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Henry War
17 avril 2024

Pourquoi le couple continue

            Ce n’est pas qu’ils s’aiment – rien n’indique en leur couple une admiration –, mais la paresse leur fait éprouver d’avance une grande fatigue à l’idée de rompre. Il faudrait en effet, pour quitter, l’énergie qui leur fait défaut, et qui n’est guère différente de celle qu’il leur faudrait pour « tromper » : ils se sont acclimatés malgré le peu de respect qu’ils se vouent, ne font déjà plus beaucoup l’amour par économie et prévention, pourquoi s’imposeraient-ils une résolution aussi violente que celle de mettre un terme à un établi ? Mieux vaut se contenter d’inertie : c’est la situation où l’on trouve la plupart des jeunes couples qui n’ont aucune raison patente de rester ensemble mais qui poursuivent faute de savoir pourquoi ils prendraient la peine de se séparer. Ils n’ont pas eu besoin de volonté pour dire oui – cela s’est fait « comme ça » –, partir coûterait davantage parce que c’est une négativité qui peut occasionner un regret ou donner mauvaise conscience. On les voit donc rester, on ignore pourquoi ils tiennent, c’est absurde comme deux objets accolés parce qu’une glu s’est trouvée fortuitement là, leur somme n’est ni meilleure ni pire, il serait seulement dispendieux de les forcer à recouvrer l’indépendance initiale.

L’amour semble avoir pris une direction nouvelle en l’histoire de l’humanité : à présent, c’est surtout l’amour de s’épargner du désagrément et de se rassurer. Et certes, ça ne va jamais trop mal, en ce sens : il est rare qu’un Contemporain porte une individualité assez forte pour importuner beaucoup. Sa présence devient une routine de la fin de laquelle il est facile d’augurer un manque, l’habitude produisant chez tout être veule une accoutumance. C’est ainsi que cela perdure, sans idéal dès le début : ils recherchent peu des attributs de la grandeur, ne prétendent à rien d’extravagant, sont « rangés » avant d’avoir quêté le meilleur placard. Ils ne changeront pas : il leur faudrait vivre cent fois la séparation intérieurement pour ne plus avoir à la craindre c’est-à-dire pour l’assaisonner en routine, cette routine qui leur permet enfin d’agir, et n’ayant aucune imagination, ils ne savent ni visualiser ni se représenter, c’est pourquoi ils ignorent lire. Même quand on voudrait un peu le ou la séduire, on découvrirait un zombie-de-fond, rompu à des usages, inapte au changement, englouti de divertissement, impersonnel et sans charme. Un effroi de stagnation indolente et molle : le couple de Contemporains. Vous voulez savoir quelle secrète motivation, et mystique sans doute, les pousse à aimer encore ? Vous vous trompez dès la formulation : s’ils avaient ne serait-ce que la pensée de s’en aller, ils garderaient l’infatigable paresse des ruptures.

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