Mêler la politique et la société civile

Vraiment, mêler la sphère politique et la société civile n’était pas condamné à échouer. On admettait qu’il y aurait là une occasion de réconciliation des Français et de leurs élus, et, en théorie, ce n’était pas une mauvaise idée, ni même si naïve. Seulement, en pratique, cette idée principielle a été détournée. Des politiques ont cherché avec qui ils s’associeraient, et ils n’ont trouvé disponibles, dans leur entourage, ou que des débutants timorés pour attirer les suffrages, ou que des cyniques riches et influents pour servir de conseillers. Les débutants se manipulent, ce sont des députés qui ne savent qu’obéir, qui ne rechignent pas par exemple à limiter la durée du deuil des Français dont l’enfant est mort pour autant que ce soit l’avis du gouvernement : ils copient, comme tout mauvais de la classe qui est parvenu là sans avoir dûment passé l’examen d’entrée. Les riches font le pouvoir : ils placent leurs produits, ce sont ceux qui, effectivement, finissent par gouverner. On consulte des investisseurs et l’on fait voter leurs avis par des sots. Le régime devient à la fois une pleutrocratie législative et une ploutocratie exécutive. Autrement dit, une volonté d’entreprise commande, et une mentalité de valets la rend possible. La pensée du peuple, elle, a reculé, comme la consultation citoyenne sur l’écologie a échoué, assemblée que le pouvoir a découverte inflexible par tous les conférenciers et lobbyistes qu’il s’est efforcé d’y placer : ce n’est manifestement pas ce que le Président avait espéré.

Un lourd malentendu, en somme, a permis l’élection de M. Macron, grâce à sa formule, parce que tout le témoignage de la « société civile » que peut faire un technocrate se résume à commenter un environnement de patrons et de laquais. Le Français n’aurait jamais pensé que la version présidentielle d’une mixtion du politique et du civil consisterait en ce qu’un bon élève arrogant tirât sa direction de la vénalité, et sa permission de la vassalité.