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Henry War
8 février 2022

Principe de vote des Glorieux

Je suis d’une génération à laquelle l’inaction a toujours nui : parce que l’État n’a rien fait pendant longtemps et s’est contenté de contempler des dérives, j’ai pâti de plusieurs crises financières, d’une baisse significative du pouvoir d’achat, d’un service public dégradé ainsi que de préoccupations nombreuses sur l’avenir de la société ; mon héritage le plus dur, je le dois à des gens qui se sont complus à vivre avec les mêmes bénéfices comme s’il n’y avait personne après eux.

Mes parents boomers, eux, ont toujours été favorisés par l’immobilisme : tout s’est bien passé pour eux tant que rien n’est venu altérer le privilège de leurs conforts. Leur situation était bonne, il suffisait donc qu’elle demeurât identique ; il leur a toujours mieux valu ne rien faire que prendre le risque d’une différence, c’est ainsi que l’idée d’irrésolution est restée préférable en leur esprit à n’importe quelle vraie décision politique – cette remarque sur leur psychologie suffirait à expliquer pourquoi en nul domaine ils n’ont contribué à une audace, ni en art ni pour quoi que ce fût. Ce qui pouvait maintenir leur quiétude consistait bien davantage en le blocage et l’empêchement qu’en la bravoure et l’initiative ; puisqu’ils étaient déjà heureux, ne rien faire, c’était pour eux encore triompher. Ils sont demeurés foncièrement conservateurs et circonspects en toutes choses par opportunisme, se méfiant des mouvements qu’ils associent à la violence et au mal, rassurés par des inerties lentes, et habitués à ce que les effets les plus infimes leur soient malgré tout, dans la torpeur, plus avantageux ; ils sont plutôt conservateurs que rétrogrades pour tout ce que ce dernier terme suppose encore de déplacement. Nul changement véritable ne leur inspire confiance, ayant compris depuis longtemps que le changement ne peut que contribuer à leur désavantage, et ils considèrent, pour tout scrutin, que, faute d’être sûrs qu’un vote leur soit assez bénin c’est-à-dire globalement anodin, il suffit de patienter encore cinq ans ou même dix qu’un candidat « s’adoucisse » c’est-à-dire s’indolente, et que, en attendant, la plus prudente sagesse sera d’élire les moins vifs, fût-ce pour ne rien essayer – voilà l’argument principal de leurs typiques suffrages qu’ils couvrent d’excuses irréfléchies. De là surtout vient l’engouement de beaucoup d’entre eux pour M. Macron : il n’a rien fait, c’est donc un homme convenable, le contraire d’un agitateur ; en effet, puisqu’il ne remet rien en cause et n’œuvre qu’en superficie, c’est assurément un républicain fort honorable, respectueux des aînés, et sans aucun « danger », au sens où ils entendent ce mot comme « nouveauté » dont ils continuent de frissonner de péril et d’effroi.

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