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Henry War
20 mai 2021

Pistes juridiques contre le passeport sanitaire

Dans un précédent article, j’avais indiqué la façon dont on pouvait contester la fermeture des établissements accueillant du public suite aux confinements sous la forme d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité. J’avais indiqué précisément comment faire et sur quel fond juridique – il ne suffisait que d’avoir été l’objet d’une poursuite administrative. J’avais indiqué logiquement que ce recours déboucherait sur la suspension ou sur la réforme des interdictions d’ouverture, y compris en état d’urgence. Et c’est publiquement que je l’avais indiqué, et, pour cela, outre l’incitation que j’avais faite de partager l’article, j’en avais transmis le contenu à au moins quatre associations de défense de commerçants, dont pas une ne m’avait répondu, dont plusieurs même n’avaient jamais lu ce dont il s’agit.

Voilà décidément le problème : on ne me prend pas au sérieux. Il s’écrit et se lit tant de défoulements vains sur le Covid qu’on est venu à supposer qu’un texte qui en parle est encore une pure abstraction. Or, je prétends – pour le meilleur ou le pire, c’est selon le point de vue – que le dernier confinement n’aurait pas eu lieu, qu’il n’aurait pas seulement pu légalement avoir lieu en cette forme, si rien qu’un citoyen avait fait émettre cette QPC dans les termes que j’avais mentionnés. Mais enfin, je ne vais pas me travestir tout à coup en commerçant, et refuser dès mon autorisation de me plier aux lois de fermeture sanitaire à seul dessein d’instaurer un bienfait collectif que tant d’autres, qui se plaignent, sont incapables ou indésireux d’assumer ! Vous avez, ô peuple, quelques alliés intellectuels : mais soyez au moins un peu actifs quand ils vous soumettent des solutions, ou bien consentez enfin à ce que vous ne les méritiez pas.

La question d’une opposition légale au passeport sanitaire, je l’admets sincèrement, sera plus difficile ; je crois cependant une telle opposition possible, mais son succès plus incertain. Il faut particulièrement un plaideur qui possède l’esprit des lois françaises, et, si j’en fais partie, je ne suis assurément pas le meilleur, n’ayant guère étudié le Droit. Cependant, le Droit français est généralement une conséquence homogène de l’esprit français tourné en langage juridique ; et, pour le comprendre, il faut reconnaître que je suis excellent.

Je n’ai jamais perdu une seule action – pas la moindre – de défense ou de réclamation.

J’ignore si ce passeport pourrait s’avérer anticonstitutionnel ; j’en doute, et, à vrai dire, j’en ai assez de passer des heures à consulter des textes de loi et à chercher des recours qu’à la fin personne n’utilise, qui ne servent pour personne, qui ont l’air de théories et de vantardises pour tout le monde. Cette fois, je n’irai même pas consulter le texte de loi voté il y a quelques jours ; je travaillerai sur l’esprit de la loi telle qu’elle me paraît avoir été promulguée : ce sera bien suffisant pour ce qu’on en fera encore certainement de toute façon.

Le passeport sanitaire constitue une réglementation pour restreindre les déplacements et l’accès aux lieux publics en l’absence de certains documents relatifs à la santé du citoyen.

Je pourrais arguer contre lui de la confidentialité des données médicales, déjà actée par maintes législations : ce serait pourtant inutile, je crois. Il suffit toujours, comme le prétend déjà le gouvernement, d’alléguer que les informations transmises par ce passeport ne renseignent pas sur la santé mais valident seulement quelque « autorisation », de sorte que non seulement ce document peut être consulté par du personnel non médical, mais qu’en plus en sa forme il ne communique pas explicitement des données de santé. C’est bien sûr relativement de mauvaise foi, parce que n’importe qui sait, après consultation du document, que vous n’êtes pas atteint du Covid, et rien que cette information, qu’on pourrait comparer par exemple avec celle du Sida dans les années 80, sitôt qu’elle induit une interdiction et une limitation de liberté comporte une faille qu’on pourrait exploiter quant à la confidentialité et à l’utilisation des données médicales. Mais alors, il suffirait que la forme de ce passeport change, que la mention soit moins explicite, qu’il s’y mêlât, par exemple, quelque autre motif non sanitaire, pour qu’un agent quelconque ne puisse savoir si c’est pour raison de santé que vous êtes refoulé. N’empêche, même de ce point de vue, quiconque aurait assez de volonté pour se faire interdire explicitement l’accès par exemple à un avion pourrait facilement arguer de la chose suivante : c’est que son éviction signale publiquement et ostensiblement une donnée de santé. Et une telle objection passerait nécessairement par le Conseil d’État. Et probablement, toute la procédure en pareille situation serait alors à modifier, même sans remettre en cause l’existence du passeport lui-même ; son utilisation, seulement, en deviendrait extrêmement compliquée et délicate.

Un autre argument, plutôt subtil et en cela bien au-delà de la capacité ordinaire de nos avocats, c’est que, tant que la vaccination contre le Covid demeure facultative, la décision de faire usage ou non d’une seringue ou d’un test constitue, en plus d’un acte médical, une opinion politique ; or, la constitution est bien plus claire là-dessus s’agissant de la nature des restrictions en matière de croyances et de convictions : ces restrictions sont tout simplement illégales. Oui, mais il faudrait au préalable parvenir à monter un solide dossier établissant que le dépistage ou la vaccination s’agissant du Covid n’est pas, du point de vue intellectuel ou spirituel, une action anodine ou neutre, et que ces actions tout autant que leur absence induisent une adhésion ou une opposition à un parti, à une idée ou à une autorité – et l’on peut aisément étayer cet argument par le fait que l’État, à travers sa campagne de vaccination, propose non une information sur le vaccin mais bien une incitation. En démontrant qu’un test ou qu’un vaccin facultatif est un acte politique voire militant pour ou contre l’État, on démontrerait du même coup que le passeport sanitaire est un moyen de discrimination, même involontaire ou impartiale, pour restreindre la liberté en fonction des opinions personnelles. Ce recours, contrairement à son apparence de complexité, serait en fait plus sûr d’aboutir, mais aussi beaucoup plus long à instruire.

Un argument plus évident, en revanche, relèverait de nouveau d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (impliquant le recours défensif d’un citoyen sous menace d’une sanction administrative, à moins que des députés ne la soulèvent eux-mêmes) : c’est qu’en raison des articles 4 et 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que notre Constitution ratifie, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » et « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société » ; or, et c’est fondamental, c’est moins bêtement symbolique et plus juridiquement dense qu’on ne pense, un citoyen qu’on interdit d’accès à un magasin ou à un avion n’a, de fait et tout particulièrement s’agissant d’un vaccin sans obligation, rien à se reprocher, n’étant dangereux pour personne ; je veux dire qu’il n’est pas établi qu’il est malade, seulement on dit qu’il n’a pas apporté la garantie de son innocuité sanitaire : mais c’est justement ceci qui est anticonstitutionnel. Je veux dire qu’en l’occurrence on établit une interdiction non sur le fondement d’une nuisance réelle ou supposée, attendu qu’on ne peut pas même affirmer que celui qui ne dispose pas du passeport sanitaire est « probablement contagieux » (car selon toute vraisemblance statistique, on doit même pouvoir affirmer qu’il ne l’est « probablement pas »), mais sur une présomption de nuisance, sur une absurde allégation de péril que rien ne peut, de près ou de loin, démontrer. Car en effet, il existe une distinction essentielle et majeure entre le fait qu’un service administratif apporte la preuve que vous êtes malade pour vous défendre quelque chose (si l’on reconnaît encore que cette maladie est susceptible de nuisance) et le fait qu’il revienne à l’usager de démontrer qu’il n’est pas malade faute de quoi on lui défend par défaut tel ou tel droit, et c’est bien ceci à quoi la loi oblige en l’état actuel. Ainsi, la QPC pourrait être formulée en ces termes : « Le passeport sanitaire, lorsqu’il empêche des Droits notamment de déplacement, ne provoque-t-il pas une interdiction contre une action qui n’est pas prouvée nuisible à la société contrairement à la prescription des Droits de l’Homme et du Citoyen ? » Ou encore : « Peut-on interdire au citoyen d’accéder à certains lieux accueillant du public sans établir des indices préalables et suffisamment sûrs de sa nuisance ? » Ou bien, plus simplement : « Peut-on défendre une liberté à un citoyen qui ne contribue à aucune nuisance, comme l’établit la loi sur le passeport sanitaire ? » Cette question, évidemment, serait bientôt mise en relation par ses détracteurs avec la législation sur les vaccins obligatoires, législation qui, à ma connaissance, n’a elle-même jamais fait l’objet d’une semblable QPC et pourrait aussitôt être interrogée. Or, je n’entends pas comment un gouvernement pourrait s’en sortir : car enfin, il est manifeste que celui qu’on empêche légalement d’accéder à une boutique ou à quelque moyen de transport n’est coupable de rien, n’a rien à se reprocher, ne constitue ni menace ni nuisance pour personne, pas même, en termes vagues et très éloignés de la lettre et de l’esprit du Droit, une nuisance « potentielle », un « risque » – et un risque n’est pas du tout une nuisance.

Et voilà tout.

Est-ce donc que cette objection sera entendue plus que la première ? J’en doute fort, car je n’ai pas l’avantage d’une vaste audience pour porter loin mes réflexions, et la plupart de ceux qui peuvent relayer largement des idées capitales ne s’intéressent qu’à transmettre les leurs ou sont si mal organisés que mes sollicitations auprès d’eux finissent en gabegie. Enfin, toujours est-il qu’après cela, j’aurai non seulement la conscience intime d’avoir apporté un conseil pertinent pour améliorer l’état de la société où j’existe, mais aussi la preuve, comme cet article figure bel et bien ici et à cette date, que si mes recommandations finissent encore par ne rien réaliser chez le Français négligent ou indolent, c’est bien à cause de son incuriosité ou de sa paresse, pas de la mienne.

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