Une condition de la grandeur

Une condition de la grandeur, c’est de s’avouer souvent la crainte de son insuffisance : nul ne trouve intérêt à s’améliorer s’il se sent confiant en toutes situations ou s’il tâche à ne pas se confronter aux situations où il risque d’échouer. Pour s’édifier, il faut régulièrement mesurer son écart aux plus grands que soi et redouter au moins le ridicule – intrinsèquement, il faut aussi s’aventurer, c’est-à-dire oser entrer en lice contre des champions sur des notions difficiles. Or, qu’on voie combien cette vérité logique tranche avec la suffisance contemporaine où chacun se sent renseigné et légitime à intervenir sur n’importe quel sujet ! « J’ai bien vérifié ! Je sais tout ! J’ai passé dix minutes à regarder sur Internet à tel endroit où je me savais d’emblée confirmé ! » Si le corollaire à cette condition, c’est de dire parfois et hautement : « Je l’ignore », je ne sache pas, compte tenu de la rareté de l’aveu, qu’on puisse présumer rien qu’une fois par an se trouver en présence de seulement quelqu’un qui pourrait être grand.