Stérilité de la démarche réticulaire

La réputation et l’usage de Facebook n’ont pas prouvé plus qu’exceptionnellement que ce système pouvait servir à initier une cohésion entre individus d’une semblable espèce d’élite. L’absence de direction que les Contemporains, y compris relevant d’un bon « potentiel », ont coutume d’abandonner à ces réseaux – réseaux qui, cependant, constitueraient d’efficaces outils de sélection au service de qui ne chercherait pas qu’à s’y s’abrutir en désœuvrement et aspirerait à quêter activement d’autres solitudes –, explique mon insuccès. Concrètement, « abonnés » à des centaines d’« amis », ils feuillètent au gré de leur ennui le « mur » abondant qu’ils font un peu défiler et où circulent quantité de messages vagues et stériles, sans lien avec leurs intérêts intellectuels spécifiques, échappant ainsi à tout ce qui ne fut pas publié le dernier quart d’heure : c’est encore une plateforme de l’errance ou des vacances de l’esprit. Il faudrait, pour atteindre ces gens, parvenir avec une extrême coïncidence à attraper leur attention à l’exact moment où elle s’y promène, organiser peut-être des campagnes d’opportunisme, publier à telle heure pile, se rendre visible en compagnie d’imbéciles, lever des scandales ostentatoires, déranger quantité d’internautes par messages privés circulaires, etc. Il est consternant tout de même de découvrir que les êtres les plus élevés de ces réseaux ne sont encore pas capables de se discipliner assez pour faire de leur esprit une machine de recherche et de perfectionnement : ils se sont livrés à la routine relativement pénible de leur travail avec moins d’idiotie que leur voisin, et cela suffit à les faire estimer qu’ils ont rendu leur meilleur, qu’ils peuvent en pleine innocence aller vaquer et se divertir après cela, qu’ils ont accompli leur devoir et sont quittes de toute obligation envers eux-mêmes. Étrange, l’incohérence qu’ils manifestent à publier leurs textes sur Facebook et à ne jamais en suivre de neufs : en vérité, ils ont au moins partiellement cessé de travailler, en ce qu’il existe même dans la création un processus stéréotypé où la curiosité est superflue ou ne sert qu’en relation avec une même sorte de stimulation paresseuse. « Ils sont devenus experts en leur domaine » égale « ils ne font plus qu’une chose et s’en tiennent rassurés parce qu’ils en sont incontestés dans leur spécialité ».

Je veux tenir un compte du 30 octobre 2022 où j’écris cet article pour pouvoir comparer avec le moment de sa publication, dans six mois environ : j’ai 156 « amis » Facebook dont presque aucun ne m’est personnellement connu, bien que je les aie toujours vérifiés aptes à répondre à un message privé. J’en perds régulièrement – hier encore – à cause de ma façon de mettre au défi l’intelligence de mes correspondants et de les enjoindre à corriger leurs textes et leur esprit quand ils sont insuffisants – je ne parle même pas d’opinions. J’entretiens, il est vrai, de moins en moins de douceur dans mon abord, et je me tiens désormais souvent intransigeant et même inamical : je veux ainsi, en plus d’économiser mon temps, faire entendre que c’est l’esprit qui m’intéresse, sa rigueur et son originalité, son génie et son art, rien d’autre. Toujours dois-je reconnaître que c’est sans progrès pour le projet initial qu’il m’intéressait de réaliser : personne ne se cherche ni ne se réunit sur Facebook faute d’en faire un usage raisonné, de sorte que ces sommes éparses d’individus ne font encore pas le commencement d’une communauté.