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Henry War
20 avril 2022

Observation sur la fréquentation de mon blog

Les statistiques de mon blog révèlent qu’on le lit moins pendant les périodes de congés qu’au moment où les gens sont supposés travailler. Ce qui était inattendu à l’irréparable partisan du bénéfice-du-doute devient révélateur au froid analyste de l’homme moderne : les vacances, que d’aucuns estiment censées servir à (re)constituer l’individu, ne consistent au Contemporain qu’en paresse, ne lui servent qu’à végéter ; il ne cherche pas à s’édifier durant son temps libre par exemple en allant pousser sa réflexion sur des pièces éloquentes, il croupit, s’abandonne à du divertissement et à des vanités, ayant appris que son devoir était d’y faire cessation de toute activité cérébrale, par rumeur et tradition, soi-disant comme convalescence, mais convalescence de quoi ? De son activité professionnelle ? De ses tâches routinières, ennuyeuses sans doute mais le plus souvent peu épuisantes ? Allons ! En fait, il ne manque pas de temps pour s’exercer à lire, mais c’est quand il en dispose le plus qu’il lit le moins : la preuve, c’est qu’il parcourt surtout en été et sur les plages ce qu’on ne saurait appeler décemment « livres », action en elle-même qu’on ne saurait justement nommer « lire » ! Je n’ignore pas combien c’est notoirement malséant de le lui remarquer, ni que je serai banni pour cela à force d’y insister, ni qu’il me rétorquera l’argument de la pédanterie et de l’élitisme, mais il paraît bien que, pour l’élévation de son esprit, son pauvre journal quotidien de la semaine vaut déjà mieux que ces piètres pages reliées qu’on ose présenter comme d’intéressantes fictions. Il faut y songer, s’y appesantir un moment, avec toutes les conclusions, les conséquences et les réalités que cela implique : quand le Contemporain est au travail, il poursuit le labeur en s’édifiant au moins un peu, mais quand il est en vacances, il abandonne toute volonté de progrès individuel : constat terrible, sinistre, plus désespérant qu’on ne peut s’imaginer ; c’est psychologiquement qu’il faut se représenter cet homme, en se figurant à sa place : « Allez ! après le travail, je me prends une demi-heure pour lire le dernier Henry War du jour puisque je n’ai pas le temps de faire autre chose… Mais quoi ? c’est l’heure de mon congé ? Pas question de réfléchir : relâchement et farniente, car il ne sera pas dit que j’ai profité de mon temps libre pour le “mettre à profit”, comme ils disent. Le profit c’est l’entreprise : je n’y suis plus ! je n’y suis plus ! je n’y suis plus ! »

Comment veut-on que cette statistique ne soit pas calamiteuse ? Comme ils ont plus de temps, alors ils lisent moins ! Comme ils ont davantage l’occasion de croître en identité, alors ils deviennent anonymes ! Comme l’auteur naïf leur suppose des heures supplémentaires pour lire, il leur propose plus de textes à l’épuisement de ses propres ressources, alors ses textes au contraire sont moins lus qu’à l’ordinaire ! Comment comprendre cela ? Comment ne pas s’en affliger ? Comment demeurer « solidaire » ? « Mais les gens se reposent, voyons ! c’est tout simple ! — Comment ne voyez-vous pas que c’est quand ils sont au travail qu’ils se reposent ! — Vous exagérez ! Ils s’épuisent, au contraire ! C’est pourquoi ils ont besoin de se ressourcer ! — Vous prétendez que c’est quand ils ne font rien et ne sont personne qu’ils se “ressourcent” ? Mais à quelle eau boivent-ils ? On les voit plus altérés après qu’ils ne se trouvaient auparavant ! — Je vous envie, vous ne connaissez pas la fatigue, vous ne devez pas exercer un métier bien fatigant ! — Il n’existe rien de plus fatigant, de nos jours, que de veiller à l’entretien de l’esprit. Ceci est si vrai et si unanimement attesté qu’il ne viendrait plus à l’idée de quelqu’un d’essayer de lire, d’essayer de la littérature, s’il dispose de temps. Tous vos gens prétendument harassés d’ailleurs ne dorment point, vous ne pouvez le nier : ils s’agitent idiotement et ne se couchent guère. De sorte que ce que vous appelez “fatigue” n’est rien d’autre que l’ennui de toute activité constructive, et ce que vous appelez “repos” uniquement le désir de s’anéantir en bienheureux oubli. — Eh bien ! peut-être. Ils sont toujours libres : laissez-les à leur abandon. Pourquoi venir les déranger ? — C’est ce que je fais, je ne m’adresse pas à eux : ou bien pensez-vous par hasard qu’ils me lisent, à cette heure ? »

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