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Henry War
24 janvier 2020

Pause de la fiction

Il y a longtemps déjà que je n’écris plus de fiction, bien que j’écrive tout le temps que la vie m’en laisse des articles sur la littérature et sur la réalité du monde contemporain. Le roman vaut pourtant quelque chose, et j’ai toujours de côté mon ArkOne inachevé que je reprendrai tôt ou tard, mais mon souhait premier, que j’éprouve impératif et urgent, d’étendre ma compréhension de notre société et de clarifier mes pensées me détourne de l’art imaginaire. Je devine pourtant combien j’ai tort, ou plus exactement combien j’aurais tort si mon but était de réaliser un bon « lançage » et une audience large, car les lecteurs aiment beaucoup s’abandonner à un univers inédit et se désintéressent d’examiner scientifiquement le leur. Cependant, il est vrai que ce même public, au moyen de certaines représentations édifiantes qu’un auteur artificieux insérerait dans un récit, trouverait assurément le chemin d’une pensée approfondie sur ce qu’il est et représente dans la société où il vit ; je ne l’ignore pas, ni comme maintes fictions ont su conquérir la foule en établissant d’astucieuses analogies entre la réalité du monde et le fantasme du livre.

Je sais cela. Il me vient parfois des regrets de ne pas m’appliquer à la poursuite d’ArkOne ou d’autre chose de plus populaire, mais ces regrets sont toujours de courte durée, parce que l’incitation de mon propre progrès est plus impulsive que le désir de bâtir de l’art, et bientôt me revient cette pensée que je me fiche de plaire et cherche avant toute chose à me développer moi-même – c’est cet égoïsme qui me tient attaché aux réflexions et à sa forme canonique d’article.

Mais il ne faudrait pas croire que l’article est un exercice plus simple que le roman et que c’est pour cette raison que je m’y consacre en priorité : j’ai assez expérimenté les deux pour mesurer les peines qu’ils exigent, j’ai écrit de la fiction quelque sept heures par jour pendant des mois, et l’article que je réalise à présent tous les trois jours me réclame des douleurs qu’on ne saurait, je crois, imaginer. J’ai poussé aussi loin que j’ai pu ma science de la beauté littéraire dans La Fortune des Norsmith, et je ne renie pas mes souffrances dont je me souviens encore avec fébrilité – un seul paragraphe, certes rarement mais c’est arrivé comme pour la description du château de Montrésor (on ne croirait pas, je pense, à relire ce passage net mais plutôt simple, la torture que ce me fut d’agencer ces mots d’architecture, au point, je l’assure, de m’être frappé le visage à dessein de réveiller mon cerveau de sa torpeur !) – pouvait m’imposer quatre heures de travail désespérant, et pourtant je trouve qu’en comparaison la fiction est un art en quelque sorte moins exigeant de profondeur que la philosophie :

La difficulté du récit réside principalement dans le déploiement soigneux d’impressions imaginaires de l’écrivain. Tout l’effort est dirigé à la fois vers l’exactitude de la représentation et vers l’effet à produire : ce que je me figure en esprit est-il conformément retranscrit ? Cette transcription, au surplus d’être fidèle, transmet-elle efficacement le sentiment que je souhaite ? Ceci dit, personne, et pas même un psychologue de talent, ne sait au juste quelle imagination l’écrivain se forme au préalable, de sorte que, évidemment, nul ne peut vérifier la rigueur de l’adéquation de la pensée aux mots : il y a peut-être déformation, et même une transformation complète faute d’avoir su exprimer une idée trop subtile, un abandon, une défaite au fond, mais c’est difficilement que le lecteur s’en rendra compte, n'ayant pas accès au modèle mental. Quant à l’effet, qui n’est, comme je ne cesse de le dire, pas du tout subjectif mais bien le fruit de procédés très précis, si un philologue ou un critique sérieux est capable d’en mesurer la réussite, il ignore toujours, pour les mêmes raisons, si son succès n’est pas imputable en partie à quelque hasard qui, au moment de la composition, et par exemple à force d’insistances et de digressions, fait trouver à l’auteur une tournure et figure imprévues qu’il valide malgré l’image originelle qu’il en avait et qu’elles modifient, se satisfaisant d’une représentation qui, quoique peu fidèle, lui semble plus éloquente ou émouvante. Cela arrive couramment, quand on écrit de la fiction, de se laisser entraîner par des expressions et des rendus relativement hasardeux : je ne veux pas dire que c’est une façon de « triche », il se trouve même là une essence du récit faute de quoi ce serait un incommensurable ennui pour l’auteur de se contenter de « recopier » sa pensée, mais on verra que ce dépassement constitue malgré tout une facilité par rapport à la rédaction d’un article de réflexion véritable et pure.

Quand un écrivain, par exemple, compose une nouvelle, l’essentiel de ce qu’il trouve, de ce que la rédaction lui permet de découvrir et de comprendre de nouveau et qu’il ignorait jusqu’alors, réside en la façon d’entraînement d’une représentation : une expression inattendue lui vient à force d’efforts pour décrire ou raconter avec la singularité qu’il désire, et cette tentative provoque presque entièrement par hasard la création d’une réalité enfin mise en mots et qui, parfois, l’étonne lui-même. De telles découvertes, issues de la tension esthétique du créateur, constituent certes des fonds fertiles pour la réflexion, mais ils n’en sont pas des développements volontaires, ils ne réclament pas, comme dans un article philosophique où l’on tâche à instruire un embryon d’idée, une contention rationnelle de même nature et visant toute entière à ce but. En somme, ce qu’il y a de presque chanceux dans la trouvaille d’un concept induit par la pure recherche artistique, ne se rencontre pas dans un travail réflexif uniquement à force de retourner une idée qu’on veut rendre belle, mais en exigeant de soi-même une vérité qui soit à la fois la plus absolument irréfutable possible et la plus indéniablement neuve.

Or, c’est bien là que je veux en venir : le lecteur d’articles de philosophie, lui, a le moyen de remonter à la source et de vérifier la « réalité » de l’écrit, et c’est que cette réalité alors ne se situe pas seulement dans la conformité du texte et de la pensée de l’auteur, mais bien dans celle du texte et de la vérité qu’il peut constater en lui-même et autour de lui. On ne peut contredire vraiment une imagination que sur le plan de la beauté et de la vraisemblance, et peut-être que tel romancier est en fait incapable de transposer scrupuleusement une image en lui à laquelle, par exemple, il ajoute continuellement des accessoires pour impressionner et pour plaire, mais un argument fallacieux, lui, se réfute par la logique, et bien des philosophes – je parle de ces philosophes utiles et braves qui osent s’aventurer dans la sphère du concret et donc du vérifiable (c’est pourquoi j’exclus de ce champ la philosophie uniquement conceptuelle et spéculative que rien ne peut jamais confirmer ni démentir, discipline absurde) – se sont effondrés entièrement au contact d’un indémontré spécieux, tout leur essai ne valant plus rien après cela, et je pense notamment aux spectaculaires Méditations métaphysiques de Descartes qui, passé la preuve insuffisante de l’existence de Dieu, ne suscite plus qu’une attention de pure forme, exactement au même titre, d’ailleurs, qu’une invraisemblance d’intrigue, dans un roman, peut suffire, si elle est forte et rédhibitoire, à anéantir dès lors l’intérêt du lecteur.

Le critère d’« étrange vérité » – cet apparent oxymore servant pour désigner le sentiment que produit la découverte soudaine d’une réalité flagrante qu’on n’avait pourtant jamais conçue – qui constitue en matière de réflexion une exigence très serrée et pénible parce qu’il faut sans cesse reconsidérer la moindre proposition, je veux dire, en pratique, chaque phrase, avec le plus extrême scepticisme, le soin le plus méticuleux dans la recherche d’une formulation sans aucune exception, avec toutes les sortes de recul possible permettant de s’assimiler à la plus grande diversité de points de vue imaginables de manière à être toujours, quel que soit le paradigme ou au moins relativement au paradigme choisi, incontestable, n’existe pas pareillement dans la fiction où l’on ne tâche que rarement d’avoir raison ou de représenter strictement une réalité. Dans un récit, on tâche même plutôt à l’effort contraire quand l’image semble trop étrange pour être accessible, c’est-à-dire que l’écrivain tend plutôt à rendre une situation vraisemblable qu’à pousser un développement quoique vrai jusqu’aux confins de l’impensable. Mais j’admets que les deux se complètent, et qu’il faudrait : 1° à un philosophe le support fictionnel d’une grande variété de scènes, de portraits et de situations de nature à donner une impulsion à une intuition réelle qu’il pourrait ensuite développer ; 2° à un romancier le soutien d’un sérieux appareil intellectuel de façon à donner à ses inventions une impression confondante de réalité qui, je le déplore, ne se révèle plus que rarement dans la littérature d’aujourd’hui.

Je dirais, en somme et pour simplifier – mais je redoute les exagérations, d’autant que je n’admets la formule suivante que comme improvisation et conjecture – que l’acte de fiction est davantage une extension, et que celui de réflexion serait plutôt une réduction ; et voici ce que je veux exprimer par là :

J’invente une image que je veux rendre en mots : si j’ai quelque besoin de la préciser, c’est surtout d’en faire de l’art qui m’importe, et cette orientation modifie peu la représentation que j’en ai ; pour l’essentiel, je vais donc étendre cette figure, en compléter les contours et la couleur, lui donner un aspect présentable et unique ; en somme j’use de la palette technique dont je dispose pour « allonger » cette vision et la faire pittoresque ou truculente.

 Mais je sens une idée que je veux transmettre : s’il me faut bien entendu quelque bagage langagier pour en communiquer justement la forme, c’est principalement d’en vérifier le vrai qui m’oblige, et cette nécessité induit que cette idée soit sans cesse balancée, approfondie et modifiée au point souvent de ne trouver plus guère de ressemblance avec ce qu’elle était au commencement ; en somme, je vais longtemps refabriquer ce motif, y puiser jusqu’à l’atome même, lui conférer une réalité incontestable et révolutionnaire, le redéfinir ; en définitive, je vais chercher par-dessus tout à me servir de mes facultés d’examen pour « circonscrire » cette intuition et la faire réalité s’il y a lieu.

Ainsi, la plupart de la chose préexiste en art dans l’artiste lui-même ; en philosophie, la chose qu’on croit au préalable un sujet de discussion peut fort bien disparaître et se dissoudre au cours de l’analyse parce qu’il importe qu’elle soit extérieure au penseur. C’est pourquoi je crois que l’écrivain de fiction a toujours l’assurance de quelque chose à peindre, il sait qu’il n’arrivera jamais à toucher la limite des représentations qu’il peut faire parce que l’unique et le beau d’une vision, même d’une vision banale, est toujours accessible par l’effort, fût-ce par un violent effort ; tandis que l’écrivain de réflexion craint toujours d’atteindre le bout de ce qu’il peut découvrir, et il désespère de voir venir le jour où il n’aura plus d’intuitions nouvelles et où il sera obligé d’étendre des idées banales, parce qu’en ce domaine où tout est idée, l’article qu’il fera, même beau, ne sera rien qu’un épanchement et ne produira pas l’édification désirée : rien de plus minable en effet qu’un traité de réflexion qui n’enseigne rien, tandis qu’à bien y réfléchir, la littérature n’est qu’une perpétuelle resucée de certains thèmes qui ne valent que par la façon singulière dont ils ont été exprimés.

Mes articles, comme ici, me forcent à gagner, dans la douleur du travail, les cœurs des choses et des gens, et certains même m’apparaissent à leur lumière, au moment progressif de leur réalisation, que je n’avais jamais imaginés ; l’art ne fait que m’obliger à user de techniques narratives et stylistiques les plus efficaces possibles. Mes articles bouleversent ma propre façon de percevoir le monde, tandis qu’en général, quand j’écris de la fiction, je ne fais qu’appliquer cette perception à l’univers que je représente et ne me sens flatté que d’avoir si bien raconté ou décrit une chose dont je n’ignorais nullement la préexistence – rarement mes récits m’ont-ils permis d’accéder à des idées inédites, tout au mieux ils les affermissent, voire en indiquent la voie (c’est pourtant arrivé quelquefois). Il se trouve là le fondement de l’éternelle dichotomie du fond et de la forme. J’admets que, pour moi, la fiction n’est à peu près qu’un exercice formel de la plus extrême rigueur, tandis que la réflexion m’est une épreuve de fond et un criterium individuel : tous mes récits que j’aime pour leur conception me furent au préalable une épreuve de conception, une pointilleuse étude initiale, avec agencement ordonné et logique par chapitres ou par scène, et leur écriture ne fut ensuite qu’un déroulement fort méthodique et soigné mais respectant à très peu près le schéma préliminaire. Cette conception est peut-être due à mon goût prédominant et fondamental pour « l’idée » d’un livre que je ne trouve que rarement associée à un style puissant : j’admire infiniment Gustave Flaubert pour cette application artiste qui le rend meilleur que quiconque à la peinture écrite d’une imagination, mais j’admets que Madame Bovary ne bouleverse à peu près personne et que j’ai été davantage ému par certaines nouvelles de Stephen King, écrivain pourtant d’assez peu de moyens stylistiques et littéraires.

On trouvera peut-être cette assertion contradictoire avec ce que j’ai dit par ailleurs, que l’intrigue ne m’est presque de rien dans un livre, mais mes contentements hyperboliques furent motivés par l’égale rareté et du style et du concept en littérature ; on peut du moins estimer un auteur, faute de pensée originale et surprenante, pour la qualité de sa manière, et c’est à quoi on reconnaît de prime abord la valeur artistique d’un livre qu’on feuillette, mais c’est un pis-aller sans doute que l’acceptation d’un ouvrage superbe et qui ne parle de rien ou de banalités, et on ne voit pas au juste pourquoi les deux, forme et fond, ne pourraient se trouver réunis en un même ouvrage. Seulement, le fond est de tous temps ce qui manque le plus à l’homme, et l’on s’y résout par suite de déceptions et faute d’espérer de quoi être surpris ; on a tant coutume de se concentrer sur toute autre chose que l’idée qu’on en vient systématiquement à examiner une technique sans s’interroger si cette technique ne sert en tout et pour tout qu’à colorer des fantasmes mesquins ou déjà ressassés. Les auteurs « fin-de-siècle » par exemple, que je respecte énormément pour les confins de la forme auxquels ils ont atteint, il est vrai n’ont pas su généralement raconter grand-chose qu’une sorte d’« humeur » – mais aussi il faut bien reconnaître que ceux qui, toutes époques confondues, ont traduit des réalités inédites et troublantes sont de véritables raretés.

Le génie mêle indéniablement les deux caractéristiques d’une œuvre parfaite : fond et forme, idée et style, mais comme on rencontre plus d’auteurs avec du style qu’avec des intrigues innovantes et valables, on doit supposer que l’idée est ce qui se découvre au créateur avec le moins de facilité – je le vérifie en ce que je puis personnellement écrire sur n’importe quel sujet qu’on voudra, et, avec application, d’une façon fort belle, mais je ne suis pas certain de pouvoir fabriquer aussi aisément des histoires d’une qualité bouleversante. Or, j’ai toujours plus de goût au difficile et à ce qui m’instruit qu’aux délicatesses de la beauté et des émotions, voilà pourquoi je me suis spécialisé provisoirement dans l’essai. J’éprouve le désir irrésistible, pressant comme un devoir, de fixer par écrit ce qui ne consiste encore qu’en des évanescences d’idées, et je sens alors que je dois les concrétiser enfin ou les rejeter pour toujours, que sans cet acte performatif, ainsi que des enfants éternellement réduits à l’état de fœtus et jamais nés, ces idées peut-être fécondes seraient perdues au monde, et je me crois, un long moment qui m’exaspère sans trêve, une nature à enfanter (de telles créatures). Et qui sait ce qu’elles valent, ces idées, tant que je ne les ai pas examinées ? or, pour les examiner, je ne connais rien de mieux que de les écrire.

Mais le contemporain, je sais bien, accorde davantage d’intérêt à la fiction – je mets bien sûr à part toutes ces fioritures insipides de « développement personnel », certes beaucoup vendues mais qui ne créent en vérité presque rien de neuf et dont le lecteur n’aspire jamais à s’approprier l’inconnu – et c’est parce qu’il trouve plus de plaisir facile aux « histoires » dont il lui faut des intrigues accessibles, un style courant et des idées point trop subtiles, et que, dans son admission d’un livre comme objet de divertissement, il ne peut concevoir qu’un ouvrage de philosophie s’inscrive dans une volonté de modifier les représentations et ambitionne et serve à révolutionner sa personne : le livre à présent n’a plus qu’un rapport des plus superficiels avec la mentalité du lecteur, c’est tout au plus un objet d’évasion ou de confirmation. Même, qu’on songe que quand un écrivain envisagerait d’utiliser la fiction au service de ses réflexions, il ne ferait œuvre au mieux que d’un biais médiocre et d’un stratagème captieux pour véhiculer de façon surtout sentimentale et ludique le sérieux actuel et pragmatique de ses profondeurs. Je veux dire que ce serait déjà insulter son public et mésestimer son intelligence que de le supposer impropre à entendre par voie directe ce qu’il a à représenter, notamment en ce que la façon la plus efficace et sincère de transmettre une idée est évidemment de ne pas la travestir en fiction. Il n’est rien de bien rationnel qui ne puisse se faire entendre d’une intelligence normale sans le recours à des paraboles de 300 ou 400 pages : cette dilution d’une réflexion dans une intrigue est toujours pour l’auteur à la fois une perte de temps et une variété de condescendance, parce que l’auteur se figure alors que, pour être compris, il est nécessaire d’avoir recours à un langage impropre ou détourné – et l’explication d’Huxley par exemple de son Meilleur des mondes, bien plus complète et dense que celle que nous fournit la fiction, compte 150 pages admettant un lecteur concentré et capable, quand le récit bien moins exigeant ni éloquent en dénombre plus de 300 : la réflexion, ici, est le chemin droit et exact ; l’allégorie en fiction n’est qu’une vulgarisation pour esprits distraits et défaillants, et l’auteur ne l’ignore pas, puisqu’il a choisi cette méthode inférieure ; il sait donc qui est le lecteur qu’il vise ainsi.

Pourtant, je crois que je reviendrai au roman, quand au moins temporairement je ne me sentirai plus de réflexion à découvrir, quand ma pensée purgée de nouveautés ne trouvera plus d’amorces d’intérêt à explorer ; j’écrirai de la fiction qui est, d’une façon sûre, de la philosophie appliquée à l’imagination. J’ai d’ailleurs toujours, comme ma poésie le prouve, le désir renouvelé d’essayer de fabriquer du beau, entreprise où s’exalte en moi un penchant studieux à la juste contemplation et où se renouvelle mon souhait de vérifier ma capacité à l’art.

Je voudrais surtout, après avoir lu cet article, qu’on ne jugeât pas secondaires mes essais, au contraire : ils constituent la substance la plus directe, l’apport le plus important que je puisse faire au monde réel, aux antipodes de ces figurations distrayantes qui généralement ne servent plus qu’à l’oublier ou le fuir, pour autant qu’une partie des hommes soit encore capable d’écouter des pensées neuves et de réfléchir sans seulement se complaire au divertissement – je les ai toujours conçus, ces essais, comme des raccourcis sur l’existence à destination de celui que je fus « avant de savoir » et qui aurait aimé un guide pour progresser dans la vérité de sa vision du monde et donc en actes. C’est pourquoi je pense que mes Discussions sont inactuelles, sollicitant la pensée pénible et laborieuse, et pourquoi aussi elles attirent peu de lecteurs, une poignée, peut-être dix par jour. Ce constat est certes dérisoire pour moi qui écris sans souci de gloire ou d’adhésion, mais peut-être signifie-t-il quelque chose de terrible sur la façon dont notre société reçoit, plébiscite et valorise l’esprit critique.

N’importe, à vrai dire : qui prétend que j’ai le choix ? Chacun fait ici-bas ce qu’il croit devoir faire : je me consacre, seul et résolu, à mériter par l’esprit le nom d’homme que la plupart estiment acquis en naissant, et je n’ai besoin d’aucun encouragement pour persévérer dans cette si solitaire et désespérée entreprise.

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Commentaires
J
Henry,<br /> <br /> <br /> <br /> « Pause ». C’est ça, c’est le mot. A ce stade, j’ai besoin de faire une pause.<br /> <br /> Poussé par le plaisir et la stupéfaction de découvrir le style rare d’un de mes contemporains, je lis, depuis trois semaines, dans l’ordre chronologique, les articles de votre Généalogie de l’écrit. Le temps pour moi, je le ressens, est maintenant à la décantation. <br /> <br /> Actuellement, effectivement, comme vous le dites, je vous vampirise. Méthodiquement. Silencieusement. Moi, lecteur-consommateur. Mais, j’entends votre incitation à me faire réagir.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans un premier temps que dire ? Que répondre après tant vos réflexions abouties ?<br /> <br /> Quelles impressions ”primitives’’ me viennent instinctivement ? « Whaou ! », «  Excellent », « tout à fait d’accord. »...Hors de question d’envoyer ça en commentaire. C’est un peu court. Trop de contraste avec la classe et la tenue des articles provoquerait un chaud-froid potentiellement générateur d’hydrocution. A la rigueur, un « Merci, je ne savais pas que je le savais.» ?… un « C’est super ce que vous écrivez » ?…non, non et non. ...Un « pas mieux » ?…ce n’est pas mieux non plus. <br /> <br /> <br /> <br /> Sketch n°1:<br /> <br /> L’animateur : Henry War c’est à vous.<br /> <br /> Henry War : Neuf lettres avec ACCOSTAGE.<br /> <br /> L’animateur : JGuillemot ?<br /> <br /> JGuillemot : Pas mieux…<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà. C’est piteux. Mais que dire, franchement ? Après avoir lu vos démonstrations imparables, j'en reste coi. <br /> <br /> <br /> <br /> Sketch n°2: <br /> <br /> L’animateur : JGuillemot ?<br /> <br /> JGuillemot : Oui…rhm… je n’ai que 537…<br /> <br /> L’animateur : Henry War ?<br /> <br /> Henry War : Le compte est bon.<br /> <br /> L’animateur : Allez-y.<br /> <br /> Henry War : 100 + 4, 104. <br /> <br /> 104 - 25, 79.<br /> <br /> 9 + 1, 10. <br /> <br /> 10 - 3, 7.<br /> <br /> 79 x 7, 553.<br /> <br /> JGuillemot : …<br /> <br /> <br /> <br /> Oui, coi. Ça fait cet effet là.<br /> <br /> <br /> <br /> J'éprouve bien d’autres sensations comme celle d’être puérilement satisfait d’avoir ''tout bien compris'' le développement de telles ou telles de vos pensées. En revanche, je suis plus incommodé quand, pendant la lecture, vous me tendez un miroir. Incommodé mais reconnaissant. Renaissant.<br /> <br /> <br /> <br /> En terme de facilité, j’avoue, mais vous le savez, je n’hésite pas à en abuser. L’agréable en tant que suiveur, voire juste en tant que spectateur, est que je n’ai pas à défricher à coups de machette intensifs un chemin qu’affronte seul un analyste déterminé et entrainé. Devant, l’ouvreur s’échine et je le suis béatement, sans trop lui prêter attention. Ses ''Han-Tchak ! Han-Tchak !'' réguliers, liés au débroussaillage et à l’effort qu’il produit, ne sont devenus qu’un bruit de fond. Moi, derrière, je me balade en mangeant une pomme. J’enjambe de temps en temps une branche laissée en travers du chemin. Hop. Mais sinon, rien. Je profite du paysage. Je souris. Je regarde en l’air, à droite et à gauche, repère quelques volatiles dans les arbres, savoure les perspectives fraîchement dégagées. J’ai le cœur léger. Je pense que ''c’est sympa'' une petite promenade comme ça. Ca détend. C’est sain. En plus, on a de la chance : il fait beau. ''Han-Tchak ! Han-Tchak !''. Je fredonne la chanson de Pascal Parisot : « Tout va bien ». …Ce serait ''le top'' si l’acharné de devant pouvait faire un peu moins de bruit. En plus, il fait fuir les oiseaux de l’illusion…<br /> <br /> <br /> <br /> Bon. Pardonnez-moi ces fioritures.<br /> <br /> <br /> <br /> « […]Même, qu’on songe que quand un écrivain envisagerait d’utiliser la fiction au service de ses réflexions, il ne ferait œuvre au mieux que d’un biais médiocre et d’un stratagème captieux pour véhiculer de façon surtout sentimentale et ludique le sérieux actuel et pragmatique de ses profondeurs. […]» (Henry War)<br /> <br /> <br /> <br /> ...(coi), ...(et soufflé).<br /> <br /> <br /> <br /> Pause disais-je, moi aussi. Pourquoi ? Voici le phénomène qui se produit en ce moment : j’ai du mal à me concentrer quand je lis vos articles car me viennent à l’esprit, en même temps, des bribes de mes propres phrases qui se superposent aux vôtres et les floutent. Les gouttes de ce que je lis atteignent mon cerveau et troublent un liquide qui semble être devenu réactif (alors que mes détracteurs pensaient que ce n’était que de l’eau au pH neutre). Quelque chose se déclenche, se colore, bouillonne. (« c’est pas trop tôt ! » diront certains). A toutes heures, des mots déjà agencés s’imposent à moi. <br /> <br /> Je pense que ce qui est à l’œuvre est le ''principe actif'' de vos écrits et peut-être même aussi celui de votre volonté.<br /> <br /> <br /> <br /> Il faut aussi tenir compte d’autre chose : la richesse de vos productions (fond et forme), leur nombre, leur variété, leur finesse, leur honnêteté,… n’en jetez plus ! Je ne supporte plus la puissance de vos coups. Il faut que je récupère. Je suis impressionné. N’y aurait-il pas là, me concernant, un petit quelque chose relevant du syndrome de Stendhal ? Désolé mais je le dis comme je le pense, là, sur l’instant. Veuillez retenir que ces effusions, à défaut d’édifier, ne sont là que pour exprimer non pas une faiblesse mais une sincérité, osée et encouragée par un sentiment de confiance.<br /> <br /> <br /> <br /> « Où est notre confiance, notre mutuel épanchement, notre liberté d'allée et de venue, notre causerie intarissable sans arrière-pensée? » (Victor Hugo, Correspondance-1831)<br /> <br /> <br /> <br /> Il me semble ne pas avoir tout dit mais le but était de répondre à des appels. Au vôtre en premier lieu puis au mien.<br /> <br /> J’espère que ce commentaire sera pris, si possible, au moins comme un rafraîchissement.<br /> <br /> <br /> <br /> « Une rive ainsi appelle, pour se rafraîchir, l'épanchement des vagues de la mer. » (Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle)<br /> <br /> <br /> <br /> Je vais à présent délaisser pour un temps l’écran des Généalogies et bientôt m’orienter vers le papier de vos Norsmith. <br /> <br /> <br /> <br /> Quelqu’un ici a-t-il parler d’une pause ?
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