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Henry War
21 mai 2023

Un test simple pour révéler un artiste

Ce qui révélerait enfin des artistes plutôt que des écrivains, ce serait de leur imposer qu’ils commentassent un extrait pris au hasard de leur dernier livre de façon qu’on vérifiât s’ils ne se sont intéressés qu’au sens, qui est tout ce sur quoi aujourd’hui on les interroge, ou aussi à la forme, dont les médias et intervieweurs font si peu de cas, la supposant peut-être inaccessible au Contemporain de leur audience. Un véritable esthète se moque d’abord de ce que pense un auteur sur tel sujet autobiographique ou de société, mais il a premièrement besoin de mesurer le perfectionnement de son art pour daigner ensuite l’écouter au titre d’artiste. On ne discerne pas facilement, parmi les généralités racoleuses que les auteurs ne manquent pas de rendre, où se situe la hauteur, mais s’ils commençaient par indiquer quels dilemmes techniques se sont posés à eux au moment d’écrire, on accèderait à une dimension plus intime de leur travail, et on repèrerait peut-être, en plus des efforts qui signalent un travail dont on peut raisonnablement douter en lisant les livres présents, une façon de complexité qu’on est en peine de leur trouver quand ils tiennent des discours vagues sur les raisons de leur « passion » ou sur la manière dont ils ont vécu la mort de leur mère. Qu’on leur donne à analyser, mot par mot et linéairement, un bref passage de roman, même un des leurs, et l’on reconnaîtra vite les faussaires de la culture, ceux qui, comme Picasso, refusaient de commenter leurs œuvres surtout par crainte qu’on les confondît. Sans doute, nombre d’auteurs seraient incapables de justifier pourquoi ils ont utilisé tel terme plutôt qu’un autre, n’ayant fait que rédiger à la hâte des images pour satisfaire l’éditeur qui réclame, en plus des promotions contractuelles, une nouveauté par an. On les trouverait hébétés et stupides, et certainement agacés, face aux interrogations du présentateur perspicace qui insisterait pour évaluer la quantité de réflexions que l’écrivain a réalisées avant de coucher la moindre phrase sur le papier, questions qui n’impressionnent jamais les artistes pour qui ces procédés, qu’ils utilisent sciemment, sont évidents et explicables : ce serait « discriminatoire », et nos piètres fabricants d’histoires seraient confus et découverts, préférant contribuer au mythe valorisant de « l’inspiration » et disserter de thèses banales et complaisantes auxquelles on les incite plutôt que souligner les difficiles arcanes que comporte tout art – à condition, certes, de les connaître soi-même pour être au moins un commencement d’artiste.

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