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Henry War
30 mars 2021

Ce que révèle l'écrit

Vraiment, un auteur ne devrait jamais risquer sa plume s’il refuse qu’on le juge tel qu’il est traduit en mots : la moindre platitude, toute négligence, la plus petite facilité, le décèle et indique sa taille véritable – mais il lui faut certes un lecteur philologue, et ce lecteur a disparu. J’ai feuilleté l’ouvrage récent de Nicolas Sarkozy, que je méconnais, contre qui j’assure ne souffrir d’aucun litige particulier : ses occasions manquées de figures et d’esprit, ainsi que la façon presque puérile avec laquelle il représente platement les réalités de sa vie, sans commune mesure par exemple avec un Mémoires de guerre, le réduit avec ostentation à un représentant de l’époque, c’est-à-dire à un homme sans profondeur. C’est factuel, prosaïque, sans finesse, sans beauté, sans recul, sans art – mais j’admets n’avoir lu que des morceaux, suffisants à ma patience. Quand on jouit d’un certain prestige en tant qu’ancien chef d’État, on ne devrait point se donner à voir nu quand l’organe est à ce point minuscule (qu’on me pardonne la mesquinerie de cette plaisanterie que l’occasion me prête, on sait que je n’en use pas d’habitude), je veux dire qu’on ferait mieux de conserver l’image valeureuse que le bénéfice du doute peut encore offrir à la postérité plutôt que de l’abîmer soi-même en arborant involontairement les défauts – la superficialité notamment – qu’un style sans ajustement et qu’une pensée facile indiquent de façon immédiate. Je me suis déjà livré pour l’exemple à des exercices d’analyses méthodiques sur des extraits, analyses dont les conclusions, quoique peut-être insuffisamment développées aux plus exigeants, sont incontestables ; je pourrais de nouveau m’y atteler pour n’importe quelle page de ce livre sans crainte de réfutation (il reste à espérer que Sarkozy n’a pas écrit le livre dont il est l’auteur). C’est ainsi pour toute œuvre qu’on propose au jugement minutieux d’un authentique lecteur, c’est-à-dire de quelqu’un qui, aujourd’hui, n’existe plus et qui propose l’apport de sa réflexion critique au lieu de la seule figuration mentale d’une relation : ne pas se compromettre, garder son intimité obscure et conserver sa turpitude recelée, plutôt qu’afficher sans pudeur ce qui dénote le lourdaud, le paltoquet ou qui, inconséquent, se permet d’investir même sans intention les brisées des artistes.

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