L'émoticône "Haha" sur Facebook
Un des moyens les plus élémentaires pour identifier sans conteste sur Facebook l’idiot aigre et suffisant consiste à vérifier que, en face d’un commentaire dont il n’est pas d’accord, il se contente d’afficher, tôt ou tard, une émoticône « Haha » censé indiquer un mépris en façon de vengeance cuisante. C’est une « blessure d’amour-propre » qu’il a déjà reçue sans doute et qu’il veut reproduire, à laquelle il accorde de l’importance. Il ne s’est jamais rendu compte que ce symbole marque infailliblement celui qui a tort et scelle l’opprobre des êtres pertinents contre tous ceux qui se cantonnent à ces ostentations défoulées : c’est environ l’équivalent de l’insulte ad personam que profère l’homme qui, vexé et même frustré de ne savoir répondre, quitte une salle où l’on débattait avec recul et proprement entre gens de sens rassis. Ce « Haha » apposé à n’importe quel message est bien l’irréfragable indice que son émetteur est un idiot aigre.
Non seulement le Hahaïste affiche sa solidarité avec l’auteur du post, s’attendant à être encouragé par l’hôte et faisant de la grégarité complice une condition de la vérité, mais il signale la manière psychologique par laquelle il a déjà l’habitude de se débarrasser d’une réflexion qui l’incommode et qu’il refuse d’intégrer : grâce à l’oubli d’un éclat de rire stupide. Il est pourtant entendu que ce n’est pas un véritable éclat de rire, que ce dessin ne procède pas de l’humour, que c’est seulement un procédé ironique et méchant pour humilier avec la complicité d’autrui en un mécanisme stylé d’inconséquence volontaire. Celui qui « Hahaïse », en somme, veut dire en avec une haine complaisante : « J’ai bien coutume de ne pas considérer ce qui me contrarie. »
Il n’existe guère de manière plus efficace et indéniable de révéler celui, qui ne voulant pas réfléchir à une objection, préfère la nier, et fait de l’adhésion au grand nombre et de l’oubli systématique des moyens de vérité. « Je me moque, ainsi montré-je que ce m’est évident et qu’il ne vaut pas de discuter. — Expliquez-vous plutôt ! — Non, je ne m’y abaisserai pas. — Soit ! et je devine bien pourquoi, c’est qu’il est plus difficile de s’élever que de s’abaisser : c’est sans doute que vous êtes déjà un peu plus bas que ce que vous critiquez. »
Notez bien : cela simplifie considérablement le repérage des raisons et des vertus, dans toute controverse. On n’a presque plus besoin de lire des contenus, il suffit de voir qui a décoché la fameuse pastille, et donner automatiquement l’avantage à son adversaire : c’est peut-être une paresse, pourtant on est à peu près sûr ainsi de ne jamais se tromper.
C’est pourquoi je demande absolument qu’on ne supprime pas les « Haha », au même titre qu’il y a un intérêt à laisser les esprits médiocres s’exprimer en « faire montrer », en « jour d’aujourd’hui » et en « celles et ceux » : c’est une commodité pour les reconnaître. Je demande pour la même raison qu’on n’aille pas partager cette publication, s’il vous plaît. Il importe qu’on laisse les auteurs d’émoticônes se ridiculiser à leur insu et pour l’immense mépris d’un monde plus haut qui les juge, dont ils ignorent les véritables sourires de mépris et de connivence, et auquel, à cause de pareilles facilités qui font le repli de tous leurs torts, ils n’atteindront jamais.
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