ont guère réfléchi, et ils prétendraient à un « rapport d’égalité » avec moi ? J’accepte de les recevoir poliment mais je ne veux quand même pas les vanter ou les approuver seulement pour ce qu’ils seraient mes « clients » (d’ailleurs, le plus souvent, ils n’achètent rien et consomment sans gratitude)…
Quant aux autres, ils sont de deux ordres :
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09 décembre 2022
Pas de littérature tant que les éditeurs
C’est devenu pour moi une évidence : tant que les éditeurs existeront, il n’existera pas de littérature. Les éditeurs n’ont jamais œuvré en faveur de la littérature : depuis leur profession hors des éditeurs-libraires, depuis Chateaubriand et Balzac, ils ne sont que les profiteurs odieux que les meilleurs écrivains, et même les plus indulgents, ont abhorrés. Leur système a favorisé le commerce et a abîmé l’art. Il faut vendre : pourquoi sélectionner selon d’autre critère que le goût large des foules ? Ces... [Lire la suite]