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Henry War
13 janvier 2022

De l'autorité de la science, et des sceptiques, pour répondre à l'accusation d'individualisme

Un individualiste est celui qui, stupidement, tient à conserver sa tranquillité en n’ayant de considération que pour ce qui est susceptible de le confirmer. Il rapporte tout à ce qu’il sait déjà ou croit savoir, de façon à n’avoir pas à douter de ce qu’il est : ainsi, il est content, il s’en remet à d’autres toutes les fois qu’il est de leur avis, et, quand ce n’est pas le cas, il les nie et fait prévaloir des « autorités » alternatives qu’il voudrait imposer comme officielles.

J’ignore pourquoi on a fait aux non-vaccinés qui se renseignent l’accusation d’être des individualistes. On n’a pas seulement affirmé qu’ils manquaient de solidarité, parce qu’ils ont souvent répondu à ce blâme en indiquant les raisons de l’innocuité du vaccin afin d’enrayer l’épidémie (parmi lesquelles les déclarations mêmes des représentants de l’OMS), mais on leur a imputé comme vice leur méfiance dans la parole des médecins, ou, pour le dire autrement, on leur a reproché de vérifier ce qu’une sorte d’obligeance devrait apparemment leur interdire de mettre en cause ou en lumières, comme si on ne rencontrait pas au sein de toute profession une foule et peut-être une majorité de gens qui exercent leur métier en grande incompétence. On demande à ces sceptiques : « Qui êtes-vous pour interroger des études de science, et quelles sont vos compétences ? Vous êtes individualiste : vous refusez d’écouter quelqu’un d’autre que vous-même ! Vous rapportez tout à vous-même ! Vous n’avez d’intérêt que pour vos propres déductions et n’écoutez personne d’autre ! » Un individualiste, en ce sens, serait celui qui n’a pas abjuré son sens critique ni délégué tout son examen à des sages officiellement installés et appointés.

Il serait opportun que ces accusateurs regardent une fois à leur propre fonctionnement mental avant de jeter le discrédit sur tant de « dissemblables » vicieux. Car que font-ils, au juste, ces accusateurs, pour accorder leur créance ? Eh bien ! ils se servent des références qu’on leur présente, et ils les tiennent pour vraies, après quelque espèce de présentation convaincante ou persuasive. Leur différence, c’est d’abord qu’ils n’examinent pas beaucoup ce qu’on leur donne à penser, et ensuite qu’ils ne vont à la recherche d’aucune référence solidement contradictoire. Mais ils sont individualistes également, je veux dire qu’ils le sont indéniablement au titre même qu’ils reprochent à leurs opposants : ils ramènent à eux ce qui leur semble juste, avec ou sans intérêt d’y croire. C’est probablement là un mouvement très général de l’esprit humain, inscrit dans sa conformation et nécessaire à établir une certaine profondeur de la pensée, de s’aviser d’être toujours en mesure de reformuler une conclusion ainsi que les arguments permettant d’y parvenir, c’est-à-dire de s’approprier les parties d’un raisonnement plutôt que de se résoudre à des déclarations d’autorité et de se contenter de les répéter sans les comprendre. Que certains appellent ça individualisme et attribuent une acception péjorative à une méthode d’intellection et de reformulation à peu près universelles ne devrait pas beaucoup inquiéter ceux qui en sont accusés ; en revanche, l’accusation incite à poser un certain regard sur les accusateurs qui, semble-t-il, n’ont jamais soupçonné qu’on pouvait vouloir vérifier et réexpliquer par soi-même ce qu’ils se croient apparemment supposé apprendre par cœur.

Aussi, je crois bien que ces Covidiens ont rarement lu un rapport scientifique. Car s’ils l’avaient fait, ils s’apercevraient que la compréhension de la médecine n’est pas réservée aux médecins, comme celle de tout domaine n’est pas exclusivement dédiées aux spécialistes de ce domaine. Ils mentent d’ailleurs, et ils mentent évidemment en toute conscience, en prétendant déléguer, s’agissant de connaissances spécifiques, leurs compréhension et application strictes aux préconisations des professionnels : ont-ils communément besoin de se ranger à l’avis des pédiatres s’agissant d’éduquer leurs enfants ? Écoutent-ils bien les scientifiques officiels quand ces derniers leur recommandent d’arrêter de s’alimenter comme ils font, de mal dormir comme ils font, ou de s’abrutir devant tant d’écrans comme ils font ? Et ne savent-ils pas qu’il n’existe pas un seul domaine de leur existence où un professionnel n’ait posé son jugement et ses avis ? Quant à se renseigner directement dans les rapports d’experts, si ces gens s’y essayaient un peu, ils verraient qu’une certaine technicité terminologique ne les rend presque jamais inaccessibles : il suffit de lire au moins les paragraphes conclusifs et d’utiliser un dictionnaire, et puis, est-ce qu’il n’existe pas toutes sortes de spécialistes disposés à vous expliquer un mot ou un graphique que vous n’auriez malgré tout pas compris ? Un Contemporain préfèrerait sans doute tenir pour vraie toute allégation que son gouvernement et ses fonctionnaires lui imposent, parce que c’est une paix profonde de se savoir entouré de tant de bienveillantes et impartiales sagesses ; or, comme il n’est pas exclu ni encore illicite de réfléchir à ce qu’on vous martèle, il y a pour cela les ressources immenses qu’internet met depuis le monde entier à disposition de chacun, et leur analyse ne procède, heureusement et pour le moment, d’aucun privilège.

Si le Covidien s’estime trop idiot pour essayer de lire de tels travaux, c’est son problème, même si je l’incite à plus d’effort et d’élévation, mais qu’il couvre sa bêtise ou sa paresse de l’imputation d’individualistes à l’encontre de ceux qui, à son contraire, s’efforcent d’éprouver les facultés de leur esprit et notamment leur jugement critique, voilà qui revient à dire que, pour se défendre d’individualisme, il faut se fier sans contredit à tout ce qu’on vous a présenté comme indiscutable. On devine cependant que pour en arriver à taxer ainsi des personnes qui ne font que consulter et interroger des sources dont la démocratie prétend tirer son autorité, il faut une quantité de mauvaise foi et un simplisme des catégories qui dénotent fort des êtres déshabitués de réflexion et orientés tout entier vers la conservation de leurs prérogatives d’obéissance et d’inconsidération. C’est, en somme, remarquer qu’il existe une part considérable de citoyens qui trouvent qu’il n’est pas solidaire de n’être pas de leurs avis, quand bien même leurs avis ne sont étayés par rien ou par pas grand-chose, et qui estiment qu’on doit concevoir cette rupture comme un vice social, et peut-être même l’interdire. C’est là quelque expression de l’esprit démocratique poussé à une extrémité : il faut s’en remettre à la majorité sans rien examiner, et cette majorité doit initialement se déterminer sur une poignée de spécialistes sélectionnés dont on n’examinera pas soi-même les jugements, parce qu’en vérité, bien que disposant des facultés pour les entendre, on ne veut pas s’y consacrer. Si l’on y songe, cette mentalité est précisément ce qui caractérise la société des divertis : on se range d’automatisme à l’opinion la plus unanime, et l’on retourne ainsi à ses facilités et à ses jeux.

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