Lois de circonstance

Se méfier des lois de circonstance, des lois scélérates, de celles qui sont promulguées sous l’influence de l’émotion et de l’emballement populaires : au prétexte de défendre la liberté d’expression des professeurs, on s’apprête en fait à restreindre quantité de droits à l’expression. Quand l’interdiction des messages de haine ne voulait déjà presque rien dire (et avec combien de haine défoulée et devenue partiellement illégale, quand on y pense, on mène la traque contre la haine !), quand elle était sujette à interprétations sempiternellement débattues jusque dans nos tribunaux, quand elle établissait avec autorité l’absurdité morale que dire le mal revient à le faire, et quand elle condescendait à nous prendre pour des agneaux fragiles qu’il faut éloigner de la possibilité d’entendre et de recevoir des méchancetés, voilà à présent que des législateurs trop légers et fort désireux de publicité vont tâcher de former la liste exhaustive de tout ce qui peut causer de la vexation ou du chagrin, mots que, vraiment, il ne faudrait plus permettre dans le monde béat qu’une majorité d’idiots indolents estime idéal et souhaitable. Mais croyez bien que dans la liste se trouvera tôt ou tard le fait de dire vertement qu’on n’est pas d’accord avec un professeur, et plus généralement des mots que vous avez déjà prononcés ou écrits et dont on présumera, comme c’est environ le cas ici, que s’ils se concluent directement ou indirectement par un délit ou un suicide, vous aurez à rendre des comptes au même titre que si vous aviez commis un meurtre. Pour moi, j’aime autant que vos critiques à mon encontre soient exprimées, même avec véhémence ; j’ai assez de philosophie individuelle, c’est-à-dire d’intelligence (celle qui fait défaut aux citoyens posant en éternelles victimes), pour ne pas m’offusquer que vous ne soyez pas d’accord et que vous me jugiez un ignoble scélérat, ou pire ; je permets même volontiers l’insulte quand elle ne tourne pas au harcèlement c’est-à-dire aussi longtemps qu’elle reste éloignée d’une sape manifeste et volontaire qui la rapprocherait d’un acte, et je pense, pour le bien de la liberté des hommes, qu’une haine doit redevenir exprimable : je vous encourage à me haïr hautement, comme vous le fîtes déjà, à condition bien entendu que vous soyez sincère. Mais l’inquiétant, au rythme où nous allons dans la faiblesse mentale, l’hypocondrie généralisée et le désir veule de plus de protection, c’est que ce compte Facebook, ainsi que tous ceux qui ne servent pas qu’à transmettre des photos de sa famille et de son petit chat mignon, seront bientôt louches, que des députés les feront étroitement surveiller ou interdire comme des foyers de propagande et de dissidence, qu’on n’y usera plus que de formules alambiquées pour indiquer que l’on n’est pas, disons, tout à fait de l’avis d’Untel, qu’on respecte néanmoins infiniment sa personne privée et ses prises de positions, et que, le droit actuel ne permettant pas d’émettre les objections qu’on voudrait, on est malheureusement forcé de ne pas s’expliquer davantage, avec salutations cordiales, respect polysectoriel, amitié multi-genre, amour décent universel, etc, etc.

Comments

[Alpha Sedgwick]

Notre Ere Commune, cher H.W. Les GAFAM pratiquent déjà, plus même ils sont les outils idéaux pour le contrôle, nous le savons d'avant leur réalisation. Se profile le "monde d'après", néo-révisionniste peut-être ? Les égouts du pragmatisme vont enfin couler leur pente. Néanmoins les grains de sable usent tous les parfaits agencements, nous rirons bien encore des fats et des sots. Et de soi-même, bien sûr.

Anarchie Kropotkine en sommeil



Aimer froidement le peuple; pour ce qu'il est, peut-être et non ce que l'on en rêve. Les jeux et les larmes, les larmes son dernier rempart contre toute décision autonome. Entends-tu Kropotkine, ils n'ont plus le courage de la virilité, ni celui de la science. Dilués ils attendent les honneurs ou bien le centre commercial, et pour s'en justifier iront à bombarder, ou déléguer plutôt les guerres de leur pacifique consommation comme autant de décombres approuvant la démocratie industrieuse à bas coût. Ne pourront plus être pris au piège des moeurs les bourgeois délétères qui s'affairent à préoccuper d'une liberté à leur seul usage les masses crédules ou bien obéissantes, ainsi au nom d'un bien qui leur est surtout à eux commun, de la moyenne ils exultent déchainés du chantage au vice la défense particulière, médiocre, individuelle, fréquemment parasites, d'appétits méprisants. Lâches ils se parent d'idéaux faisandés qu'ils ne défendent qu'en s'offrant, raisonnables à la raison des plus forts. En ce monde c'est tertiaire, ils resteront les clercs, obscurs qu'ils ont choisi d'y être.

Audacieux d'un cynisme qu'ils sont incapables d'inventer mais juste à reproduire, ils épaulent des armes théoriques bien trop grandes pour eux. Les victimes sont toujours les jouets de l'injustice, de l'innocence ou bien de l'ignorance. Attelés comme des chiens ils tractent le traîneau de colons vitupérant la haine de l'espèce et se croient bien malins de n'y participer qu'à détruire toute concorde que les hommes, sans fin cherchent aveugles à établir. Revenir à ses mains et l'usage de nos têtes sans plus jamais vendre à ces loups, trop souvent héritiers, nos besoins, les envies qu'ils nous apprennent à retrouver dans les entraille de la bête dont ils sont émissaires. Il y a des justes et probes, mais en cette tragédie s'érodent leurs penchants bienveillants, comme si toute honte bue n'étanchait son saoul de vanité promue, imbue.

L'utopie démentie quand c'est possible et impossible enfin. Soulagement des puissances et impuissance de ceux à soulager.

Alors voilà merci, au lieu d'être anarchiste le peuple sera nazi. Merci, merci du raccourci.

Hypocrisis normalisis. Un peuple électeur et non prescripteur, loin de nous cet effroi !