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Henry War
12 juillet 2021

Variante actualisée d'une sentence célèbre sur la liberté

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je continuerai à me battre pour que vous gardiez le droit de le dire. »

Il faut comparer cette sentence célèbre avec sa variante populaire d’aujourd’hui :

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, et comme vous êtes infime, pour le bien commun il vaut mieux que vous n’en diffusiez rien. Ce n’est pas d’ailleurs que je voudrais restreindre votre liberté, mais votre propos heurte la tranquillité publique, par conséquent il constitue une nuisance : le principe et le rôle de la démocratie, c’est de ne pas permettre que la majorité soit troublée. »

Nos contemporains, certes, ne sont pas juristes : ils se fient seulement aux droits acquis, et ils ne songeraient point à sonder personnellement l’esprit des lois comme Montesquieu. Il y a deux ou trois cents ans, ce qu’on estimait un principe de morale universel est devenu un article douteux qu’il faut entièrement réformer ou auquel il faut adjoindre quantité d’exceptions vétilleuses, faute d’y appliquer un peu d’esprit de conséquence. Ni intolérance ni censure, le citoyen moderne estime simplement que c’est la prérogative de l’égalité, comme il n’a rien de dérangeant à dire, de ne pas permettre qu’on puisse dire davantage que lui, et ce précepte tend naturellement à s’étendre au domaine de l’action. L’individu n’existe plus pour réfléchir, mais il veut qu’on se conforme à ce qu’il dit et fait, et quand il appartient à une multitude qu’il s’est en général contenté de suivre, il admet que la foule est un argument décisif, que l’homogénéité et la concorde sont des modes de paix que pour le bien de l’humanité il convient d’imposer à chacun, et il entend que la République non seulement interdise ses ennemis, mais interdise l’inimitié. Son droit de ne pas être inquiété pour ses pensées s’est mué en droit de ne pas être inquiété dans ses pensées, c’est-à-dire de ne pas être inquiet tout court. Et c’est ainsi que des millions de pièces de troupeau imbéciles sans la moindre espèce de philosophie réclament après leur « droit fondamental » qu’on ne dérange d’aucune forme de contradiction leur peu d’idées automatiques et vaines auxquelles on « attenterait » en les disputant : c’est ainsi qu’est advenu le triomphe de l’idiot innombrable sur le sage en rareté. Le régime de la bêtise du divertissement et de l’irresponsabilité confortable a permis et réalisé la décomplexion de ce que sans excès on peut désormais appeler : la tyrannie du plus grand nombre.

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