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Henry War
7 juillet 2022

Vice intrinsèque des conversations diluées

Je dois me méfier de ma tendance à considérer qu’autrui n’a rien que d’oiseux et de négligeable à me dire : elle est pourtant juste en général, mais je perds l’habitude d’écouter. Comme je sais mesurer d’avance que ce qu’on va m’énoncer non seulement ne me concerne pas mais ne nécessite aucun commencement d’attention de ma part, je me concentre peu en société ; c’est même étrange comme je tends à tirer du son même de la parole d’autrui le réflexe de me désintéresser. Je devine qu’on n’attend de moi que de veules confirmations de proverbes, et j’abandonne aussitôt la partie au premier qui peut répondre à ma place avec engouement : le dialogue se poursuit sans que je m’y trouve plus que physiquement. Or, l’inconvénient à cela, c’est que si j’entends de loin tout ce qui se prononce, je l’évacue aussitôt, je n’en retiens rien, tandis qu’il y a quelquefois malgré tout quelques informations utiles à en conserver. Il faut que je m’accoutume au pénible de la banalité qui consiste, cependant que je poursuis mes pensées et que se déroule une conversation où je me contente de paraître, à en entendre tout de même assez pour garder en mémoire le peu qu’il faut en extraire, car je peste souvent de ne pas me souvenir de quelque chose d’aussi facile qu’une date ou qu’un lieu. Cette séparation de l’esprit aura aussi la vertu de mobiliser en deux « hémisphères » (pour ainsi dire) la faculté à la fois intacte et entraînée de me focaliser simultanément sur plusieurs objectifs, au lieu, par mon « absence », de quitter carrément ce qui m’ennuie, comme une renonciation au facile petit profit que j’aurais pourtant pu et probablement  en tirer.

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