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Henry War
10 juillet 2022

Immoralité de l'écologisme

Une société qui ne gaspille pas a logiquement des raisons impérieuses d’économiser ; c’est donc assurément une société de la précarité, c’est-à-dire de la pauvreté et de la crainte de la mort par défaut de ressources. Il n’y a qu’en situation de manque, de pénurie ou de carence qu’on songe à conserver des produits aussi longtemps que possible et à s’abstenir d’en user par « responsabilité » : on voit bien que c’est tout récemment qu’on a fait attention à la moutarde et à l’huile de tournesol, et pour quelle cause !

Promouvoir une société de « l’épargne », de la « pudeur » ou de la « sobriété » quand on vit dans la satisfaction revient à feindre un état de détresse dans un moment d’euphorie, simulacre plus ou moins indécent où l’on prend pour exemple quelque humanité morbide ou moribonde. Il faut choisir, car on ne peut pas simultanément déplorer le déficit qui nous effraie et l’excès dont on profite, prétendre qu’on s’inquiète que des gens ne mangent pas à leur faim et déplorer que d’autres mangent plus qu’à leur faim, il doit se trouver entre ces circonstances une gradation de gravité ; or, je ne sais qui peut nier cette vérité, essentielle à la volonté de puissance humaine, que tout ce qui vit en suffisance tend inévitablement à la profusion : partout où l’on mange à satiété commence le surpoids. Il n’existe pas encore une société du « confort parcimonieux » ; un tel paradoxe est inhumain, et ceux-là mêmes qui se plaignent des dépenses excessives, qui ont ce loisir et ce désœuvrement dérisoire, ne sauraient affirmer qu’ils ne vivent qu’à la hauteur de leurs élémentaires besoins – et, loin de les en blâmer, je dis sincèrement, de tout mon cœur, que c’est tant mieux : l’homme qui a plus que son nécessaire gâche forcément quelque chose, c’est donc bien le signe que ces gens sont en un relatif contentement, et me voilà humainement et solidairement heureux de leur insouci.

Je crois qu’il faut se réjouir d’une société qui vit dans l’abondance plutôt qu’invectiver sa prodigalité ; il faut viser plus haut et plus généreux, avec un recul plus philosophique, que la perpétuité des précautions et des objurgations. Une partie de l’humanité a échappé aux rigueurs du besoin, c’est innocemment qu’elle dépense pour vivre au lieu de se contenter d’exister, elle le fait sans intention méchante simplement parce qu’elle veut son bonheur sans compter. Une société qui jouit ainsi, à quoi rien que l’humanité de tous au sens de « vertu généreuse » devrait tendre, est par définition une société qui dispose de plus que le nécessaire, qui ne vit pas dans l’angoisse et l’oppression, qui a l’occasion de ne pas pinailler : par conséquent, il est immoral d’aspirer à réduire sa fringante vitalité exprimée dans ses déchets. La dépense somptuaire est un signe de bonne santé, et j’aime à me féliciter qu’une société soit parvenue à s’extraire de sa condition d’animalité rampante et soumise aux vicissitudes : je veux partager le plaisir de son succès. En cela, le défaut de sobriété devrait constituer pour l’homme un motif de réjouissance plutôt que de culpabilisation ou de réprobation, et l’on devrait regarder à ce que nous serions si nous n’avions pas accédé à la possibilité de se répandre et de multiplier : mais nous fabriquons décidément les indignations qui manquent à notre besoin d’adversité. Pensons-y quand nous nous critiquons nous-mêmes au lieu de constater le degré de triomphe auquel une humanité est parvenue, car il faut sacrifier, au profit de l’autre, sauf dans une société très sage mais que nous n’avons pas atteinte, ou le besoin ou la dissipation.

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