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Henry War
9 février 2022

Le problème d'une société Orpéa

Ce n’est pas vraiment, pas exactement, pas strictement, que le vieillard paye de bon gré sa pension en maison de retraite, c’est plutôt que sa famille le met là où il l’importunera moins, étant pris en charge par du « personnel » : c’est cette culpabilité larvée qui tourne aujourd’hui tout le monde en simulacre de scandale s’agissant d’Orpéa, parce que chacun sent qu’il en va au moins un peu de sa responsabilité et tâche à se défausser sur d’autres au moyen de l’argument du « prix qu’on paye quand même pour un tel service ». Cette imposture, à mon avis, indique plutôt deux problèmes essentiels mais qui sont trop dévalorisants non seulement pour admettre une réponse mais pour permettre qu’on s’y penche sans inconvénient, à savoir : 1° Comment est-il possible qu’avec tant de temps libre les Français se débarrassent ainsi sans scrupule de leurs parents ? ; et 2° (qui peut répondre en partie à la 1°) Comment se peut-il que ces parents placés là soient globalement si invivables que leurs fils ne peuvent que refuser de s’en charger même avec le renfort d’une aide médicale à domicile ?

J’exclus notablement les parents des Boomers de ce questionnement : il est évident que quelque chose s’est passé principalement entre ces générations qui a effacé le sentiment de la responsabilité du soin des aînés, et c’est sans doute l’existence des moyens financiers et d’une alternative qui a relégué la question. J’ai aussi lu qu’on prétendait parfois que c’était la fierté de l’autonomie qui gênait les anciens à réclamer qu’on les soutînt ; or, je ne crois pas que jamais un aîné de quelque époque « imposa » à son enfant de l’accueillir chez lui – ce n’est pas ainsi que le choix se réalisait autrefois, ces délicatesses ayant toujours été voilées d’une certaine pudeur.

Mais ici, chacun continue de prétendre qu’il n’a pas eu le choix, que c’est contraint et forcé qu’il s’est résolu, en pleurant, à l’extrémité d’abandonner un parent à l’indifférence et à l’impersonnalité d’une salle commune d’institution, que son métier lui retire le temps qu’il lui aurait fallu pour s’en charger, et aussi qu’il manque de place pour accueillir chez lui un résident supplémentaire : j’affirme surtout qu’il n’en a pas envie, car au prix élevé qu’on paye à laisser stagner des pensionnaires dans des mouroirs blancs, on pourrait souvent sans grand mal financer le passage d’un employé ou agrandir la maison. C’est sans compter qu’il ne s’agit souvent pas de s’en occuper en permanence : le Français vit en moyenne à vingt kilomètres du lieu où il travaille, il n’aurait qu’à revenir déjeuner chez lui quitte à finir sa journée un peu plus tard, ils sont déjà des millions à conserver ainsi des chiens et des chats, est-ce pour prétendre à présent que les soigneurs des maisons de retraite font beaucoup plus que cela, les fasciner avec des téléviseurs cependant qu’ils sont deux à entretenir tout un étage ?

Enfin, si le Contemporain refuse assez librement une telle contrainte, je ne pousserai pas l’accusation, moi, jusqu’à me retenir de le comprendre : ce n’est pas la saleté physique de nos parents qui nous répugne – ce serait un embarras vite réglé –, mais c’est moralement qu’ils se sont rendus détestables, notamment par leur sottise et leurs caprices, et je ne connais pas trois personnes de mon âge qui consentiraient à passer ne serait-ce qu’une semaine de vacances en leur présence continue, aisément et sans condition.

 Je ne regrette pas d’avoir à être aussi franc et à déranger par ma véracité, car il faut bien reconnaître à la fin que ce n’est pas un problème d’administration de la société si des gens sont égocentriques et si d’autres, les premiers vieillis, sont insupportables même à ceux qui sont censés le plus les aimer.

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