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Henry War
16 octobre 2019

Cachez ce voile que je ne saurais voir (fait-on dire à nos enfants scolarisés)

Il est singulier comme on considère les croyances dans notre pays. On y admet par exemple toute liberté de culte, mais on oblige les enfants à ne pas manifester leur religion là où le temps de leur vie est le plus long, je veux dire à l’école. J’ai peine à comprendre comment les familles croyantes ne s’en scandalisent pas, elles qui mesurent plus que tout autre la nécessité d’imprégner l’esprit puéril de mysticisme pour que, dans ce terreau aveuglant, la ferveur puisse croître et devenir solide. La chose, de surcroît, tolère des paradoxes parfaitement révoltants : on interdit fermement en classe les signes des cultes juifs et musulmans, mais on autorise ceux des chrétiens au prétexte qu’ils sont plus discrets : on fait là une singulière bouillie de l’égalité et de la laïcité.

D’ailleurs, laïcité : ce mot ne veut plus rien dire, il faut ici en rétablir la signification. On t’a fait croire, lecteur, que la laïcité était « l’interdiction de porter quelque signe religieux dans un lieu public ». Cette définition est fausse, et pour preuve : comment la femme voilée, ou la nonne, ou le prêtre en soutane, pourraient-ils sortir de leur habitation, de leur monastère, et marcher dans la rue qui est lieu public ? Erreur ! laïcité : interdiction pour les représentants de la fonction publique de porter quelque signe religieux dans leur lieu d’exercice ; ainsi les simples usagers ne sont-ils pas soumis au respect de la laïcité.

D’où vient alors que les élèves – usagers – sont interdits à l’école de voile ou de kippa ? Les Droits de l’Homme et ceux de l’Enfant, au surplus, n’obligent-ils pas au respect des pratiques religieuses, y compris dans l’école publique ? Sommes-nous donc des dictateurs à ne point tolérer seulement un haut foulard ou un chapeau court, et à ne pas appliquer le droit que nous avons fondé ? C’est qu’il n’est pas du tout question ici de laïcité, lecteur, mais de neutralité.

Qu’est ceci ? Devoir de neutralité, en gros : prohibition de toute influence oppressive dans le cadre scolaire. On n’accepte pas qu’un élève ou qu’un professeur impose ses opinions en prosélyte, oblige à l’adhésion à certains partis ou à certaines valeurs. On ignore comment cette obligation est compatible avec « l’enseignement des valeurs républicaines » (mais le législateur a sans doute pourvu à l’objection), cependant le voile et la kippa ont dû sembler à nos élus si tendancieux, si corrupteurs et si violemment « ostentatoires » (c’est le terme utilisé) qu’ils ont cru devoir les interdire absolument pour épargner à nos enfants quelqu’une de leurs « inévitables et pernicieuses influences ».

En revanche, j’ignore toujours pourquoi la croix chrétienne, en deçà d’une « certaine dimension », serait moins prosélyte qu’une croix gammée ou qu’un croissant de lune d’une taille identique : elle est pourtant permise. On dirait, dans cette idée, que le législateur suppose que le format du signe est proportionnel à son influence parce qu’il se voit davantage : faut-il leur rappeler que la kippa se porte sur le dessus de la tête et demeure presque invisible tout le temps qu’elle y est ? Pourquoi donc un tel acharnement ?

La vérité : laïcité et neutralité ne servent que de prétextes pour empêcher nos jeunes de devenir autres que chrétiens. En France, chacun ignore à peu près tout de ces autres religions qui n’en constituent pas la pure tradition, et bien qu’on prétende respecter toute croyance, on y est particulièrement incurieux des cultes de nos voisins dont l’étrangeté même nous inquiète. Vraiment, lecteur : as-tu lu l’Ancien Testament ou le Coran, ouvrages que chacun peut aisément parcourir en quelques heures ? Quant à moi, ceux qui me connaissent savent bien par quelle méfiance je traite en privé toute pensée fondée sur des fables, mais j’en suis encore à me demander quelle espèce d’objection je pourrais trouver à rendre sa copie à une élève voilée, pourvu seulement que je pusse vérifier qu’elle est bien la personne qui a inscrit son nom sur la feuille et fait le devoir. Mais je n’ai jamais rencontré un professeur qui fût de mon avis – ni d’ailleurs qui, comme moi, eût lu les textes religieux ou connu les cultes dont il est question.

Bien des pays consentent à ces signes religieux que notre nation, si sage et si prudente, nous apprend à nommer : pernicieux et ostentatoires. Lesdits pays – rengrègement de mal – adhèrent même volontiers à leurs usages, les fous : c’est certainement qu’ils n’ont pas encore découvert la grande faute derrière cela, qui est que leurs enfants apprennent le respect de la différence dans la réalité quotidienne, au lieu que les nôtres, plus philosophes et mieux éduqués, se les font inculquer grâce à nos bons vieux livres de morale, tout pleins de dogmes charmants et d’allégories éloquentes, et avec quels prodigieux résultats !

 

Post-scriptum : Mais comment notre Éducation Nationale peut-elle, sans contradiction majeure, accepter que des femmes voilées accompagnent des enfants lors de sorties scolaires ? Quant à moi, je n’y vois pas d’inconvénient : elles n’appartiennent pas à la fonction publique et ainsi, au même titre que les élèves, elles ne sont pas sujettes au devoir de laïcité – mais puisque nos ministres et nos lois ont décidé que le voile était un signe ostentatoire c’est-à-dire une atteinte à la neutralité, c’est donc officiellement que cette tenue est un prosélytisme ! J’aimerais bien que des individus intègres m’expliquent par quel miracle d’arguties vétilleuses ils croient pouvoir justifier cette nouvelle aporie !

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Commentaires
V
Je me demande bien de quelle religion la casquette ou la capuche sont les marques ostentatoires... <br /> <br /> (Ok, je sors!).
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