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Henry War
18 février 2022

Les bien pensants charognards de nos tribunaux

Je me demande encore quelle faille juridique, née de notre satanée modernité et de la stupide indulgence du siècle, a permis que des « personnes morales » vampirisent nos procès et encombrent nos juridictions comme elles le font depuis des décennies, mais je ne m’interroge pas au point de vouloir perdre mon temps à y aller vérifier. Ce sont des entités qui n’ont rien à voir avec le préjudice dont elles se plaignent et qui réclament qu’on les indemnise comme si elles en étaient atteintes, comme si elles avaient tangiblement subi un dommage, comme s’il y avait quelque chose de plus qu’idéal et métaphorique, dont elles eussent pâti. Elles s’immiscent dans les affaires judiciaires partout où il y a de l’argent à récupérer, prennent place du côté de la victime présumée qui est bien le côté le plus facile à tenir à notre époque attentive surtout à la compassion et à la dénonciation des maux même les plus symboliques et imaginaires, et elles prétendront à leur part d’indemnité si le juge reconnaît une culpabilité, elles en tireront quelque avantage financier à défaut d’avoir enduré un litige ou un préjudice – ne faut-il pas après tout payer pour les réquisitoires de leurs avocats ? À peu de détails près, vous pourriez, vous aussi, vous insinuer dans des tribunaux ainsi qu’eux comme caution morale, comme référent éthique, comme allégorie de la cause « en général », parce que vous affirmeriez avoir étudié, mais avec beaucoup de partialité à la façon d’un syndicat et avec extrapolations subjectives, la question théorique dont il s’agit et qui peut être d’une ampleur dépassant de loin vos connaissances et votre implication – seulement, vous êtes mobilisé contre, cela est suffisant. On les consulte, on les écoute, on leur prête une attention selon l’ordre de je ne sais quel protocole complaisant qui leur permet d’être les premières à parler avant même les personnes véritablement concernées, plaignants et accusés, parce qu’elles se mêlent aux parties civiles au point de s’y confondre en termes de statut : leurs ratiocinations durent souvent des heures comme tous ceux qui n’ont que le langage pour justifier leur assiduité importune, et parfois elles sont si nombreuses à produire l’une après l’autre leurs considérations moralisantes et sans apport significatif, cette bonasserie à la fois sentimentale et féroce très propre à notre contemporanéité, qu’il faut des jours avant qu’on demande à l’accusé, qui attend là inutilement sur sa chaise sans recevoir de questions, si son identité correspond bien aux pièces du dossier. C’est à cause d’elles qu’on atermoie et qu’on ne vient pas aux faits, qu’on se pâme en nombre dans des salles mal ventilées, que les archives regorgent de monceaux et de strates de documents vains qu’il faut dispendieusement référencer, rapports de synthèse douteux, de statistiques louches, des plaidoiries innombrables, etc. Elles ne font que présenter circonstances et généralités, établissent quantité de métaphores balourdes et d’impitoyables pitiés, prolongent et exacerbent toute la pantomime historiquement détestable de l’outrage affecté à grands renforts de postures et de figures enflées, toutes manières et poses qui sont le contraire d’un pragmatisme et qui, au lieu d’aider à savoir quand, où et surtout si le délit ou le crime a eu lieu et par qui, se contentent d’indiquer en interminables péroraisons de vieux exemples inactuels, maintes considérations abstraites, des amplifications théâtrales, des représentations faites pour frapper l’esprit des jurés et des juges au lieu de les rappeler au strict jugement de vérité qu’on attend d’eux lorsque la justice vraiment impartiale et digne s’intéresse aux faits bruts et non aux passions outrées. Leurs plaidoiries sont bêtes comme la mentalité où elles se situent, car elles se placent toujours du côté des mœurs confondus avec la morale soi-disant transcendante mais qui ne valent qu’en pis-aller comme système plus ou moins arbitraire et comme mesures de normalité. Elles défendent les torts, mais les torts en général, les torts en idée, les torts comme pures souffrances, les torts qu’elles ignorent en particulier puisqu’elles ne s’intéressent guère à l’instruction, raison aussi pourquoi on les évacue en premier : elles ne sont pas expertes ou bien expertes uniquement en l’art de répéter d’émouvantes fadaises, mais elles constituent l’équivalent des censeurs ou des pleureuses de toutes époques. Elles ne sont pas le Parquet dont le rôle sérieux est de défendre des plaignants au nom de la communauté, et elles ne sont pas des témoins dans la situation exacte des violences subies ou prétendument subies. Elles parlent mais sans rien savoir, elles ne servent à rien si ce n’est déblatérer leur répertoire toujours identique d’un procès à l’autre comme des automates stylés. Elles prennent des mines offusquées, agitent des menaces terribles sur la société entière, enverraient d’autorité et d’une cruelle mine l’accusé au bagne pour des peccadilles, l’accusé dont elles ignorent tout, l’accusé dont elles ne veulent rien connaître, l’accuse présumé par elles coupable, l’accusé par principe. Par exemple, un homme qui aurait mal tourné sa langue avant de prononcer un mot interdit est assiégé par dix d’entre elles qui, souvent non sans moyens considérables et disproportionnés à l’infraction et à l’accusé lui-même, prennent position contre lui, le chargent insolemment et l’accusent sans encourir le moindre risque, et quand au terme du procès le juge serait clément et ne condamnerait le maladroit qu’à mille euros symboliques de dommages et intérêt, ces mille seraient encore à multiplier par dix, et l’imprudent en serait pour des frais illégitimes et ruineux. C’est une intolérable idiotie que l’État et la victime réelle dans ces affaires ne soient pas seuls qu’il faille dédommager, et, décidément, j’ignore comment notre Droit le permet, parce que je ne veux même pas vérifier combien ce domaine est lui-aussi occupé des mêmes incompétents qu’on constate partout ailleurs, comme ceux qui votent les lois ineptes qu’on y applique et ces autres qui administrent si mal nos institutions, citoyens compris.

Ces furies perpétuellement outragées de la morale populaire, qui s’introduisent dans des procès où elles ne sont de rien, on les appelle, bien sûr : « Associations ». Elles constituent un préjudice énorme contre toutes sortes de droits et premièrement celui des justiciables à régler leurs problèmes entre eux par l’intermédiaire d’une cour de justice, au lieu d’admettre que des étrangers gesticulent et réclament comme partie civile pour que leur théâtre hyperbolique et opportuniste soit obligeamment pris en considération. C’est à cause d’elles que les verdicts les plus justes et les mieux fondés deviennent inéquitables et répugnants parce qu’ils s’appliquent en faveur de gens qui n’ont rien eu à souffrir en ce cas précis. Quelque association d’une vénale ouverture et cependant légale, quand j’y pense, prendrait le nom opportuniste de « Association des Victimes d’Illégalités » de façon à avoir ses entrées partout et à assumer l’outrage judiciaire de n’importe qui comme si c’était le sien. Mais une association de bien plus grand intérêt public serait « l’Association contre les Associations-Partie-Civile » : elle rendrait de fiers services à la société en se portant caution morale contre tous les abusés de cette multiplicité de désœuvrés absurdes qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas ; mais c’est à voir si, sitôt sa création et la constitution de ses statuts, elle n’aurait pas, par cohérence interne, immédiatement tendance à proposer sa dissolution.

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Commentaires
A
Ah! les associations qui forment la "société civile" parée des mêmes vertus que les ONG outre que tel est faux nom et tel est faux nez disséminent leurs vénéneuses combinaisons comme autant de farouches témoins obstinés à entrainer tout ce qu'ils agrippent dans la fascination éblouie pour l'entropie, ce consentement à la chute. La victoire de la ruse sur la science, des orgueils froissés sur les dignités rebelles. Au fond se jouent (joutent, jouxtent ?) l'adhésion à la valorisation, le recours aux valeurs, la menace d'évaluation, la sanction d'un chiffre, un QI, une amende, les mensurations implacables qui autorisent à rester là, bien entouré dans le parc à thèmes irréfutables et ça, exceptionnellement non négociable. Moins de duellistes, moins de philosophie et en proportion de dilution moins de vertus dans plus de virtualité. Il faut réinventer la dégauchisseuse à "mon bon droit".
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