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Henry War
4 mars 2024

Quand l'IVG végète

            Quand un gouvernement est incapable d’améliorer la réalité, il met toute son énergie à réaliser des symboles. Cela lui permet de passer pour fort, parce qu’ainsi il inscrit dans la durée des phénomènes qui n’ont aucune importance concrète mais dont il peut se prévaloir pour sa réputation : « Sous mon règne, on a fait un geste, et qui reste inscrit dans les tables de la Loi ». Aussi, comme en général l’inoffensif fait consensus, on trouve une unanimité pour l’accepter, ce qui donne une illusion d’union nationale sous l’égide d’une puissance irréfragable. C’est la grande force de la complaisance de mettre tout le monde d’accord, comme si je vous déclarais solennellement le droit à vous laver ou à manger. (Au même titre, personne ne s’oppose à la parution d’un livre de Marc Lévy ou à une interview d’Augustin Trapenard : c’est trop bénin.) Si l’État décide d’inscrire le Droit à l’Hygiène ou à l’Alimentation dans la Constitution, chacun approuvera, parce que, bien que ça n’ait pas la moindre conséquence, ce semble une avancée-des-siècles et ça flatte. Panthéoniser est du même ordre : n’importe quel Sorti-de-haute-École sait bien que c’est une façon de redorer un gouvernement qui n’a rien eu de véritable à proposer, aucune réussite tangible à offrir, nulle solution patente et effective dont se targuer. C’est facile et ça donne l’impression d’une préoccupation sérieuse. On devient « responsable », alors on en profite pour faire des discours pompeux et valorisants. C’est un jeu de dupe, une mascarade, de la communication. On se met à la place d’un homme politique digne et affairé. On s’y croirait !

La loi Simone Veil de 1975 permettait aux femmes d’interrompre une grossesse jusqu’à la quatorzième semaine. Aujourd’hui, l’article 34 de la Constitution voit ajouter un alinéa qui stipule : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de la grossesse. » L’expression est merveilleuse : c’est qu’on voulait que la loi ne suffît pas, et l’on tenait à graver dans le marbre constitutionnel l’indéfectible essence du Droit à l’avortement ; or, tout ce qu’on y a ajouté, c’est qu’il faut… se référer à la loi, qu’on peut toujours changer cependant ! Il est vrai qu’on indique la garantie de cette liberté, mais comme on ne précise pas que cette liberté est inconditionnelle, comme on ne rappelle pas les conditions de son application, on peut toujours modifier la loi et empêcher dès demain que ce droit s’applique par exemple à d’autres femmes que des femmes violées, ou seulement avant quatre semaines de grossesse… ou même n’autoriser à l’avortement que les femmes qui ont un pénis !

Tout ce tintamarre solennel pour ça ! Et tant de députés fiers d’arborer cet insigne à la fatuité de leur insignifiance ! Il faut être bien rompu à l’inutilité pour s’enorgueillir d’un pareil appendice ; pitoyable République ! C’est où, à ce qu’il me semble, on trouve même des orgueils honteux

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Commentaires
P
Entièrement d'accord. Sans compter que la Constitution elle-même, loin d'être une loi fondamentale coutumière, ou sacrée, n'est qu'une "barrière de papier", pour reprendre une vieille expression de juriste. Elle est révisable à tout moment, on la déchire quand elle cesse d'être efficace. Peut-être est-ce justement parce qu'elle n'est qu'un ramassis d'orgueils honteux, une poubelle à gages des réputations pitoyables, qu'on la respecte si peu ?
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