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Henry War
16 février 2021

Sois serein, compagnon

Le sentiment de la crainte ou du stress en société vient généralement ou de la surestime qu’on voue à quelqu’un, ou de l’importance excessive qu’on attribue à l’enjeu d’une situation ; en somme, on a peur d’être mal jugé ou l’on redoute des conséquences graves, et ces deux conditions figurent presque la totalité des motifs d’angoisse que l’on peut rencontrer au contact des gens. Or, c’est toujours mal mesurer, je crois, la teneur des êtres ou des circonstances : si nous redoutons des personnes parce que nous avons peur de n’être pas à leur hauteur, après examen il faut se résoudre à admettre qu’ils ne sont eux-mêmes souvent pas fort élevés ni dignes de considération, de sorte qu’après réflexion, le jugement porté sur nous (et sur toutes autres choses et sujets) par des sots plutôt déraisonnables ne doit logiquement pas fort nous importer. Quant aux décisions qu’ils risquent de prendre sur notre vie et dont l’effet n’est pas toujours négligeable, il faut y songer posément : est-il équitable et même moral de tant s’attarder sur le désir d’être avantagé par des imbéciles ? Si l’on demeure pauvre et ignoré par faute d’individus perspicaces pour reconnaître nos efforts ou nos vertus, pourquoi en être déçu ? à quoi fallait-il s’attendre ? pourquoi s’en inquiéter ? C’est une naïveté que d’espérer encore des récompenses pour tant de désillusions annoncées et répétées ! Et puis, dans le pire des cas, au plus sinistre de notre infortune, la corde est le remède à tout, ce ne sera rien alors de mourir. Il est plus sage ainsi de prévenir la crainte que de piètres rencontres ou d’injustes revers peuvent nous infliger qu’en se figurant par exemple, comme on le préconise parfois, son auditoire nu ou aux toilettes : en effet, sans recours à l’imaginaire, sans fiction complaisante et mensongère, on n’a qu’à se représenter en synchronie ce public tel qu’il est (on aurait même moins tort de se représenter une assemblée d’animaux), et tant qu’on est certain que notre représentation est irréprochable, se soulager de l’absurde terreur qui gagne à l’approche de « gens importants » et de « moments décisifs ». Ces gens sont peut-être un peu meilleurs que les autres, peut-être sont-ils aussi de ceux qui, pour une fois, savent discerner le mérite et prendre des décisions légitimes, mais c’est ce qu’on ne peut savoir ni ne doit présumer d’eux, en général, avant de les avoir connus… et peut-être même pas après, non, pas après non plus ! Une foule ou une personne est généralement un vide : c’est bien la règle ; or, le vertige ne s’entend pas raisonnablement quand il n’y a rien à voir, et pas même un gouffre à observer ; sa sensation alors tend naturellement à disparaître. C’est ainsi que la conscience exacte de la réalité humaine délivre de la plupart des appréhensions à vivre parmi des gens. Et c’est sans doute pourquoi on assimile de façon presque universelle la sagesse à la sérénité et à la quiétude : celui qui est éclairé, c’est celui qui ne rencontre pas d’individu véritable autour de lui, nul en tous cas qui soit capable de l’altérer, par conséquent il se sait seul, et donc il n’a plus rien à craindre du monde.

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A
C'est frais.
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