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Henry War
5 mai 2022

Un label pour sauver la littérature

Compte tenu de la puissance qu’ont conquise les grands éditeurs sur le marché du livre et sur la société « de la culture » depuis plus de cent ans, étant parvenus à établir sans conteste leurs prix sous la protection du législateur, ayant asséché la part de l’auteur à l’indigence et à l’exceptionnalité du droit avec si peu de scrupules qu’ils en sont à boycotter des réunions où on les prie juste de le payer deux fois l’an au lieu d’une, entretenant l’état pitoyable des libraires résignés à acheter un stock pour en tirer des remises minables à 35%, on ne peut espérer qu’une loi, avec nos députés incompétents et nos sénateurs désintéressés d’art, puisse modifier en quoi que ce soit la façon détestable d’un système de privilégiés qu’on continue d’estimer un modèle par la raison que nos compatriotes achètent encore bon marché des objets à peu près stercoraires en un choix important de déclinaisons scatonomiques. Autrement dit, on n’obligera pas les éditeurs par la loi à payer décemment ni les auteurs ni les libraires, et à sortir du cercle turpide et insensé, motivé exclusivement de profit, où ils entretiennent une littérature racoleuse et sans postérité. Non, on n’y parviendra pas ; ils disposent de trop de services juridiques et d’influence pour interdire toute évolution de leurs privilège et monopole.

Il faut bien partir de ce postulat. Sinon, on rencontrerait toujours contre nous des actions de lobbying si déséquilibrés qu’on mènerait des luttes législatives perpétuellement inefficaces, quand bien même on serait au commencement de faire entendre à une foule d’idolâtres et de fanatiques que toute la publication française sent à plein nez l’étron et la décomposition.

Que faire, donc ? Comment agir si l’on n’est pas totalement désespéré à subir le règne d’une poignée de financiers écrasant de leur vénalité le monde de l’art en éclipse qui a disparu ?

Un label « bio ».

Il faut soumettre au législateur la possibilité d’une alternative honorable reconnue et valorisée. Les éditeurs historiques sentiront inévitablement en cette stratégie l’intérêt impérieux de contrecarrer cette proposition bien sûr, ils la combattront âprement, y devinant le coup porté contre tout ce qu’ils ont imposé au marché, la première brèche irrésistible apte à entraîner une révolution à terme de toute leur hégémonie, pourtant ils ne sauraient l’empêcher, parce qu’il y n’aurait derrière qu’une intention saine à laquelle le législateur lui-même ne saurait en conscience s’opposer : il ne s’agirait point, en effet, de changer quelque chose au système existant, mais d’indiquer, au surplus de ce qui existe déjà, des critères éthiques et de qualité par lesquels l’éditeur labellisé se distinguerait. Et ces critères contiendraient les articles suivants, en totalité ou principalement :

- Au moins 25% de droits d’auteur versés chaque mois ou la garantie pour l’auteur d’un salaire fixe d’une certaine somme minimale, sans que ce dernier soit obligé à des prestations supplémentaires comme la promotion ou la rédaction d’autre chose.

- La garantie aux libraires du dépôt gratuit des livres plutôt que l’obligation d’achat avec remise, afin qu’ils ne touchent que sur ce qu’ils vendent et ne soient pas contraints de réaliser des avances au profit exclusif de l’éditeur.

Une bonne promotion, une vraie campagne autour de ce label pourrait réaliser des effets comparables à l’agriculture biologique où le consommateur s’est progressivement aperçu, par la différence qu’on lui a expliquée, de ce que l’ancien système proposait d’esclavage pour le producteur et d’économies sur la qualité même du produit.

Comment les grands éditeurs pourraient-ils faire interdire un tel label ? On ne les empêcherait de rien, on signalerait seulement au consommateur qu’il existe bien deux manières opposées de promouvoir et de vendre des livres, qu’une d’elles « au moins » est vraiment déontologique. On peut imaginer, passé une certaine installation de cette appellation, des salons du livre et même des librairies qui n’accepteraient que les éditeurs labellisés, dont l’existence deviendrait peu à peu un gage de bonne pratique, et dont l’absence trahirait au moins un soupçon.

Faites entrer le consommateur dans la conscience constante et l’approbation de ce label « biologique », et vous organisez graduellement la fin de l’édition industrielle.

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