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Henry War
29 avril 2021

L'affaire du placard militaire

Au Ministère des Armées, il va falloir que quelqu’un révise très sérieusement et de toute urgence son Droit public et en rédige comme de coutume une « fiche de synthèse » – exercice auquel on est manifestement rompu dans nos administrations depuis le concours, et peut-être le seul qu’on maîtrise –, avant de s’enfoncer trop avant dans des approximations épineuses sur la question relative au placard des Militaires versus Délitement de la France. Si l’on m’en croyait, on réviserait notamment in extremis la distinction entre devoir de réserve, devoir de discrétion et secret professionnel, si l’on veut s’épargner de dures déconvenues et de cuisants ridicules – c’est que la mémoire, Mesdames et Messieurs les Hauts-Fonctionnaires, semble depuis le concours s’être un peu dissipée. On s’apercevrait alors contre toute attente qu’un fonctionnaire ou qu’un militaire, dès lors qu’il ne révèle aucun secret ni ne porte aucune révélation au grand public sur sa fonction, peut très bien exprimer ses opinions même si ce n’est pas de règle et si une espèce de tradition inepte portée par quelque vieux proverbe populaire de boomers défend de « cracher dans la soupe », étant donné que « la fonction, tu l’aimes ou tu la quittes » (qu’on voie déjà que pas un seul téléspectateur n’a remis en cause l’accusation et la menace !). S’il faut aller plus loin que des dictons et indiquer des références, je dirai que l’article 4121-2 du Code de la Défense, spécifique aux militaires, prévoit que « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens d’expression. » ; or, le terme-clé ici est évidemment le mot « réserve », mais il n’existe pas de loi précise qui définisse la réserve (ce qui valait bien la peine de faire une loi !) hormis quelques règles de bon sens, comme l’idée de « mesure » mais « qui ne concerne pas le contenu des opinions mais leur mode d’expression » – ceci, on le devine, constitue un flou juridique embarrassant qui ne se comble à peu près que par jurisprudences. Pour situer, donc, tangiblement cette frontière – et l’on verra ainsi qu’elle est relativement logique – deux « cas pratiques », pour user de la terminologie propre à nos secrétaires d’État et à leurs conseillers, celle qu’ils affectionnent tant (et j’y songe : peut-être par mots-clés sur Internet sera-ce moi qui les renseignerai ? J’en tirerai une certaine fierté, pour ne rien dire de mon sens du devoir, si, grâce à mes écrits, on peut obtenir que nos gouvernements profèrent un peu moins d’insanités) : deux militaires sont radiés par décret présidentiel ; le premier, chef d’escadron de gendarmerie, a ouvertement critiqué la politique du gouvernement, le second, un général, a participé à une manifestation interdite contre des migrants : le Conseil d’État a invalidé la radiation du premier, quand il a maintenu la seconde. On peut donc, comme on le voit, cracher dans la soupe, ne vous déplaise, et même ruer un peu dans les brancards aussi bien que dans des placards, même quand on est un grand militaire de carrière et d’active, pour autant que ce soit en-dehors du champ de Mars. On attend seulement, en substance, que le crachat ait environ la consistance de la soupe, et qu’on n’envoie pas tout le potage valdinguer dans la gueule de quelqu’un.

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