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Henry War
1 décembre 2022

Des ministres subalternes

On peut constater objectivement une régression ou une décadence de la « grandeur » politique à la façon dont des responsables d’importance, officiels et nationaux, comme les ministres, consentent sans honte apparente et même avec une sorte d’implication motivée et d’opportunisme juvénile à se charger d’activités mineures et naguère jugées subalternes, comme de pures communications ou des sinécures évidentes. Jusqu’alors, je ne crois pas qu’on aurait envisagé qu’il relevait de la mission par exemple du ministre de la Santé de faire lui-même la promotion d’un vaccin ou du Premier Ministre de recommander directement aux citoyens la réduction de leur consommation électrique : ces choses étaient réglées en aval, non seulement parce que les systèmes hospitalier et nucléaire ne manquaient pas de ressources, mais parce que l’application des décisions d’État, publicité comprise, était déléguée en sous-traitance à des bureaux spécialisés, de manière justement à laisser l’esprit des gouvernements libres de réflexions plus vastes et capitales quant à la direction des affaires publiques. Or, dorénavant, on accapare un ministre pendant des mois et pour chacune de ses représentations avec des éléments de langage appris par cœur, et fidèlement récités, auxquels il se conforme, et, pire, il le fait avec une obligeance et une servilité qui signalent un dévouement de pantin imbécile, comme si c’était l’essence même de sa fonction, comme si ce n’était pas une déchéance et une humiliation pour lui de s’y livrer après tant de qualifications, comme si c’était la raison principale de son engagement politique, comme s’il ne voyait même pas ce que de lui on pouvait exiger de mieux et de plus élevé. Ces gens ont perdu, semble-t-il, toute idée de noblesse et de valeur attachées à leur tâche : désœuvrés, ils se mettent alors simplement à disposition, et quand on les appelle enfin, trop contents de rendre service pour n’importe quelle mission rémunérée qu’on leur imposera, on les voit extrêmement soumis et collaboratifs ainsi que des laquais instruits, sérieux comme des délégués de classe assignés à la propreté ou comme des étudiants qui se lancent sur le marché du travail sans dignité et se pliant avec bonne volonté aux ordres les plus ineptes. Ils se contentent d’exécuter, sans recul, sans respect pour quelque excellence ou pour une prédilection qu’ils pourraient se croire, sans souvenir d’une prééminence de leur qualité, ils font tout juste ce qu’on leur demande et pour quoi ils sont payés, il paraît qu’on peut ainsi aller très loin avec eux, et c’est peut-être parce qu’il n’y a plus personne pour se charger des travaux élémentaires, alors on n’ose plus déléguer, il n’existe plus de compétence qui saurait efficacement résoudre ce pour quoi il est devenu nécessaire que l’autorité se mette à l’œuvre – même le cabinet McKinsey, selon toute vraisemblance, rend très cher un travail très douteux. Insoucieux de leurs diplômes dont ils doivent savoir en loin qu’ils ne valent pas grand-chose, oublieux de leurs anciens idéaux relégués aux tripotages politiciens, ces hauts-petits-personnels se laissent volontiers diriger, deviennent strictement des intermédiaires qui se dissimulent derrière le mot « loyauté », se croyant sélectionnés voire élus pour ne faire que se charger de besognes ridicules, sans décision sans doute parce qu’ils craignent le fardeau de la Responsabilité juridique et morale ; ils ne font que de l’entretien et de l’entregent qui les rassurent et ne les engagent à rien, complaisants à toutes les tâches infamantes et même surtout à elles parce qu’elles les innocentent, ne se sentant nullement « déplacés » quand en public ils doivent tendre un bras nu à une infirmière ou faire des déclarations vides en cols roulés. Ils n’ont pas l’honneur et la fierté que le prestige et l’argent ont neutralisés chez eux, leur dégradation et leur dépendance sont telles qu’on leur ordonne même facilement de mentir et qu’on leur confie maintes missions pour lesquelles ils savent n’avoir aucune faculté, ni disposition particulière ni antécédent qui les y rendrait propres, comme les deux Cas récents qu’on connaît et qu’il ne faut peut-être pas citer. Après les avoir tant entendus faire de la réclame et répéter des formules creuses, on peut admettre sans exagération qu’on ne serait guère étonnés qu’après quelque scandale nouveau sur la mauvaise tenue des toilettes de l’Assemblée nationale, Mme Borne elle-même prenne la parole en plein hémicycle avec solennité pour indiquer, avec toutes les marques de la considération la plus sérieuse et persuasive dont on a déjà l’habitude, qu’elle se chargera personnellement d’y remédier, sans que nul à part moi ne songe à lui remarquer que sa fonction en principe est d’un ordre un peu supérieur ni à l’appeler, dès lors et pour toujours : dame-pipi, sobriquet qu’ils sont presque au point à présent de mériter tous.

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