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Henry War
30 janvier 2024

Élévation par la guerre intellectuelle

La stimulation des combats rhétoriques, la sorte d’ardeur pugnace que cela procure, et l’excitation d’aller découvrir cette fois encore combien et quels messages d’insulte j’ai reçus ! La fierté du flegme singulier et vérace avec lequel j’accueille le déferlement des injures et grâce auquel je calcule minutieusement l’opportunité ou non d’une réponse, examinant et augurant la nécessité et l’effet ! À la reprise d’un débat sérieux, ce petit réveil des inquiétudes, une angoisse vivifiante, une électricité de rictus, dont le sentiment-boussole du dérisoire indique le juste recul et signale que je ne me perds point à me divertir, cet abord du conflit comme avant un prochain round possiblement dangereux, cette préparation mentale à la constance et au péril, vigilance et habileté, perspicacité aquiline, cette volonté inflexible et délicate de circonscrire la controverse avant d’y poser un diagnostic provisoire et d’y porter un jugement écrit, ce regard d’estimation alternatif, distancié et enfoncé, cette attention portée à ne jamais commettre d’erreur, à ne jamais devoir regretter une pensée ou une formulation, à ne jamais m’enferrer en une approximation stylistique ou mentale, quitte à abdiquer hautement la perfection du tout ! Le soin, extrême et d’une contention jamais bien habituée, à rendre la réplique exacte, fine et compendieuse, à en supprimer l’implicite et la décoration, à la juguler au principal comme une gorge qu’on étouffe, à empêcher ainsi sa reprise déformée, à ne laisser nulle prise à l’ironique contradicteur, inique et grossier ! J’aime cette reviviscence spirituelle, goût renouvelé des victoires, conscience du coup imparable, sensation pour moi évidente d’un interlocuteur acculé ou dépassé que chaque parole supplémentaire humilie en son vice et qu’il suffit alors d’abandonner à son ultime assaut qui est déclaration éclatante d’impotence, d’imposture ou de vilenie, ridicule et vil, trahissant sa déroute ou sa faillite.

Et cependant, dans cette lutte, mesurer toujours mon apprentissage en premier, ne jamais me battre par coutume ou par principe, ne jamais mentir ou me travestir, ne jamais concéder la fausseté ni l’aventurer soi-même, d’une intégrité aussi absolue que je puis la distinguer, d’une puissance qui ne fait aucun doute, et, même dans l’humilité et l’inconnaissance, dans l’aveu de mes limites, rester de la puissance générale que confèrent honnêteté et ouverture des opinions ! Me renouveler, me perfectionner, me ressourcer de ces passions ambiantes au sein desquelles je reste d’une rationalité impassible et claire, apprendre encore et toujours, ne pas me cantonner à un plaisir de rhéteur blasé, ne pas me satisfaire aux écrasements faciles suivant des saillies drôles, ne rien ignorer de mes tendances, ne rien enchaîner par usage ou par adhésion, ne rien écrire par désir de pavane ou par susceptibilité – se laisser même insulter par gain de temps, et ne pas tenir au dernier-mot, admettre la déficience du monde et de ceux qui s’emportent et que la colère révèle en turpitudes, et, après le mot exact, passer ! Faire d’une partie de sa plume une dispute, et ne jamais se refroidir au confort de la paix !

Il faudrait toujours, chaque jour de sa vie, entretenir une querelle juste : cela relativise toutes les batailles de l’existence de sorte que, par exemple, quand un collègue ressort harassé d’une moindre anicroche qui lui est rare et bouleversante, pouvoir secrètement se gausser d’en avoir comme cela tant par jour ou par semaine, et même une prête à retrouver le soir même, et garder ainsi toujours le corps et l’esprit préparés aux guerres d’intensité mille fois supérieure, au nom suprême de la vérité !

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