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Henry War
2 juillet 2022

Le caprice et le mépris

Je ne crois plus les Contemporains pondérés, critiques, raisonnables, intellectuellement accessibles, capables de recul et de sagesse, depuis qu’on les trouve systématiquement enfoncés dans le confort qui les empêche de réaliser le moindre travail de l’esprit, le plus petit effort de réflexion, et je doute que, dans notre société de la permissivité paresseuse ou de la sanction sous prétextes, on ose encore assumer le refus. Alors, pourquoi résister à leur donner exactement ce qu’ils veulent ? Prodiguons la « démocratie » qu’ils méritent et telle qu’ils se la représentent, c’est-à-dire la justification de tout au seul argument du plus grand nombre – pourquoi entretenir en-dehors de leurs impulsions la contrainte de délibérer ? Accorder sans examen toute doléance majoritaire sera une façon claire de précipiter leur mépris et de retourner par degrés ou bien à un certain équilibre rationnel ou bien à quelque tyrannie enfin explicite et consciente ; je veux dire qu’à tâcher d’expliquer ce qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas entendre, à faire résister le corps social à leurs lubies de plus en plus collectives, à passer leurs propositions au tamis du soupçon et du doute, l’État ne fait que retarder une situation de décadence évidente, et cet état intermédiaire entre le non et le oui est pire que le choix de l’un ou de l’autre parce qu’il offre le spectacle d’une dissension ralentie sans proposer de solution assumée et vive. Il ne faut peut-être pas, après tout, que les crétins si omniprésents soient entravés dans leurs décisions : sinon ils trouvent qu’ils sont censurés, se confortent dans la posture d’opposants brimés, ce qui diffère l’aperçu de leur inconséquence, ne perçoivent pas les fruits de leur impertinence ; la société prend encore en charge leur idiotie et en atténue les effets par transactions et allègements. Une « démocratie absolue » et parfaitement intègre serait le régime qui, au contraire, correspondrait pleinement à la mentalité du peuple, stupidité ou clairvoyance, et qui ne chercherait pas à altérer ses avis au-delà ou en-deçà de ce qu’il est et de ce qu’il vaut. Par exemple, le pass sanitaire constitue certainement une discrimination, mais n’est-il pas trop léger tant qu’il n’interdit pas la liberté d’expression, tant qu’il ne réprime pas les contestataires dans leur corps, tant qu’il n’oblige point à quitter son travail et à mourir de faim ou à risquer la prison ? Nos avancées par progrès tempérés masquent des intentions finales et donnent au peuple l’impression qu’il n’est coupable de rien, qu’il n’a consenti qu’à quelque anodine et symbolique mesure, qu’il se tient perpétuellement en un « juste milieu » parce que quelque hiérarchie l’a tempéré par autorité. Mais je propose, moi, que la désinhibition des lois donne accès au plein mépris, patent, éclatant, indéniable. Pourquoi ces intermédiations qui dévalorisent ? J’ai toujours affirmé qu’il n’y a que le mépris social qui corrige dans un sens ou dans l’autre, que le sentiment d’être déclassé est ce qui atteint le plus l’amour-propre dont chacun a particulièrement besoin pour vivre en se sentant respectable. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut aussi bien réaliser des culpabilisations illégitimes – quantité de Juifs et d’intellectuels se suicidèrent à l’approche de la seconde guerre mondiale –, qu’au moyen d’un juste mépris social permettre aux citoyens de se présenter, par l’acceptation favorable et légale de leurs désirs, dans les circonstances pleinement démocratiques quoique assez infamantes qu’ils désirent pour eux-mêmes – on n’est jamais si édifiés contre le cannabis qu’en écoutant Doc Gynéco ou Dr Dre. Eh bien ! ne différons plus, puisque la société réclame la légalisation ou la pénalisation de tout selon ses caprices, permettons-lui ce qu’elle désire avec tous les camps pour les récalcitrants de ces lubies ! Il n’y aura qu’arrivé à un point d’abjection ostensible et indéniable, ou du côté des oppresseurs, ou du côté des opprimés, qu’on parviendra à susciter le mépris et à réinstruire un certain esprit des lois, mais dans la transition où l’on est et où l’on contient les Français, on ne se résout pas à les brimer manifestement ou à les révéler tels inconscients qu’ils aspirent à être, on ne mesure point concrètement leur conséquence, et le peu qu’on discerne de leurs mœurs les excuse, c’est-à-dire qu’on ne permet de distinguer et de réaliser qu’un petit fragment de leurs abominables turpitudes. Ainsi, quand on aboutira d’une part à des expressions illégales, disparitions d’écrivains, lynchages et vaccinations forcées, et d’autre part à des chômeurs payés plus que les actifs, retraités disposant du double droit de vote ou lesbiennes accouchant d’enfants clonés à 72 ans, les choses seront devenues bien tangibles, les citoyens verront mieux à qui ils ont affaire en leurs compatriotes, il leur sera impossible de manquer la honte que leur inspire une société si franchement dégénérée, c’est bien concrètement qu’ils sentiront où mène une civilisation de la répression excessive et de la boutade absolue, ce ne sera plus tant virtuel, et leur mépris révolté prendra des formes qui seront capables de faire peser un fardeau moral à la fois sur les assassins décomplexés et sur les libres décrépitudes que leurs concitoyens seront devenus. Le remède à l’excès, lorsque dans une démocratie un peuple a perdu l’esprit, c’est d’instaurer l’excès auquel il aspire et de donner à le juger nettement dans l’application de sa démesure, puisque plus personne aujourd’hui ne dispose de conscience pour augurer intellectuellement les conséquences d’une absurdité tant qu’elle n’a pas atteint un haut degré visible de caricature. Il faut donc ensemble tout sanctionner et tout permettre au point où nous sommes, c’est le meilleur moyen de rétablir du discernement dans la mentalité française, un jugement de justice, une variété de sagesse, puisqu’actuellement il ne subsiste plus que deux postures populaires : ou le Français ne voit qu’à ce qu’on lui interdit, s’y focalise et s’offusque comme d’un jouet qu’on ne lui octroie point – en quel nom faudrait-il le frustrer de ses moindres désirs dans une démocratie, et que signifie la grandeur de la France, la bonne raison ou la dignité humaine, pour un être pareil ? –, ou bien il ignore le mal à opprimer autrui tant que la sanction ne retombe pas sur lui, et, au moins par sa manière de se détourner des victimes, il encourage toutes sortes de restrictions et de coercitions dont il se sent protégé – pourquoi douterait-il des lois qui ne l’atteignent pas et qui confirment par maints interdits qu’il se situe, lui, parmi les gens civiques, puisque le civisme selon lui se réduit à la loi ? Le n’importe quoi licite et égoïste profitera à tous comme contre-exemple : nous différons trop le moment du suprême mépris des peuples par les peuples eux-mêmes, nous retardons trop la volonté des citoyens de s’exercer au pouvoir aussi incapables et irresponsables soient-il, et, par cette faute et ce sursis, nous laissons à chacun le temps de s’acclimater à de petits dédains, d’accorder sa  confiance à une démocratie qui n’en est pas une, d’accepter des despotismes légers parce qu’il se trouve toujours pour lui quelque chose à profiter comme pour ses ennemis à péricliter, de sorte qu’un ensemble entre privilèges et oppressions lui donne l’impression finale d’un assez bon équilibre. Précipitons le mal et l’absurde que les peuples souhaitent, et voyons s’ils s’y résignent ou s’en sortent révoltés et édifiés : dans les deux cas, ils seront contraints de prendre position et de se distinguer avec  vigueur, de se responsabiliser en dictateurs ou en martyrs, au lieu que de nos jours personne n’ose le moindre référendum pour leur demander par exemple s’ils sont vraiment d’accord avec l’idée d’empêcher certaines catégories de gens de faire leurs courses ou de boire un verre en terrasse. Je ne puis présumer que, de toute autre manière, rien que des représentations, c’est-à-dire des explications théoriques, suffisent ou suffiront à les sortir de leur perpétuelle torpeur toujours vaguement mêlée de contrariétés, car eux-mêmes n’existent qu’au sein plus immense, où ils aiment à végéter, d’un oubli d’intérêts égoïstes en faveur de leur tranquillité et de leur divertissement, leurs bienheureuses et toutes puissantes priorités, leurs inconscientes divinités.

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