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Henry War
22 avril 2021

Deux sortes de complotistes

Il y a celui qui affirme ce qu’il ignore, ce qui n’est d’aucune logique, ce qui se distingue de tout ce qui paraît plausible et vécu, et qui oppose au film d’un délire collectif le film d’un délire contradictoire et d’une même nature. Je prétends ce complotiste similaire à son opposant parce qu’au même titre qu’il n’est pas vraisemblable par exemple que les gouvernements réunis de la terre entière se soient accordés en secret sur une direction et un projet de mainmise sur les peuples, il n’est pas davantage vraisemblable qu’on ait appliqué des tests PCR à la population générale, qu’il faille attendre l’immunité collective pour n’avoir plus affaire à un virus, ni que des gens sensés interprètent si malhonnêtement les statistiques comme ils le font. Il leur faut, à tous deux, pour croire à ces théories comme des faits, une dose de convictions et de certitudes, un aveuglement et une foi, qui ne sont pas du tout compatibles avec l’usage d’une raison saine et rassise : ces deux-là sont des complotistes qui, bien qu’ils se disputent, appartiennent à une même sorte de pensée de la superficie, de l’emphase et de l’illusion.

Mais il y a celui qui constate que partout on ne fait que subodorer par bénéfice-du-doute des compétences qu’on ne vérifie jamais, dont on vérifie plutôt l’absence. Fondant son opinion sur ce qui constitue la réalité empirique, celui-ci se dit : « Il ne se peut pas, décidément, que des professionnels de notre époque disent la vérité, cela n’arrive jamais partout où l’on examine, tous n’émettent que des points de vue à dessein d’exercer une influence. » Ce complotiste est un sceptique avisé, et c’est tout logiquement qu’il en est venu à comprendre que tout le monde parle de ce qu’il ignore, à de rares exceptions près. Aussi, il n’accorde sa créance qu’en ce qu’il vérifie lui-même, ne voulant point se laisser abuser par toutes sortes de pressions, solidaires et grégaires notamment c’est-à-dire morales, dont il a appris qu’elles ne servaient le plus souvent qu’à instituer des esprits de confort. Ce complotiste a profondément intériorisé l’idée que se fier à quelqu’un, dans la société où il existe, est une erreur et une faute, ce que lui démontrent toutes les expériences usuelles de la vie ; il est ainsi bien décidé à ne rien admettre d’emblée ou d’autorité ; il tient à établir des constats à partir de réalités éprouvées. On le chasse et on le poursuit comme les autres, on l’exècre pour sa hauteur, pour la distance où on le trouve si peu humble et obligeant, si grave et disparate. Il y a cinquante ou cent ans, on l’aurait célébré comme exactitude, comme référence et comme exemple d’indépendance et d’esprit critique ; on aurait dit que c’était un sage, et on l’eût appelé un savant et un intellectuel français.

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