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Henry War
17 février 2020

La littérature comme physique et comme mathématiques

La mesure de toute idée, de tout raisonnement comme de toute représentation éloquente, c’est l’homme, c’est l’esprit humain, c’est la faculté de l’esprit humain. Plus exactement, cette mesure doit toujours consister, pour le penseur au grand Recul, comme un phare surplombant tout jugement d’un dit ou d’un écrit, en la pensée humaine arrivée à quelque degré de perfection, à quelque haut période, à quelque apogée. Mais il n’existe pas de vérité relative, ça non, ceci est un mensonge atroce et délétère, contaminant toute volonté rationnelle : ce que l’on décrit de vrai ne paraît toujours faux qu’à l’imbécile – à moins bien sûr qu’une telle affirmation dépasse le cadre de la pensée humaine, c’est-à-dire du provisoirement concevable par l’être. Celui qui passe alors pour fou peut être un savant plus près de la vérité que l’imbécile qui s’ignore. Ce qu’on se complaît à prétendre depuis des décennies sur la relativité des raisons ne sert qu’à la justification des idiots ; partout où l’on n’entend pas intellectuellement, chaque fois que de façon inexplicable on n’admet pas d’emblée un discours ou un propos, on répond : « peut-être » ou « ça dépend ». On se rassure ainsi de ne pas comprendre, on croit valoir quand même quelque chose en soi-même et « selon un autre plan de réflexion ». Il faut qu’il y ait pour soi une alternative à la sottise quand on ne comprend pas : la paresse l’exige, autrement il faudrait examiner et vérifier méthodiquement des contradictions ; or, cela s’annonce fatigant et embarrassant. Non, tel homme, pourtant d’habitude pertinent et éclairé et avec qui, cette fois-ci, je ne suis pas d’accord, tient seulement, en l’occurrence, « sa propre vérité ».

Depuis longtemps déjà, on a traité toute la littérature et la philosophie qui l’accompagne avec une telle négligence souveraine, avec ce dédain ricanant, avec ce mépris assumé du Vrai démontrable, c’est pourquoi on a cantonné ces domaines au seul divertissement, tout au plus au plaisant-mais-pas-sérieux, au sentimentalisme des rêveurs passifs et désœuvrés : les gens lisent par ennui mou ou bien, c’est « connu », ils iraient à des traités scientifiques qui sont des choses « plus mâles » et « plus concrètes », plus fièrement viriles. De l’accessoire, du superflu, du tendre la littérature, aussi bien fictions que réflexions : on n’y cherche pas des réponses, à ce qu’il paraît, on y cherche juste des façons et des modes. Ce ne sont pas des sciences, n’est-ce pas ? on y joue seulement à avoir l’air d’avoir raison, ce sont de pures virtualités, de l’esthétique tout ça, du symbole, de la parabole, c’est surtout décoratif comme l’amour et les chansons, au mieux c’est au même titre intangible et secondaire que les religions, mais rien d’effectif, aucun rapport avec la réalité : peuh ! Nul ne peut sentir les bienfaits profonds et essentiels de l’écrit avec de si dérisoires pensées, nul n’est véritablement un lecteur avec tant de légèretés bêtes ! Les mots créent la réalité en lui donnant le jour : c’est ce qu’il faut savoir, ce dont il faut se souvenir sans cesse. Avant qu’il y ait pour l’homme la moindre existence, la moindre chose, il est nécessaire de baptiser cette nouveauté : rien n’existe pour l’homme sans nom. Sans chiffre, vous ne sauriez pas compter ; pareillement, sans signe ni expression pour signifier le rien ou l’infini, ces idées ne seraient pas en vous, elles n’auraient pas les moyens de s’insinuer en un cerveau, elles seraient trop dépourvues de matérialité pour être retenues et soutenues humainement. L’écrivain est bien un demiurge : absolument ! L’inventeur ou le compositeur de mots façonne l’univers – le vôtre ! – à travers les concepts auxquels il donne naissance en les identifiant en termes. Et vous prétendez encore qu’il s’amuse et ne fait que s’épancher, que c’est de la blague tout ça, superfétatoire et distrayant, des trucs gentils et inoffensifs pour femmes ? C’est que vous avez connu beaucoup de vomisseurs et pas de littérateurs. Vous n’avez alors visiblement jamais rien lu qui ait mis, et durablement, une idée neuve en vous.

Il n’est pas de concept sans vocable. C’est ainsi, retenez-le par cœur ou bien apportez-y des exceptions si vous l’osez. Du moins est-ce pour l’heure un élément de finitude de notre espèce : l’homme reste à parfaire sans doute, et peut-être un jour sera-t-il capable d’embrasser l’univers de façon immédiate, sans recours à un truchement langagier. Mais nous sommes loin de cela, et même de plus en plus loin, à ce qu’il me semble : en cent ans, nous avons largement régressé dans l’usage du vocabulaire et de la syntaxe ; nous ne sommes plus en mesure de percevoir certaines réalités nuancées qui n’échappaient pas à la perception de nos aïeux parce qu’ils savaient, eux, les dire, et nous difficilement ou pas du tout.

Pas davantage le physicien ne joue ou le mathématicien ne rigole ou se désennuie : ces hommes, croit-on, fondent leurs réalisations sur un système spécifique, séparé, distinct, sur un référentiel disparate. Mais quand un physicien fait une découverte, on ne lui argue pas que c’est seulement « peut-être » vrai, de même que quand un mathématicien réalise une inéquation inconnue, on ne va pas affirmer que son résultat est juste « probable » : c’est exact ou ça ne l’est pas, selon un ordre cohérent où le savant tient les fondements de sa discipline. S’il a tort, on le lui prouve ; s’il a raison, ceux qui avaient tort de prétendre le contraire se taisent et s’admettent vaincus. On n’en veut pas à un scientifique parce qu’il a contredit et balayé des faussetés grosses ou légères : ceux qui naguère les tenaient pour vraies, imprégnés et confondus de vérité neuve, admirent et se taisent, et nul parmi eux ne serait d’assez mauvais foi pour aller dire encore : « peut-être, allez savoir : ça dépend ! »

C’est aussi pourquoi on ne demande ni au physicien ni au mathématicien de présenter ses observations d’une manière plaisante, consensuelle, agréable, convenue ou mondaine. Si sa trouvaille démontre que tous les autres avant lui étaient des sots, il n’a pas à le cacher, il n’a pas à épargner aux autres cette réalité de leur état, de leur faiblesse, il peut et doit même le faire comprendre pour qu’on analyse l’erreur qui l’a toujours précédé et qu’on ne la reproduise plus. Son but n’est pas de soumettre des demi-vérités pour éviter d’offusquer, et il n’atténue pas son raisonnement par crainte de déplaire. La forme de ce qu’il énonce, à seule condition d’être intelligible, n’a pas d’importance, ni pour lui ni pour ceux qui l’écoutent scientifiquement : il n’a pas à se soucier de l’agrément de sa présentation, et il n’a pas à redouter de contrarier, de vexer, de critiquer : ce serait un soin superfétatoire susceptible même d’embarrasser l’exposé roide et net de ce qu’il avance. S’attacher à présenter une vérité d’une certaine manière, c’est ne pas user du vocable unique, spécifique et nécessaire attaché à cette vérité, et c’est détourner une partie de son attention de ce qui doit faire l’objet premier du discours, savoir l’exactitude des faits : on circonlocutionne alors plus ou moins, or la vérité vaut mieux que des tournures imprécises et des approximations enjôleuses. D’ailleurs, le savant n’a pas à s’excuser de ses raisons, car il ne s’oppose jamais à des personnes mais à des idées. Il ne gêne pas la carrière de ses confrères, y compris de ceux qui ont soutenu des erreurs avant lui et qu’il est comme forcé de démentir : ceux-ci au contraire en tirent avantage pour fonder ensuite des raisonnements moins incorrects ou plus justes.

Je n’ai jamais compris ce qui ne tourne pas rond dans l’esprit de ceux qui n’entendent pas que la littérature et la philosophie ne tolèrent pas davantage de susceptibilité et d’humeur, ni de relativité. Vous montrez clairement, indéniablement à quelqu’un qu’il a tort, et, en niant absurdement, il vous crache aussitôt au visage ! Je n’ai connu que cela ces dernières années : mais je moque, moi, des crachats, j’oublie même toujours que je m’adresse à une bouche et que j’ai un visage pour recevoir des injures ; ce sont uniquement des idées dont j’use, pour le seul souci de la vérité, et pas davantage le scientifique ne se mêle de vérifier au préalable quelle est l’expérience personnelle des savants qu’il a face à lui, et quels sont par exemple les sujets qui leur sont tout particulièrement sensibles, et quel langage leur siéra le mieux pour qu’ils ne s’offusquent pas de ce qu’ils n’avaient jamais découvert ou compris jusqu’alors, etc. Je le jure, je n’ai jamais songé – pas une minute ! – que je faisais du mal en contredisant quelqu’un : j’ai toujours généreusement supposé que mes interlocuteurs étaient plus intelligents et plus capables de discuter avec neutralité que cela. Ce qu’il y a, c’est qu’en principe un être qui se sait sensible et susceptible ne devrait pas entrer en conversation philosophique ou logique avec quelqu’un, en particulier sur des sujets qui le touchent et dont il ne peut s’empêcher de s’émouvoir. Comment voudrait-on qu’un mathématicien répondît à un contradicteur qui lui dirait : « Votre résolution m’émeut, m’inquiète, me dérange et m’importune. Je refuse de l’entendre. Vous êtes trop brutal. » ? Le savant avisé répondrait seulement et avec justesse : « À quoi bon alors vous mêler de mathématiques ou de toute autre science et vérité puisqu’il faut vous les masquer par pudeur ? Et comment, par quel procédé, devrait-on atténuer un théorème ou une équation pour condescendre jusqu’à vous ? Comment savoir quelle réalisation de mes travaux vous gêne le plus ? Et comment, en tenant compte d’un principe d’une telle prudence, présenter mes résultats à une foule de gens comme vous, et tous différents ? »

Quant à moi, mon système est clair ; je le crois logique et inattaquable : j’ai toujours eu une preuve, et à défaut de preuve, j’ai concédé, toujours, sans faillir. Il ne s’agit pas de perdre la face, je me moque de cela, je m’exprime invariablement sans face. Mais il s’agit d’augmenter son être par l’admission de ce à quoi on ne peut point objecter. Seul à seul ou publiquement, je ne cherche à m’attirer aucune sympathie, je me moque des attentions flatteuses ou des huées, j’aime apprendre, j’interroge sans crainte de passer pour ignorant, j’aime être autre qu’avant le débat : c’est signe que j’évolue. Mais je veux examiner et je n’ai aucun tabou – ce qui est déjà, pour beaucoup, une atrocité. Être abhorré m’est égal pourvu que j’aie raison. Ce n’est pas que je tienne à avoir raison d’emblée – on m’aurait mal compris –, mais je souhaite qu’à la fin du raisonnement singulier ou dialectique ma pensée soit corrigée par l’ajout de la raison qui me manquait à l’origine. Littérature et philosophie ne servent pas à se faire des amis. Être seul dans un monde grégaire, mais avoir raison. Pour soi-même. Pour se respecter de distinction.

C’est pourquoi tout ce que j’écris est vrai absolument ou du moins tâche à l’être – pas autre chose, pas « relatif », pas « selon mon avis », pas « à ce que je pense » : absolument vrai ; à défaut, on devrait me démontrer que j’ai tort plutôt que me représenter que je n’ai pas été assez doux ou obligeant – je prends toujours la démonstration de mes torts avec reconnaissance. Tous ceux qui arguent comme autant de molles complaisances que ce qu’ils affirment « n’est que leur point de vue » devraient plutôt rougir et fuir toute discussion plutôt que de prétendre à y entrer en ne faisant qu’abîmer la volonté de trouver enfin un argument durable et indubitable. « Le soleil est à tant d’années-lumière, mais ceci n’est que mon opinion », « Je crois que la racine carrée de 49 est 7, cependant j’admets toute proposition contraire » : assertions absurdes et qu’on aurait honte de formuler parmi un cercle de gens vraiment instruits. Il en va de même pour tout domaine où il s’agit d’atteindre à une vérité par l’esprit, même par des biais et sur des supports différents : la raison logique est toujours ce qui guide le penseur, son outil essentiel et sa mesure. Qu’on m’objecte sur mes articles de réflexions aussi bien que sur ma littérature ou sur mes critiques d’art, j’attends de pied ferme des arguments, c’est-à-dire des raisons et non des impressions primitives ou des insultes dont je me moque et ne sais que faire – je ne rends, moi, pas des sentiments vagues, ni sensations ni passions, la subjectivité ne m’intéresse pas plus qu’à l’homme de sciences. Je produis des théorèmes, et j’entends que leurs formules soient vérifiées ou réfutées. Le reste : vagissements d’enfants capricieux ou de veaux ; ça ne s’écoute pas, ça ne signifie rien, ça ne débouche jamais.

Certes, à explorer les tréfonds d’une idée, on atteint à quelque vision primordiale où il faut s’accorder, où il faut admettre – ce qu’on peut appeler paradigme. Mais un paradigme aussi s’explique, c’est même là l’étude la plus digne d’intérêt et la plus riche en révolutions, bien qu’on n’y parvienne jamais en discutant avec le contemporain, savoir : pourquoi je reconnais l’existence de telle notion originelle et causale. Si la démonstration peut souvent manquer, les applications, du moins, en la conformité avec des vérités sûres, peuvent servir de justification pratique en dépit des lacunes. Il existe ainsi conjointement une physique « traditionnelle » et une physique quantique au même titre qu’il y a des mathématiques euclidiennes et non euclidiennes : elles se complètent sans se nier, partent de substrats, axiomes et présupposés différents, qui jamais ne se peuvent tout à fait annuler mais qui déterminent des faits irréfutables et dont nul pour l’heure n’a réussi à prouver la fausseté de l’autre – mais c’est une question de temps, j’augure, c’est même sans doute une question d’évolution mentale, car il ne se peut que deux systèmes contradictoires soient justes également : c’est seulement que l’esprit humain n’est pas encore propre à assimiler leur conjonction en une supérieure synthèse. On croit à un paradoxe, mais ce paradoxe n’est pas dans la réalité, il se situe uniquement dans la finitude de notre pensée – ainsi sont les paradigmes opposés qu’on ne sait pas – ou bien qu’on n’ose pas – rapprocher. Partout où nous sommes inaptes, nous fabriquons des sciences séparées et qu’on refuse de lier. C’est le fameux « ça dépend » du profane, en quoi même nos scientifiques les plus renommés sont encore des amateurs à quelque échelle.

Mais pourquoi écrire tout ceci ? Pourquoi insister pour faire entrer la littérature dans le domaine des sciences plutôt que de continuer à l’admettre un déversoir, un dépotoir à fatuités ? Parce que je sens que l’histoire et l’évolution humaines pâtissent sans cesse et durement d’une conception relativiste en cette matière. C’est une supercherie de l’esprit, une facilité et quelque goût pour la paralysie de faire croire que la littérature n’a pas à intervenir dans l’élaboration et la vérification du Vrai. Je crois que si l’on avait admis il y a longtemps qu’on peut établir des vérités littéraires et philosophiques, artistiques, logiques et morales sur des bases et critères tout aussi solides et progressifs qu’en science, notre espèce aurait avancé beaucoup plus vite dans le domaine de la pensée que seulement au moyen de ce qu’elle a reconnu synchroniquement comme sciences et qui n’englobent qu’un nombre restreint de phénomènes. La démonstration en est même assez simple, c’est que tous les hommes supérieurs – tous ! – ont beaucoup lu et lisent beaucoup, et qu’on reconnaît presque sans hésitation ceux qui s’adonnent profondément à cette activité (c’est-à-dire pas comme les lecteurs d’aujourd’hui) ; également, on remarquerait sans mal que quelqu’un qui améliore son écriture affine toujours son esprit : la littérature est sans déni un facteur d’évolution, et pas uniquement pour ses vertus piètrement lénifiantes de rêverie mais bien parce qu’elle permet d’accéder à des concepts composés et verbalisés. En somme, qu’on propose comme nécessité positive de faire entrer la métaphysique au même rang que la physique parmi les soins de Vérité, avec des moyens aussi rationnels et des contradictions tout aussi imparables, et l’on apportera, comme on le fit concernant la psychologie ou la sociologie, un regain de grandeur à la matière humaine, un supplément d’âme ou du moins de savoir adjoint à la sienne pour l’heure volontairement et préjudiciablement diminuée : cette conception permettrait enfin de reconnaître par preuve que, dans n’importe quelle conversation ou débat, les idées de l’un l’emportent toujours sur celles de l’autre – toujours, et pas du tout par postures ! On a permis une si considérable évolution de nos mentalités et de nos techniques en admettant la physique une science séparée par exemple de l’astrologie ou de l’alchimie, qu’adviendrait-il si on fondait rien que la morale comme science, bien établie sur des fondations argumentatives aussi certaines et dialectiques que les propositions de Pythagore ? Quoi ? me dit-on, la morale ne se rencontrerait pas dans la nature et ne permettrait pas des collations avec la réalité ? Mais est-ce qu’on ne vérifie pas aussi des raisonnements physiques appuyés sur aucune observation ? est-ce qu’on n’a pas démontré l’existence des trous noirs bien longtemps avant d’en avoir véritablement observé ? Qu’on ne distingue rien de la morale qui semble une pure création de l’homme et de l’esprit ne signifie pas qu’il n’est pas un système de cohérence capable de légitimer ou de favoriser telle représentation d’une morale saine et enfin justifiée.

Et simultanément, au surplus, cette reconnaissance par exemple d’un roman comme expérimentation plus ou moins réussie d’un effet identifiable et patent (la beauté, un émoi, des valeurs ou la novation du langage-concept) favorisera l’étude véritable, le travail méthodique, l’application scrupuleuse à certaines fins déterminées, en valorisant des hommes supérieurs sur des critères objectifs au lieu qu’aujourd’hui tout philosophe, tout écrivain ou artiste, peut se prévaloir de son succès usurpé pour se taxer d’être grand et supérieur, succès auquel il espère même souvent pouvoir injustement prétendre par pure vogue et si peu de soin. Quand un siècle vante des êtres indignes d’éloge, on doit comprendre qu’il abîme le sens du mérite, et on oublie ce qui est susceptible de progrès pour l’humanité, la raison et la sincérité de l’ouvrage.

Aussi, à présent, on sait pourquoi je ne veux plus jamais parler qu’à des gens comme moi, qu’à des gens qui n’estiment pas qu’un débat est une foire ou une façon de simulacre. À qui, à quoi pourrait-il servir à un scientifique de la littérature et de la pensée de discuter à des créatures qui considèrent qu’il n’y a pas de vérité et que tout est question de point de vue, de subjectivité, d’interprétation ? Qu’on y songe vraiment et on verra qu’à ce rythme et suivant ce modèle, rien ne serait né de l’homme, nul ne se serait senti intéressé par le développement des savoirs humains, personne n’aurait risqué son temps et ses efforts pour de perpétuelles illusions et de pseudo-visions désubstantialisées. Inéluctablement, une déplorable stagnation attend toute société qui, dans sa décadence et son oisiveté stupide, en vient à estimer que tout ce qu’on sait, ou même qu’une partie, ne vaut rien de sérieux, n’est en somme qu’une figure de style, qu’une sorte de jeu et de délassement, qu’une représentation frêle de parade et qui n’a besoin d’aucun argument ni d’aucune réfutation issue de la raison pour être affermie ou balayée.

On ne bâtit pas une maison quand chacun discute l’existence même des matériaux dont on dispose.

On ne bâtit pas une maison belle quand nul n’est en mesure de juger de la qualité de l’édifice sur des critères un tant soit peu rationnels et fermes.

On ne bâtit pas une maison belle et de grandeur quand il n’existe nul autre bâtisseur avec qui on peut vouloir rivaliser.

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